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Comment Accenture veut transformer la mobilité

Siham Lebiad|Édition de la mi‑mai 2019

Comment Accenture veut transformer la mobilité

Les deux pistes du projet Ottawa-L5 permettent de tester des véhicules autonomes à Ottawa depuis mai dernier. (Photo: investottawa.com)

TRANSPORT ÉLECTRIQUE. Le marché des voitures autonomes représente un potentiel de profits de 220 milliards de dollars, selon Accenture. Les Affaires a rencontré deux dirigeants du cabinet international de conseil et de technologies lors du sommet Movin’On, qui s’est tenu début juin à Montréal, afin d’en savoir plus sur les défis que rencontre cette industrie et sur le partenariat qu’ils ont développé avec le projet Ottawa-L5. 

Juergen Reers, directeur général d’Accenture, nous explique tout d’abord les raisons derrière le grand potentiel financier des véhicules autonomes, qui serait principalement dû à la diminution des coûts liés aux véhicules opérés par un humain. « Si vous n’avez plus besoin d’un chauffeur, et que ce dernier est responsable de 40% à 60% du coût total de transport par kilomètre, [la voiture autonome] devient beaucoup plus attrayante et peut gagner une grande part de marché », dit M. Reers. « Nous observons par ailleurs une forte tendance en ce moment, à savoir que de plus en plus de gens ne sont plus intéressés par la possession de véhicule », ajoute-t-il. 

Le déploiement de véhicules autonomes connaît cependant plusieurs obstacles. La principale difficulté reste de former un système homogène, où tous les agents économiques, de production et de réglementation convergent vers un soutien de cette nouvelle technologie. « Le plus grand défi sera de travailler ensemble avec les manufacturiers, les villes et les entreprises de télécommunications, afin de créer un écosystème qui peut soutenir les véhicules autonomes », confie M. Reers. 

« Tous les paliers de gouvernement devront adapter et faire évoluer leur cadre de réglementation dans le but d’intégrer cette technologie émergente », ajoute Dave Telka, directeur général, santé et services publics Canada – chef numérique et comptes clients,  chez Accenture. 

Les infrastructures des villes ne sont actuellement pas configurées pour l’utilisation de véhicules autonomes. Au Québec, la loi permet seulement les projets-pilotes et définit de manière très stricte le cadre de leurs opérations.

Ottawa y travaille déjà 

Même si les lois sont encore strictes en matière de véhicules autonomes, Accenture a lancé en mai 2018, en partenariat avec Investir Ottawa, le premier projet dédié à tester des véhicules autonomes. Baptisé Ottawa-L5, « il s’agit d’une initiative de la ville d’Ottawa, gérée par Investir Ottawa, une agence sans but lucratif responsable du développement économique de la région », détaille M. Telka.

«Il y a deux circuits déjà prêts et opérationnels. Notre rôle, en tant que partenaire stratégique, est d’établir un modèle d’affaire pour ces installations d’essai, et de construire une solution stockage de données pour collecter l’information émise par les différentes parties des infrastructures » nous explique M. Telka. Le modèle d’affaires développé par Accenture est attendu vers la fin du mois de juin. 

Les deux circuits mentionnés par M. Telka ont été tracés dans le parc d’affaires de Kanata-Nord, dans l’ouest d’Ottawa (9 km), et dans la région de Nepean (16 km), dans l’ancien centre d’incubation biotechnologique d’Ottawa. Ces circuits auront pour objectif principal de tester la technologie L5, en référence au plus haut niveau d’automatisation des véhicules opérés, dans les conditions hivernales extrêmes que nous connaissons. 

Des véhicules – des voitures, des minibus et des petites navettes –  circulent dans ces circuits dotés des technologies de connectivité, de détection et de collecte d’informations nécessaires. Ces véhicules restent vides pour l’instant, et ne transporteront pas de passagers avant 2020. « Je crois que c’est important de savoir que ces installations sont de classe mondiale. Elles possèdent des technologies que plusieurs villes aimeraient avoir », souligne M. Telka. 

Données personnelles 

Le développement d’une infrastructure dédiée aux véhicules autonomes dépend, en grande partie, de la disponibilité des informations des utilisateurs, comme leurs itinéraires, leurs préférences de moyens de transport ou leurs habitudes en termes d’endroits fréquentés. 

M. Telka assure que des technologies sont développées continuellement afin de s’assurer que les informations des utilisateurs sont protégées et utilisées pour les bonnes raisons. « Notre recherche nous indique que quand les utilisateurs réalisent la valeur qui provient du partage de leurs informations, ils sont prêts à le faire », affirme M. Reers. 

Complémentarité 

Conduire pourrait-il devenir obsolète ? M. Reers ne pense pas que les véhicules autonomes signeront la fin de la conduite individuelle d’automobile, « parce qu’il y aura toujours des personnes qui aiment l’acte de conduire », précise-t-il. La technologie autonome serait donc destinée à être complémentaire à notre façon actuelle de nous déplacer. 

M. Reers pense cependant qu’il faudra encore beaucoup de temps avant qu’une proportion significative du trafic urbain soit autonome. « Cela prendra probablement bien plus que 10 ans », estime-t-il. 

Elon Musk, fondateur et PDG de Tesla, est quant à lui bien plus optimiste. « Je suis très certain qu’il y aura des robotaxis de Tesla l’année prochaine, pas dans toutes les juridictions, parce que nous n’aurons pas encore l’approbation des législateurs partout », a déclaré M. Musk lors du « Autonomy Investor Day », à Palo Alto, en avril dernier. 

Rappelons que l’entreprise projette de lancer des « robotaxis » dès l’an prochain. Ces robotaxis sont des voitures sans chauffeur, reliées à un réseau de partage (similaire à Uber). Ces robotaxis auront la capacité de transporter des utilisateurs, de planifier leurs itinéraires, et d’aller se stationner automatiquement lorsqu’ils ne sont pas en fonction.