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Data-Coop Culture outille les PME du secteur culturel

Emmanuel Martinez|Publié le 29 janvier 2024

Data-Coop Culture outille les PME du secteur culturel

Arnaud Nobile, responsable de l'initiative Data-Coop Culture et cofondateur de Culture Cible (Photo: courtoisie)

TRANSITION NUMÉRIQUE. Comme une foule de PME, les organisations culturelles sont mal placées pour exploiter des données en raison de leur petite taille et d’un manque de ressources. Toutefois, l’initiative Data-Coop Culture vise à leur offrir les outils requis grâce à une plateforme marketing collaborative consacrée au secteur culturel.

Lancée par la coopérative Culture Cible, ce projet veut mutualiser les données à usage marketing récoltées par les différentes organisations culturelles participantes, afin de les aider à effectuer des campagnes publicitaires plus efficaces.

« C’est novateur, car je ne connais pas de projet comme le nôtre, explique Arnaud Nobile, responsable de cette initiative et cofondateur de Culture Cible. Le principe, c’est qu’on crée une coopérative de la donnée. Ceux qui en font partie peuvent utiliser les données qu’on ne privatise pas, qu’on ne vend pas, mais qu’on met à la disposition des membres. »

Selon lui, cette initiative permettra aux organisations culturelles d’effectuer des campagnes publicitaires beaucoup plus performantes et d’avoir accès à une technologie facile d’utilisation qui leur redonne le plein contrôle sur l’usage de leurs données. Grâce à un grand nombre des partenaires, la quantité de données accumulées sera suffisante pour offrir un sérieux coup de pouce aux organisations participantes. Parmi celles-ci, on retrouve des festivals (Francos de Montréal, le Festival du Nouveau Cinéma, Festival de la chanson de Tadoussac, etc.), des lieux de diffusion (Salle Pauline-Julien, Centre de création diffusion de Gaspé, etc.), des médias (Baron Mag, atuvu.ca, etc.), des entreprises du domaine de la musique et d’autres institutions culturelles.

Au total, il y a environ 80 organisations participantes, ce qui a permis de créer 3 millions de profils de visiteurs depuis environ un an et demi.

 

Le TNM se lance dans les données

Le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) fait partie de ces organisations participantes.

« On peut comparer le comportement selon les différentes institutions pour déterminer si le parcours client chez nous est optimal, explique Frédérique Brault, directeur des communications, du marketing et des ventes au TNM. C’est important, car plus de 80 % de nos billets sont vendus sur le web. On a l’opportunité de mieux raffiner notre message. Notre but, c’est la conversion, soit d’amener les gens à agir. Avec un meilleur ciblage, on aura un meilleur retour sur investissement. »

Avec ces données, le TNM peut choisir comment mieux promouvoir un spectacle. Par exemple, est-ce en mettant de l’avant la qualité artistique du spectacle ? Ou encore la notoriété d’un comédien ou d’une actrice ? Afin d’utiliser les données à leur plein potentiel, ce théâtre a créé un poste d’analyste des données il y a un an et demi.

« À ma connaissance, on est le seul théâtre québécois avec un tel poste, explique Frédérique Brault. La culture de la donnée prend une place grandissante. L’organisation apprend à vitesse grand V. D’ici un an, on veut établir un profil de fréquentation avec un niveau d’engagement afin d’adapter nos actions et interactions. »

 

Contrer les GAFAM

Donner des outils aux organisations culturelles afin de mieux présenter leur offre à une clientèle intéressée n’est pas le seul objectif de Data-Coop Culture. Rétablir une certaine souveraineté québécoise sur ces données qui sont vampirisées par les géants de l’internet est central dans cette démarche.

« Le cœur du projet est d’offrir une alternative publicitaire aux GAFAM, soutient Arnaud Nobile. Au lieu de les laisser prendre les données et nous les revendre, on les conserve. Les organisations participantes peuvent exploiter les données sans payer Google ou Facebook. »

La mission consiste également à construire des ponts avec des passerelles publicitaires web pour des joueurs qui n’ont pas les moyens de faire affaire avec des agences. Le but : de la publicité programmatique à faible coût pour les participants.

« On veut créer un outil libre-service pour pouvoir lancer une campagne de pub aussi facilement que sur Facebook, avec des outils de performance pour mesurer l’efficacité des campagnes, précise le responsable de Culture Cible. On désire ramener 20 % des investissements publicitaires du milieu culturel qui allaient aux GAFAM vers des réseaux de publicitaires locaux. »

 

S’autofinancer

La firme Technologies Oziom de Montréal est le conseiller technique et l’intégrateur technologique du projet Data-Coop Culture. La plateforme utilisée pour amasser les données et les exploiter provient de l’entreprise française Eulerian.

Pour poursuivre le développement de cette plateforme, Culture Cible veut recevoir du financement étatique.

« À terme, notre modèle est l’autofinancement, affirme Arnaud Nobile. Ceci inclut le coût technologique et le fonctionnement de la plateforme. J’estime que cela coûtera entre 300 000 $ et 400 000 $ par année. »

Culture Cible désire compter sur 150 organisations d’ici la fin de l’année. Celles-ci accueillent sur leur site web respectif des pixels nécessaires pour récolter les informations sur les internautes de manière anonyme tout en respectant la Loi 25 sur les renseignements personnels.

Plus le comportement des consommateurs québécois de culture sera compris, plus ce sera facile pour les organisations de les rejoindre. Ces données pourraient également servir à mieux comprendre l’évolution de cette industrie par l’Observatoire de la culture.

L’ajout de billetteries ou d’une institution comme la Place des Arts de Montréal permettrait de bonifier la performance de la plateforme en fournissant une quantité considérable de données additionnelles.

« On ne pourra pas battre les gros joueurs de l’internet en situation de monopole, mais la collaboration dans des niches est possible pour devenir moins dépendant d’eux », dit Arnaud Nobile.

Cette prise en main des données par le domaine de la culture pourrait inspirer d’autres à faire de même.

« Cela montre l’intérêt de notre milieu de se réinventer et de ne pas rester dans les vieilles pratiques », note Frédérique Brault du TNM.

Si le secteur de la culture, qui est somme toute assez disparate et qui dispose de faibles moyens, peut y arriver, rien n’empêchera d’autres industries de suivre cet exemple.