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À quand la prochaine baisse des taux d’intérêt?

Morningstar|Édition de la mi‑juin 2024

À quand la prochaine baisse des taux d’intérêt?

La Sécurité de la vieillesse est un programme gouvernemental financé à mêmes les revenus courants de l'État. (Photo: 123RF)

La Banque du Canada semble prête à ajouter à la paire de baisses de taux d’intérêt qu’elle a effectuées jusqu’à présent en 2024. La question pour les investisseurs est de savoir à quelle vitesse et jusqu’où les taux baisseront dans les mois à venir.

Selon les économistes, le rythme des baisses de taux dépendra de l’inflation, les pressions sur les prix étant retombées depuis leur pic de 2022. En outre, si l’économie s’affaiblit encore à l’approche de 2025, la Banque du Canada pourrait réduire ses taux encore plus que ce que prévoient de nombreux économistes. Pour l’instant, de nombreux économistes voient la Banque du Canada réduire ses taux à chacune des trois réunions sur la politique monétaire qu’il lui reste en 2024, à commencer par la prochaine réunion, prévue le 4 septembre. Le message de la banque est qu’il lui reste une marge de manœuvre, déclare Doug Porter, économiste en chef à BMO. «Nous voyons toute une série de baisses des taux».

Les économistes ajoutent que, contrairement à la tendance habituelle, la Banque du Canada est en avance sur la Réserve fédérale américaine en ce qui concerne les réductions de taux d’intérêt. On s’attend généralement à ce que la Fed réduise ses taux d’intérêt lors de sa réunion de septembre, ce qui constituerait son premier assouplissement de la politique monétaire au cours de ce cycle économique. L’une des principales différences entre les États-Unis et le Canada est la résistance de l’économie américaine à des taux plus élevés, alors que les consommateurs canadiens sont généralement plus sensibles aux changements de taux.

Une position plus restrictive sur la réduction des taux lors de la réunion de juillet

Le 24 juillet, la Banque du Canada a annoncé une réduction d’un quart de point de son taux cible du financement à un jour à 4,5%. Cette mesure fait suite à une réduction de même ampleur le 5 juin, qui a marqué le premier assouplissement de la banque depuis qu’elle a porté le taux de financement à un jour à 5% en juillet 2023.

Le résumé de la réunion de juillet de la Banque du Canada montre que les dirigeants se sont déclarés satisfaits des perspectives en matière d’inflation, affirmant qu’elles étaient de plus en plus convaincues que les ingrédients nécessaires à la stabilité des prix étaient en place. Pour ce qui est de l’avenir, les dirigeants estiment qu’il est nécessaire de soutenir la croissance économique: «Si une politique monétaire restrictive reste nécessaire pour faire face aux pressions persistantes sur les prix, elle ne doit pas être aussi restrictive.»

Les perspectives d’inflation permettent de réduire les taux d’intérêt

La volonté de la Banque du Canada de continuer à baisser ses taux repose essentiellement sur des perspectives d’inflation constructives. L’indice des prix à la consommation (IPC) a considérablement baissé par rapport au sommet de l’ère pandémique d’un taux annuel de 8,1% en août 2022, et de 3,4% en décembre 2023. L’IPC a été relevé à un taux annuel de 2,7% en juin, sa deuxième lecture la plus faible depuis 2021.

Rachel Siu, responsable de la stratégie canadienne en matière de revenu fixe chez BlackRock, entrevoit un paysage inflationniste qui devrait permettre de poursuivre les baisses de taux cette année. «Nous pensons que l’inflation va continuer à se modérer», dit-elle. «Les pressions sur les prix se sont certainement atténuées dans de nombreuses composantes et catégories.»

«Nous constatons encore une certaine rigidité, bien sûr, pour ce qui est de la composante logement de l’IPC, tout comme les coûts d’intérêts hypothécaires, les loyers, dans une certaine mesure, sont également un peu rigides», poursuit Rachel Siu. Cependant, avec la baisse des taux d’intérêt, elle pense qu’il devrait y avoir un soulagement sur ce front.

Doug Porter note qu’à l’exclusion des frais de logement, l’inflation se situe dans la fourchette basse de 1%. La modération «est assez généralisée», dit-il.

Le prochain rapport sur l’IPC devrait être publié le 20 août. Selon les économistes, même si les chiffres de l’inflation ne diminuent pas par rapport aux niveaux actuels à court terme, cela ne dissuadera probablement pas la Banque du Canada de réduire ses taux.

Lors de l’annonce de la baisse des taux en juillet, les responsables de la Banque du Canada ont déclaré: «probablement inégaux au cours de l’année à venir.» Dans ce contexte, «si l’inflation continue de ralentir globalement conformément à nos prévisions, il est raisonnable de s’attendre à de nouvelles baisses de notre taux directeur.»

La Banque du Canada observe le ralentissement du marché de l’emploi

Le ralentissement de l’économie canadienne, en particulier l’affaiblissement du marché de l’emploi, joue également sur le rythme des baisses de taux. Le taux de chômage a atteint 6,4% en juillet, contre 5,8% en décembre 2023 et 5,0% en janvier 2023.

