(Photo: 123RF)
CHRONIQUE — La seule certitude quant aux marchés financiers, aux nouvelles technologies et à la pérennité des industries ou des entreprises est leur incertitude. Depuis le temps qu’on nous dit que la seule constance est le changement, force est de constater qu’effectivement, plus rien n’est acquis. Les clients, les fournisseurs et les employés sont aussi volatiles que le cours de la Bourse !
Un nouveau joueur qui apparaît, une technologie qui sort de nulle part et vous devez illico réinventer votre modèle d’affaires, mais aussi former rapidement une nouvelle équipe de talents pour faire face à la transformation qui s’impose. À défaut, vous manquerez le bateau et risquerez de finir en dinosaure exposé au «Musée des entreprises d’autrefois» pour rejoindre les Kodak, Blockbuster et autres Nokia qui n’ont pas vu venir le tsunami qui les a rayés de la carte. Pourtant, toutes ces entreprises étaient les leaders de leurs marchés et avaient les meilleures équipes.
Innover encore et toujours
Qui sont les coupables ? La technologie ? Celle à laquelle on ne croit pas parce qu’elle n’est jamais assez prête et trop risquée ? Ou parce qu’elle est portée par une bande de jeunes «geeks» à lunettes ? Ça vous rappelle quelque chose, ces start-up de garage que sont devenues les Microsoft, Apple, Google, Netflix qui ont révolutionné le marché ?
L’équipe de direction et le conseil d’administration sont-ils aussi responsables ? Vincent Barabba a été chef de l’analyse stratégique chez Kodak, Xerox et General Motors. Cet homme a été reconnu comme un des meilleurs leaders de son temps. Malheureusement, cela n’a pas suffi pour sauver ces entreprises de la faillite ou de leur dégringolade. Trop souvent, les équipes de direction sont dans le déni, bercées par la peur de l’inconnu et animées par le confort de ne pas changer une formule qui a fait ses preuves. Elles se croient protégées par leurs parts de marchés, leur capitalisation boursière, et elles sous-estiment, voire ignorent la vague de fond qui va les frapper.
La pression pour innover est aujourd’hui si intense que les entreprises ne prennent pas le temps de réfléchir aux problèmes du présent pour imaginer leur futur. Elles nomment des chefs de l’innovation, une sorte de professeur Tournesol qui travaille en vase clos en réfléchissant à des solutions miracles sorties de leurs laboratoires. Pendant ce temps, la direction a le «nez collé sur le guidon» et le conseil d’administration se plaint de ne pas passer assez de temps à discuter des tendances et de la stratégie. L’innovation est l’affaire de tous et c’est avant tout une culture d’entreprise.
Votre équipe à la rescousse
Alors, comment créer des équipes qui conduiront le changement et stimuleront l’innovation ?
Une des réponses possibles est de favoriser l’autonomie, la confiance et la communication pour aider les équipes de direction à articuler une meilleure compréhension commune et bâtir un consensus autour d’équipes collaboratives. La collaboration inter/intra, à tous les échelons de l’organisation, stimule la performance et l’envie de se dépasser. Donnez de l’autonomie, de la flexibilité à vos meilleurs talents, offrez-leur un espace de travail qui favorise la créativité et, surtout, responsabilisez-les, vous mesurerez à quel point leur degré d’engagement et de motivation augmenteront.
Demandez-vous :
> À quel point nos leaders sont-ils ouverts d’esprit et accueillent-ils le changement ? Des leaders ouverts, curieux et empreints d’humilité sont essentiels. Comme Socrate, ils devraient pouvoir dire : «Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien» et, du coup, ils (se) poseraient plus de questions.
> Quelles sont les voix au comité de direction que nous devrions plus souvent écouter et prendre en considération ?
Je fais référence ici à l’importance de la diversité autour de la table. Pas seulement de genre, mais aussi culturelle, générationnelle et sociétale. Plus les points de vue seront diversifiés et pris en considération, meilleur sera l’accueil de la voix dissonante porteuse du réel changement.
> Avons-nous la bonne équipe pour faire face à une ère de perturbations et de transformations ? On s’entend, ici, même si vous n’êtes pas encore frappé par le tsunami, ce n’est qu’une question de temps ; il est urgent de redéfinir vos stratégies de gestion de carrière. Sortir des chemins traditionnels verticaux et miser sur des trajectoires professionnelles plus riches en expériences, en projets variés et pour des rôles et des responsabilités qui sortent vos équipes de leur zone de confort. Apprivoiser l’inconnu et embrasser le changement s’apprend et se pratique au quotidien.
Pour la petite histoire, en 1989, quand Colby Chandler a pris sa retraite de la direction de Kodak, deux candidats finalistes ont été considérés. L’un croyait à la technologie numérique de la photographie et l’autre offrait une solide carrière dans le film traditionnel. Devinez qui a été choisi ? Le candidat au parcours traditionnel offrant de la sécurité à court terme, celui de la continuité et du conservatisme. Tellement plus rassurant, n’est-ce pas, plutôt que de prendre le risque de miser sur la nouveauté et l’innovation.
Pour mener la transformation à bien, il faut savoir saisir l’occasion avant qu’elle disparaisse, au risque de finir par suivre la parade. Avant votre prochaine réunion de comité de direction, relisez Le Petit Prince de Saint-Exupéry, car encourager l’innovation, c’est imaginer un mouton à travers les trous d’une boîte de chaussures…
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