Comment tirer le maximum du REEE quand on a plusieurs enfants?
Daniel Germain|Publié le 23 janvier 2019Quelque chose m’a touché dans son message, moi qui ne m’émeus pas si facilement des histoires d’enfants. Le père raconte que les siens ont tous un REEE individuel à leur nom, sauf le plus jeune.
C’est quand je lis «je devrais sûrement en prendre un aussi pour mon petit dernier» que l’émotion me gagne. J’essaie de trouver la source de l’étrange sentiment. Est-ce le fait qu’il parle de son… sixième enfant? Ou sont-ce les mots du père, «mon petit dernier», qui laisse à penser que l’amour parental n’est pas une chose qui se dilue dans une abondante progéniture ?
Peut-être aussi simplement parce que ce n’est pas une bonne idée, le REEE pour le plus petit.
D’où mon intérêt pour ce cas très particulier. Pierre-Luc constate que la littérature sur les finances personnelles, si elle ne tarit pas d’exemples de familles, aborde rarement la problématique de celles qui comptent beaucoup d’enfants.
REER ou REEE?
Voici donc le portrait de famille. Elle compte deux parents et six enfants âgés d’un, trois, cinq, six, treize et quinze ans. Il ne s’agit pas d’un ménage recomposé, ce qui ajoute à l’exploit. Notre lecteur n’en est pas peu fier. Sa conjointe veille à l’intendance de la maisonnée, ce qui fait de Pierre-Luc l’unique pourvoyeur, avec des revenus qui varient entre 78 000$ et 85 000$, selon les heures supplémentaires.
Il investit 5000$ chaque année dans un REER de Fondation de la CSN. Il a acheté une assurance vie permanente de 25 000$ à tous les enfants, à l’exception du benjamin, et dépose 25$ par mois (125$ en tout) dans le REEE individuel des cinq premiers enfants.
«Comment je peux faire pour maximiser ma situation fiscale? Plus de REEE, moins de REER?» se demande Pierre-Luc.
Vous connaissez ma position sur l’assurance vie des enfants, il s’agit pour moi de la dernière des priorités des parents. Ceux-ci devraient concentrer leurs efforts financiers à se procurer une couverture d’assurance adéquate pour eux-mêmes, à contribuer au REEE et à cotiser au REER ainsi qu’au CELI.
La situation ici est un peu délicate, car notre lecteur paie depuis plusieurs années l’assurance des aînées, il est rarement recommandé d’abandonner une assurance vie permanente en cours de route. Ce serait toutefois à envisager, avec l’avis d’un bon conseiller.
La contribution au REER Fondaction est incontestablement une bonne affaire. Le crédit d’impôt auquel a droit le cotisant à Fondation (35%) plus la déduction fiscale pour la contribution REER (plus de 50% dans le cas de notre lecteur) font en sorte que le coût net de son placement de 5000$ s’élève à 750$. C’est trop beau, mais rappelons qu’un particulier ne peut investir plus de 5000$ dans un REER par l’intermédiaire d’un fonds de travailleurs.
Comment Pierre-Luc peut-il profiter d’une déduction fiscale de 50% alors que son taux marginal d’imposition ne dépasse pas 38%? Parce que pour chaque dollar supplémentaire gagné, en plus de payer de l’impôt, notre lecteur se voit aussi retirer une petite partie des allocations pour enfants dont il profite au fédéral et au provincial.
Les montants de l’aide financière consentie aux familles reposent sur le nombre d’enfants et le revenu familial. Et comme un dollar de contribution REER représente aux yeux du gouvernement un dollar de moins sur la ligne des revenus d’un contribuable, la cotisation permet non seulement de récupérer de l’impôt, mais aussi d’augmenter les allocations familiales (et de réduire les frais de garde, s’il y en a).
Alors, oui, les contributions au REER valent la peine, même en dehors d’un fonds de travailleur. Avec le planificateur financier et actuaire Dany Provost, nous avons calculé qu’une somme supplémentaire de 10 000$ investie par notre lecteur dans un REER ordinaire donnerait droit à un remboursement de plus de 50%, soit 5000$. Comme on ne connaît pas le budget de la famille, on ne saurait dire cependant ce que pourrait être la solution optimale pour les prolifiques parents.
