Comment se prémunir contre les arnaques de déménageurs
La Presse Canadienne|Publié le 30 juillet 2024Selon Nancy Irvine, présidente de l’Association canadienne des déménageurs, il s’agit d’un arc commun dans les escroqueries liées au déménagement: proposer un prix bas, obtenir un dépôt, mettre tous les articles de la maison dans le camion, puis retenir le tout contre une rançon en exigeant des milliers de dollars de plus. (Photo: 123RF)
Jenny Wilcockson a négligé le premier signal d’alarme: le prix estimé de ses déménageurs était bien inférieur aux devis d’autres entreprises.
Planifiant un déménagement compliqué de Hamilton, en Ontario, à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, Jenny Wilcockson portait une attention particulière aux coûts, mais l’entreprise avait un site web d’apparence professionnelle, l’employée était très rassurante et réactive, et ils ont expliqué le faible coût en disant qu’ils combineraient plusieurs déménagements en même temps.
Mais ce n’était finalement qu’une arnaque.
«La dame a été très, très réactive aux courriels et à toutes mes questions, a fait valoir Jenny Wilcockson. Très compétente et serviable, et elle savait exactement quoi dire pour m’attirer.»
Selon Nancy Irvine, présidente de l’Association canadienne des déménageurs, il s’agit d’un arc commun dans les escroqueries liées au déménagement: proposer un prix bas, obtenir un dépôt, mettre tous les articles de la maison dans le camion, puis retenir le tout contre une rançon en exigeant des milliers de dollars de plus. Cette arnaque comprend souvent des menaces de détruire ou de vendre les biens, ou de facturer des frais de stockage quotidiennement jusqu’à ce que la personne puisse débourser plus d’argent.
«J’ai des photos de choses abandonnées dans une benne à ordures, a souligné Nancy Irvine. Ils reçoivent suffisamment d’argent d’avance pour payer le travail de leurs hommes pour la journée. Et puis ça y est, ils s’évaporent.»
Dans le cas de Jenny Wilcockson, tous les biens de sa maison ont été envoyés en Nouvelle-Écosse près de deux semaines avant la date d’emménagement, et elle s’est démenée pour tout stocker localement avant que la maison ne lui appartienne. Le prix total des déménageurs était le triple du devis initial. Si elle ne payait pas l’entreprise, ils menaçaient de jeter ses affaires dans un entrepôt de Montréal et de lui facturer 50$ par jour.
«Nous étions complètement paniqués, nous ne savions pas quoi faire», a confié Jenny Wilcockson.
Elle a payé les escrocs pour récupérer ses articles, mais a ensuite décidé de riposter.
Jenny Wilcockson a lancé un groupe de soutien aux victimes des entreprises de déménagement frauduleuses sur Facebook pour partager des informations et suivre les cas à travers le Canada.
«Tout au long de la pandémie de COVID, (nous recevions) plusieurs messages par semaine, de nombreuses personnes dans divers états de détresse nous contactaient, tout simplement dévastées, a affirmé Jenny Wilcockson. Il y avait des personnes atteintes de cancer, des personnes avec de jeunes bébés, des personnes en fauteuil roulant, des personnes vivant dans leur voiture au bord de la route parce qu’elles avaient perdu toutes leurs affaires.»
Reconnaître les signaux d’alarme
Même si les escrocs s’en prennent souvent aux personnes âgées, Nancy Irvine souligne que les étudiants et les jeunes sont des cibles régulières, car ils peuvent avoir des budgets plus serrés. Ces sociétés frauduleuses investissent massivement dans un classement élevé dans les résultats de recherche, de faux avis Google, une douzaine de noms d’entreprises différents et des empreintes numériques d’aspect professionnel pour bien paraître même auprès de consommateurs férus de technologie.
«J’ai découvert récemment par les Bureaux d’éthique commerciale que le déménagement est le faux avis numéro un parmi tous les faux avis», a indiqué Nancy Irvine.
Pour se protéger, il faut savoir quoi rechercher pour déterminer si une entreprise est légitime et apprendre à reconnaître les signaux d’alarme, a fait valoir Nancy Irvine.
Les déménageurs devraient avoir une adresse physique, un bureau — sinon il pourrait s’agir simplement d’une entreprise fantôme avec un excellent site web, a-t-elle noté. Les fraudeurs peuvent opérer simultanément avec plus d’une douzaine d’entreprises différentes.
Les avis et commentaires doivent être variés en voix et appropriés en nombre. Si une entreprise n’existe que depuis quelques années, elle ne devrait pas déjà recevoir des milliers d’avis, a souligné Nancy Irvine. Il est normal que les entreprises recueillent des avis sur environ 10% des contrats, ce qui peut représenter quelques dizaines d’avis par an. Il est bon de lire les critiques mauvaises et médiocres et de voir comment l’entreprise a réagi.
La meilleure référence en matière d’estimations de prix est une visite en personne ou une visite virtuelle sur un téléphone, comme un appel vidéo où l’on peut montrer sa maison et ses principaux meubles.
Les formulaires de base sur un site web sont parfaits pour un devis très bas, un prix réel augmenté et des menaces si l’on ne paye pas. En outre, les opérateurs malhonnêtes se présenteront rarement pour un devis, a-t-elle ajouté, ce qui pourrait les éliminer d’emblée.
Selon le site web de l’Association canadienne des déménageurs, les entreprises de déménagement professionnelles indiquent le poids pour les déménagements longue distance et le nombre d’heures pour un travail local.
Mais Jenny Wilcockson a estimé que les escrocs peuvent facilement profiter du modèle de tarification au poids — cela lui est arrivé. Les propriétaires n’ont aucune idée du poids de tous leurs biens et ne peuvent pas facilement contester les affirmations selon lesquelles le prix va désormais tripler parce que tout était plus lourd.
Nancy Irvine a déclaré qu’il était «parfaitement acceptable» que les consommateurs demandent à voir les relevés de la balance si les coûts sont beaucoup plus élevés que le devis initial.
Nancy Irvine souligne que de fausses entreprises de déménagement évoluent au Canada depuis les années 1980, et que son association suit les cas et établit des partenariats avec les médias, les avocats et la police.
Les consommateurs peuvent utiliser la base de données de l’association, qui compte 40 000 déménageurs, pour trouver des entreprises sélectionnées, a indiqué Nancy Irvine. Il faut éviter de faire confiance aux entreprises de déménagement qui utilisent simplement les logos de l’association, des Bureaux d’éthique commerciale (Better Business Bureau) ou d’autres organisations sur leurs sites web pour suggérer qu’elles sont des membres approuvés — il faut vérifier soi-même pour s’assurer qu’elles sont répertoriées.
Quant aux escrocs de Jenny Wilcockson, la police de Toronto a arrêté quatre personnes en 2022 et a porté plus de 800 accusations, notamment de fraude, de vol et de complot, sous une douzaine de noms d’entreprises.
Par Nina Dragicevic