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Transition numérique en forêt privée

Maxime Bilodeau|Mis à jour le 13 novembre 2024

Transition numérique en forêt privée

Samuel Poulin, directeur général de Groupement forestier Beauce-Sud (Photo: courtoisie)

TRANSFORMATION NUMÉRIQUE. Les groupements forestiers du Québec font dorénavant un usage optimal des technologies de l’information.

L’époque où surchauffait l’imprimante des bureaux du Groupement forestier du Sud de Dorchester, situés à Saint-Prosper, dans Chaudière-Appalaches, est révolue. L’organisation, qui compte environ 900 membres propriétaires de boisés parsemés aux quatre coins de cette région voisine de la Beauce, a en effet pris le virage du sans papier. L’ensemble des dossiers en cours cheminent maintenant beaucoup plus vite, et ce, tant au niveau administratif que des opérations.

« Les délais de réception, de traitement et d’approbation de facture ont fortement diminué. Même chose pour les prescriptions sylvicoles et les rapports d’exécution de travaux ; il est plus facile que jamais de rédiger ces documents à partir des données récoltées sur le terrain », fait valoir Pascal Ouellette, directeur général du Groupement forestier du Sud de Dorchester. Qui plus est, il est désormais impossible d’acheminer des dossiers incomplets ou bourrés d’erreur, car les formulaires à remplir sont standardisés.

Cette numérisation des activités permet aux 11 employés du groupement d’abattre plus de boulot par heure travaillée. Cette hausse de productivité bénéficie tout particulièrement aux trois technologues forestiers de la société à capital-actions, une main-d’œuvre prisée, car assez rare. « Ça allège considérablement leur fardeau, souligne l’ingénieur forestier. Sans ces solutions de suivi à distance, il nous faudrait certainement réduire notre offre de services auprès de nos membres. »

Samuel Poulin, directeur général de Groupement forestier Beauce-Sud, qui a lui aussi embrassé le sans papier dans les dernières années, fait le même constat. « Nous bûchons toujours plus de bois, mais sans augmenter nos effectifs, confirme-t-il en entrevue. Avec les anciennes méthodes de travail, il nous aurait fallu embaucher plus de technologues forestiers, ce qui est impossible à l’heure actuelle. » Le Québec comptait à peine 2000 technologues et techniciens en sciences forestières en 2022.

La forêt privée à la rescousse

Ces deux groupements forestiers sont parmi les premiers au Québec à avoir entamé une transition numérique en 2022. D’ici le mois de mars prochain, l’ensemble des 35 entités semblables dans la province devrait en principe avoir fait de même. Les plus de 28 000 propriétaires de boisés privés répartis dans toutes les régions bénéficieront donc sous peu de meilleurs services d’exploitation et d’aménagement de leur capital forestier. De 14 % à 21 % du bois récolté au Québec provient des forêts privées.

Ce chantier d’envergure est piloté par Groupements forestiers Québec qui, comme son nom l’indique, veille aux intérêts de ce secteur de l’industrie forestière. L’organisme à but non lucratif a reçu un financement de près de 2,2 M$ dans le cadre de l’Offensive de transformation numérique, une initiative du gouvernement du Québec lancée en 2021, pour réaliser ce mandat. Le tout a été réalisé en collaboration avec FPInnovations, qui se spécialise dans la création de solutions favorisant la compétitivité du secteur forestier canadien.

« Avec les feux de forêt, la protection du caribou et la pénurie de main-d’œuvre qui y sévit, le secteur forestier subit des pressions de toutes sortes », explique Olivier Couture, directeur de l’innovation à Groupement forestier Québec. Dans ce contexte, la forêt privée fait office de soupape. « Les efforts majeurs de reboisement des années 1980 sont sur le point de porter leurs fruits. Et les groupements forestiers veulent être prêts pour saisir cette opportunité. »

La transformation numérique des opérations des groupements forestiers se veut aussi une manière de s’adapter à des marchés de plus en plus exigeants. « On le voit notamment en Europe, avec le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts : les attentes en matière de suivi et de traçabilité sont de plus en plus élevées, analyse l’expert. Être en mesure de garantir la provenance de notre bois en un seul clic représentera un atout considérable dans les prochaines années. »

Inventaires aériens

La modernisation des opérations forestières en forêt privée passe aussi par l’implantation de drones. Ces petits véhicules aériens sans pilote et télécommandés ont l’avantage de d’accélérer les relevés forestiers tout en améliorant leur précision. Qui plus est, peu de formation est nécessaire pour recourir aux modèles de moins de 250 grammes, lesquels sont relativement peu dispendieux.

« Nous pensons que les drones feront partie du coffre d’outil des technologues forestiers de demain, au même titre que le GPS ou le téléphone intelligent, prévoit Pascal Ouellette, du Groupement forestier du Sud de Dorchester. Il suffira par exemple de les programmer pour suivre un itinéraire donné afin de réaliser un inventaire en bien moins de temps qu’il en faut pour couvrir la même superficie à la marche. »