Le REEE en cascade
Le REEE, alors? La situation particulière du ménage de Pierre Luc rend la question intéressante. On compte ici des enfants en bas âge (un à six ans) et des adolescents (treize et quinze ans). Chacun, sauf le plus petit, a son REEE, auquel le père verse 25$ par mois, soit 300$ par année par enfant, donc 1500$ en tout. Le père estime naturel d’en ouvrir un pour le dernier, ce qui portera à 1800$ l’argent versé dans le REEE des enfants chaque année.
Le REEE ne donne pas droit à une déduction fiscale comme le REER. Son principal avantage repose sur le fait qu’il est subventionné. Chaque année, Ottawa verse au REEE d’un enfant l’équivalent de 20% de la contribution des parents. Québec, 10%. Pour chaque tranche de 100$ investis par les parents, les gouvernements mettent donc 30$. La subvention maximale que peut recevoir un compte REEE chaque année s’élève à 750$, soit 30% de 2500$. Au total, sur toute la vie du REEE, les gouvernements plafonnent leurs participations à 10 800$.
Notons qu’un parent peut rattraper les subventions, un an à la fois, en investissant 5000$. L’année où l’enfant bénéficiaire atteint l’âge de 18 ans, le gouvernement cesse de subventionner son REEE.
Rappelons un point que beaucoup de parents ignorent ou oublient. Leurs contributions leur appartiennent toujours, bien qu’elles doivent demeurer dans le compte REEE aussi longtemps que l’enfant n’a pas entamé des études postes secondaires et toucher leurs premiers paiements d’aides aux études (PAE) composés des subventions et des rendements du compte. Les parents peuvent alors récupérer leurs billes qui ne servent pas forcément aux études des enfants.
Voilà pour la mise en place, revenons à Pierre-Luc. Au rythme où il accumule l’argent dans les REEE de ses enfants, chacun d’entre eux touchera à peine 1500$ de subventions (plus les rendements). On est loin d’utiliser le plein potentiel des REEE, mais je comprends aussi que les moyens du ménage sont limités, les parents peuvent difficilement maximiser le REEE de six enfants à la fois. Alors que faire?
Idéalement, notre lecteur devrait concentrer les ressources sur les REEE des deux enfants plus âgés. Il dispose de très peu de temps pour aller récolter les subventions pour les aînés, il est d’ailleurs trop tard pour aller chercher le maximum, mais il y a moyen d’améliorer la situation. De l’autre côté, ils disposent d’une meilleure marge de manoeuvre pour le faire dans le cas des plus jeunes.
Dans deux ans, l’aîné n’aura plus droit aux subventions. Dans quatre, ce sera au tour du deuxième de voir le robinet fermer. Le troisième aura alors dix ans, un âge où il peut encore espérer chercher le maxium de subventions, même en partant de zéro. Les parents pourront remplir son REEE et celui des suivants avec leurs contributions décaissées des comptes des plus vieux.
Ce n’est pas le seul avantage de procéder ainsi. «Si le plus âgé ne fait pas d’études postsecondaires, les parents pourront toujours changer le bénéficiaire du REEE en faveur d’un frère ou d’une soeur, ce qui permettra de conserver les subventions et les rendements dans la famille», dit David Truong, planificateur financier chez Banque Nationale Gestion privée 1859.
Le nouveau bénéficiaire ne doit cependant pas avoir atteint la limite avec le compte qu’il détenait déjà. Les deux comptes combinés ne doivent pas non plus contenir plus de subventions que le permettent les règles pour un même bénéficiaire.
Les parents de plusieurs enfants séparés par de bons écarts d’âge doivent donc concentrer leurs ressources en amont afin que l’argent, telle une cascade, coule de haut en bas pour profiter à l’ensemble de la fratrie.
Avant de procéder, il faut s’informer des règles auprès de l’administrateur de son REEE. On doit aussi tenir compte de l’ensemble de la situation du ménage et avoir une idée des ambitions des enfants qui approchent de la fin du secondaire.
Inutile d’ajouter, mais comment s’en empêcher, que ce serait impossible à l’intérieur de REEE collectif.
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Les éléments présentés ici sont d’ordre général. C’est le principe du «Courrier du portefeuille». Nos lecteurs sont invités à consulter un professionnel pour obtenir des conseils répondant à leur situation personnelle.
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