«Ces deux dernières années, la quasi-totalité de l’attention s’est portée sur l’inflation, mais maintenant le taux de chômage est entré en ligne de compte», explique Doug Porter. «Je pense qu’ils sont préoccupés par la rapidité avec laquelle le taux de chômage a augmenté.»

L’un des facteurs à l’origine de la hausse du taux de chômage au Canada est la croissance du marché du travail, qui, comme aux États-Unis, a été largement alimentée par l’augmentation de l’immigration. Cela a créé une plus grande marge de manœuvre sur le marché de l’emploi, ce qui est positif pour les perspectives d’inflation. Dans le même temps, les consommateurs sont plus pessimistes quant aux perspectives du marché de l’emploi, comme l’a noté la Banque du Canada dans le résumé de sa réunion.

Cette hausse du taux de chômage a coïncidé avec un ralentissement des dépenses de consommation. «L’accent a été mis sur le marché du travail en particulier, ainsi que sur l’impact sur les consommateurs dans les ménages», explique Rachel Siu.

Les consommateurs ressentent les effets de la hausse des taux d’intérêt

La sensibilité des consommateurs canadiens et de l’économie en général aux taux d’intérêt élevés, en particulier par rapport à l’économie américaine, est à la base de l’amélioration de l’environnement inflationniste et du ralentissement de la croissance.

«Le mécanisme de transmission [de la hausse des taux] a été beaucoup plus fort», déclare Alejandra Grindal, économiste en chef chez Ned Davis Research. Avec la prédominance des hypothèques à taux variable et des hypothèques à taux fixe à court terme, de nombreux consommateurs ressentent les changements de taux presque immédiatement.

Ces taux plus élevés s’ajoutent à la hausse des coûts du logement au Canada, en particulier dans les grandes zones métropolitaines, précise Alejandra Grindal.

Les économistes estiment que les taux hypothécaires fixes à court terme sont particulièrement préoccupants. Les propriétaires qui ont acheté leur logement à des taux d’intérêt très bas pendant la pandémie doivent faire face l’année prochaine à des remises à zéro de leurs taux hypothécaires à cinq ans. Rachel Sui estime qu’il s’agit là d’une «vulnérabilité essentielle» de l’économie canadienne.

Dans quelle mesure la Banque du Canada réduira-t-elle ses taux?

Dans ce contexte, Michael Greenberg, responsable de la gestion de portefeuille pour les Amériques chez Franklin Templeton Investment Solutions, estime que la réunion de septembre de la Banque du Canada sera «certainement une autre réunion très vivante» pour une baisse des taux d’intérêt. «Au cours de l’année à venir, la Banque du Canada pourrait facilement procéder à quatre ou cinq nouvelles baisses.» Il poursuit: «si l’on se concentrait uniquement sur l’aspect de la croissance, il serait clair que nous n’avons pas besoin du niveau des taux que nous avons.»

Greenberg voit deux voies potentielles pour la vitesse et l’ampleur des baisses de taux. La première consisterait à normaliser les taux d’intérêt après les hausses de 2022-23. «Il s’agirait en fait de lever un peu le pied sur le frein», explique-t-il. Cela impliquerait de ramener les taux d’intérêt à un niveau neutre, où ils ne sont ni restrictifs ni accommodants. Michael Greenberg note que le taux neutre est un terme «philosophique» auquel aucun niveau précis n’est associé. Il pourrait être considéré comme supérieur de 0,5% à 1% au taux d’inflation. Cela impliquerait de ramener l’objectif du taux au jour le jour à 2,5%-3,0%, contre 4,5% actuellement. «La politique, selon la plupart des mesures, est toujours au-dessus de ce taux neutre», explique Michael Greenberg, ce qui se traduit par un ralentissement de l’économie. «Les autorités estiment qu’elles n’ont pas besoin de freiner autant l’économie parce que l’inflation va dans la bonne direction.

Dans le second cas, la Banque du Canada réagit à une économie dont la tendance est plus faible que prévu. «Si nous tombons en récession, ce cycle de réduction des taux pourrait très bien être celui où ils doivent ramener la politique à des taux inférieurs à la neutralité pour soutenir l’économie», explique Michael Greenberg. «Même si la probabilité n’est pas nulle, ce n’est pas notre scénario de base.»

Doug Porter indique que BMO prévoit des baisses de taux lors des quatre prochaines réunions, ce qui porterait le taux du financement à un jour à 3,5% lors de la réunion de janvier de la banque centrale. À partir de là, la Banque du Canada devrait réduire ses taux toutes les deux réunions, ce qui ramènerait le taux cible à 3% en 2025.

La volatilité extrême des marchés observée au début du mois d’août constituerait un inconnu. «Il est possible que nous envisagions des réductions de 50 points de base… bien que la banque n’ait pas l’habitude de procéder à de telles réductions», explique Doug Porter.