Le secteur de l’agriculture tirerait déjà avantage de l’IA. Sur notre photo, John Deere exposait en janvier, à Las Vegas, son dernier son modèle de moissonneuse-batteuse « connectée ». [Photo: Getty Images]
TRANSFORMATION NUMÉRIQUE — Intelligence artificielle (IA) par-ci, intelligence artificielle par-là. Soyons honnêtes : le thème de l’IA est de toutes les conversations et de tous les séminaires d’affaires depuis quelque temps.
Est-ce pour autant la clef du succès futur de votre organisation ? Est-ce que l’avenir de votre entreprise en dépend vraiment ? Nous avons posé la question pour vous.
Jean-François Veillette est vice-président marketing de Necando Solutions. Cette entreprise de Montréal se spécialise dans la gestion de l’information, la gouvernance de données, l’analytique avancée et l’IA. À son avis, tous les entrepreneurs devraient au moins prendre la peine de réfléchir à la question. Les retombées potentielles pour une entreprise lui paraissent trop importantes pour risquer de faire l’économie d’une telle réflexion.
D’ici 15 ans, soutient-il, l’IA permettra aux entreprises d’accroître globalement leur rentabilité de 38 %. Si vous n’en profitez pas, est-ce que votre principal concurrent, lui, saura en tirer profit ?
Le potentiel est particulièrement important, à son avis, dans les secteurs d’activité où les entreprises disposent et font déjà usage de données massives dans leurs procédés. Lorsque c’est le cas, plus de 90 % d’entre elles peuvent en tirer avantage, soutient-il.
«De là à avancer que toutes les entreprises peuvent profiter de l’IA d’égale manière, c’est une autre histoire. Et la réponse honnête est : peut-être pas», admet-il.
Alexandre Navarre, associé de recherche à l’École de technologies supérieures (ÉTS), n’en pense pas moins. Avec le professeur Mickaël Gardoni, il a codirigé un ouvrage intitulé Pratique de gestion de l’innovation, qui aborde ces questions.
M. Gardoni rappelle que contrairement à ce que certains messages pourraient laisser croire, l’«intelligence artificielle est d’abord un moyen [pour parvenir à quelque chose]. Et surtout, tout sauf une fin en soi.»
Ainsi, il conseille aux entrepreneurs d’entamer leur réflexion en s’interrogeant d’abord et avant tout sur les soucis d’affaires auxquels ils sont confrontés. «Des domaines se prêtent moins à l’IA que d’autres. C’est le cas de l’enseignement, explique-t-il. L’enseignement du vélo, par exemple, demande un transfert de connaissance d’un individu à un autre que l’IA peut difficilement remplacer.»
Néanmoins, en partant de soucis concrets à solutionner, nombre d’entrepreneurs sceptiques pourraient être surpris de l’ampleur des possibilités. C’est souvent ainsi, là où on les attendait le moins, que la plupart des inventions de rupture surgissent, explique M. Navarre. Ce dernier cite le cas simple des «Post-it», nés à l’origine d’une bête erreur d’un employé de 3M. Aujourd’hui, ladite «erreur en question» est utilisée dans tous les bureaux du monde !
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Les ordinateurs d’aujourd’hui disposeraient d’une puissance de calcul deux milliards de fois supérieure à celles des années 1970. Lorsqu’elle est combinée à l’existence de données importantes, cette puissance de calcul parvient à surprendre les entreprises des secteurs les plus traditionnels, comme la construction.
C’est ainsi que des industries que l’on imagine souvent les moins adaptées à l’intégration de ces avancées technologiques pourront peut-être découvrir de nouvelles avenues. Le secteur de l’agriculture, par exemple, tire déjà avantage de l’IA en utilisant les données passées pour déterminer quelle variété de semence sied le mieux à un type de terre et de condition climatique en particulier.
Après l’évaluation initiale, comme c’est souvent le cas, tout dépendra du traditionnel calcul coût/bénéfice, affirme M. Veillette. «Quel est le coût d’implantation d’une technologie d’intelligence artificielle dans nos processus ? Surtout, est-ce que les retombées espérées d’une telle nouveauté valent les investissements requis ?»
La réponse variera d’une industrie à l’autre et, à l’intérieur d’un même domaine d’activité, d’une entreprise à une autre. Par exemple, en fonction de ses moyens, de sa taille, de son fonctionnement, de ses clients, de ses ambitions, ou encore de la concurrence.
En attendant, plusieurs organismes, dont Investissement Québec, font la promotion de l’IA auprès des entreprises du Québec. De son côté, M. Gardoni travaille à la création d’une chaire de recherche en IA qui vise à accélérer la transformation numérique des entreprises du Québec.
S’appuyant sur une étude de l’Alliance canadienne pour les technologies avancées, M. Navarre rappelle que le retard des entreprises québécoises en la matière est bien connu. En Allemagne, par exemple, 75 % des entreprises manufacturières ont déjà automatisé leurs processus, comparativement à 25 % des entreprises d’ici.
Ce retard des sociétés québécoises en matière d’automatisation révèle-t-il une faible prédisposition à l’adoption de technologies de l’IA ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, l’adoption de l’IA par les entreprises québécoises est pressante, estime M. Navarre. Il en va ni plus ni moins du maintien de leur compétitivité.
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