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Surmonter les défis de la transition numérique

Julien Lamoureux|Publié le 29 janvier 2024

Surmonter les défis de la transition numérique

Véronique Langlais, chargée de projet chez Québec numérique (Photo: courtoisie)

TRANSITION NUMÉRIQUE. Mettre son entreprise à l’heure du numérique est une question de survie. La transition va néanmoins entraîner de nombreux changements qui vont influencer directement les stratégies et les modèles d’affaires de l’entreprise, qui vont eux-mêmes entraîner en retour d’autres transformations numériques. 

Après avoir ouvert leur magasin à Loretteville en 2022, Anita Légaré et Cynthia Faucher, les associées qui ont lancé Nutrivore, se sont rapidement rendu compte « que les gens qui mangent des insectes n’habitent pas à Loretteville », où leur magasin est situé, se rappelle Anita Légaré. « Nos clients sont un petit peu partout dans la province. » 

Les entrepreneuses ont donc tenté de créer elles-mêmes une plateforme pour vendre en ligne leurs produits à base d’insectes, mais elles ont fait planter leur site web. 

Pour elles, enclencher une transformation numérique en créant cette plateforme afin de bonifier l’offre de leur magasin demeurait une nécessité. Elles y sont parvenues en allant chercher l’aide disponible, mais cela a tout de même requis une dose de « ré-apprentissage », admet Cynthia Faucher. « C’est un clash des générations. On n’est pas nées avec le numérique dans les mains ! » 

Pour saisir l’occasion d’affaires que représente la transformation numérique d’une entreprise, il faut affronter plusieurs défis, comme l’ont constaté les deux cofondatrices de Nutrivore.

 

Les défis technologiques

Véronique Langlais, chargée de projet chez Québec numérique, a accompagné les deux entrepreneuses au début du processus. Pour elle, la cybersécurité a fait partie des principaux enjeux liés à cette transformation numérique. 

Les entreprises, peu importe leur taille, vont avoir « beaucoup d’informations [sur leurs clients] à gérer dans les prochaines années », analyse-t-elle. La loi 25, qui modernise la protection des renseignements personnels au Québec et dont l’entrée en vigueur est en cours, peut être « un casse-tête. » 

« On parle peu de cybersécurité, mais ça fait partie [de la démarche] », renchérit Étienne Dansereau, directeur des programmes et de la mutualisation au Réseau des Centres collégiaux de transfert des technologies (CCTT). « On intègre plus de solutions numériques, mais est-ce que l’architecture de réseau est à l’épreuve ? »

De son côté, Jean-Philippe Couture, vice-président Transformation et Services chez ITI, veut rappeler aux chefs d’entreprise que la transformation numérique de leur entreprise finira par révéler la « dette technologique » qui a été accumulée avec le temps. « Le sous-investissement […] est dû au fait que les gens n’étaient pas toujours capables d’identifier la valeur de la transformation numérique. [Il y a] des entreprises qui ne se sont pas renouvelées. » 

Impossible de parler de numérique en 2024 sans mentionner l’intelligence artificielle (IA). Pour l’instant, les experts interrogés par « Les Affaires » s’entendent pour dire qu’il est tôt pour voir tout le potentiel de l’IA se déployer, en particulier dans les PME. « Les applications les plus régulières que je vois, c’est la création de contenu et l’automatisation de certains processus, mais on n’est pas [à un point où] ça a une portée extraordinaire » pour la plupart des entreprises québécoises, croit Véronique Langlais.

 

Les défis humains

Les machines, c’est une chose, les humains, c’en est une autre. « Il y a toujours une peur du changement, et ça fait partie des éléments à considérer en amont », rappelle Étienne Dansereau. C’est pourquoi une communication claire de la part des dirigeants envers leur personnel fait partie des éléments primordiaux d’un plan de transition réussi [voir autre texte]. 

Au-delà de l’incompréhension, les éléments qui changent le quotidien et transforment le travail de la main-d’œuvre peuvent entraîner des craintes, surtout chez les employés qui sont là depuis plus longtemps. De son expérience, Jean-Philippe Couture remarque que, bien souvent, ceux-ci se demandent ce qu’ils vont devoir réapprendre. C’est donc important de parler de formation et de coaching, et de le faire avec empathie. D’autant plus que bien les entreprises sont « hétérogènes dans leur maturité numérique, rappelle Véronique Langlais. Certaines personnes partent de plus loin. » 

Il ne faut pas perdre de vue que les inquiétudes peuvent aussi se trouver au sommet de la hiérarchie. En effet, l’enthousiasme d’Anita Légaré et de Cynthia Foucher à faire face aux défis rencontrés n’est pas partagé par tous les propriétaires de PME du Québec. « Les dirigeants se posent beaucoup de questions. Il y a deux raisons : ils ont peur de l’échec, et ça représente un investissement massif », selon Jean-Philippe Couture. 

Il existe des programmes de subvention pour alléger ce fardeau. Nutrivore a d’ailleurs eu recours à un tel coup de pouce. « On est le meilleur exemple qu’on a besoin d’accompagnement », résume Cynthia Foucher. 

La question de l’investissement est particulièrement délicate au début d’une année où l’incertitude financière prime. Pour le vice-président d’ITI, ce n’est pas une raison d’avoir froid aux yeux, parce que la plus grosse menace pour une entreprise, peu importe sa taille, serait de retarder sa transformation numérique au moment où ses compétiteurs sont probablement en train de se lancer dans un processus qui leur apportera plus d’efficacité et de valeur.