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Consommation discrétionnaire: les clients sont de retour

Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑octobre 2024

Consommation discrétionnaire: les clients sont de retour

(Illustration : Levente Szabo, Colagene, Clinique Créative)

Lorsque les taux d’intérêt augmentent et font grimper le coût des emprunts, les consommateurs renoncent à certaines dépenses pour se concentrer sur les besoins de base. Puis, lorsque les taux se mettent à baisser, les clients ont de nouveau de l’argent à consacrer à des achats non essentiels, ce qu’on appelle des dépenses discrétionnaires.

Le secteur de la consommation discrétionnaire regroupe les entreprises dont les produits et services répondent à des désirs, plus qu’à des besoins : des vêtements, des produits de luxe, des meubles, des articles de sport, des restaurants, des hôtels, des loisirs, etc.

Les anticipations de baisses de taux peuvent faire bouger les marchés boursiers, mais l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages a aussi son effet, explique Sébastien Mc Mahon, stratège en chef, économiste sénior et vice-président à l’allocation d’actifs à IA Gestion mondiale d’actifs. La diminution du coût des emprunts à taux variable (comme une hypothèque, une marge de crédit, un prêt automobile, etc.) donne de l’oxygène aux consommateurs, ajoute-t-il. « Le vent de dos va s’accentuer au fil du temps. Plus on baisse les taux, plus ça donne un coup de pouce aux ménages. »

Sébastien Mc Mahon évalue qu’un ménage qui a une hypothèque à taux variable paie environ 15 $ de moins en intérêts par mois pour chaque tranche de 100 000 $, chaque fois que le taux directeur baisse d’un quart de point de pourcentage.

« Si quelqu’un a une hypothèque de 300 000 $, chaque baisse va lui permettre d’économiser 45 $ par mois en intérêts. Sur une année, ça représente plus de 500 $, mais si on cumule par exemple cinq baisses de taux, un ménage qui est à taux variable peut payer environ 2700 $ d’intérêts en moins sur une année, illustre-t-il. On va voir un effet boule de neige à mesure qu’on va avancer dans le cycle de détente monétaire. »

Les gestionnaires de portefeuille d’IA Gestion mondiale d’actifs ciblent par exemple des titres comme Home Depot (HD, 389,77 $US) et Lowe’s (LOW, 260,55 $US), qui devraient selon eux profiter du retour des clients dans les allées, de la reprise des projets de rénovation et d’un regain de vie du marché immobilier, lui aussi porté par les baisses de taux successives. « Il y a une belle conjoncture pour ces titres-là », soutient Sébastien Mc Mahon.

L’attrait du voyage

Le président, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille chez Pratte Gestion de portefeuilles, Philippe Pratte, prévoit lui aussi une reprise notable de la consommation discrétionnaire qui devrait survenir quelque part en 2025 dans une foule de catégories de produits et services.

À son avis, l’appétit renouvelé des clients pour des achats non essentiels fera grimper les revenus d’entreprises qui font partie de leur quotidien, comme Starbucks (SBUX, 96,67 $ US), mais
aussi de celles qui leur vendent du rêve et du dépaysement, comme les croisiéristes Royal Caribbean (RCL, 171,46 $ US) ou Carnival (CCL, 18,70 $ US).

Les chiffres de l’Association internationale des croisiéristes semblent donner raison au gestionnaire de portefeuille. Le nombre de passagers sur les bateaux de croisière dans le monde a atteint 31,7 millions l’an dernier (une hausse de 7 % par rapport à 2019, soit avant la pandémie). La hausse a été particulièrement forte en Amérique du Nord (18,1 millions de passagers, une augmentation de 17,5 % par rapport à 2019).

L’association prévoit par ailleurs que le nombre de passagers continuera d’augmenter progressivement dans les prochaines années pour atteindre près de 40 millions en 2027, ce qui constituerait une hausse de près de 25 % par rapport à 2023. « À la suite de la pandémie et du confinement, les consommateurs se disent qu’ils veulent vivre pleinement et profiter des bonnes choses », constate Philippe Pratte.

Le choix de l’expert

Carnival (CSU, 3 184,43 $)

Contrairement à l’une de ses grandes rivales, Royal Caribbean, Carnival n’a pas réussi à regagner le chemin perdu en Bourse à la suite de la pandémie en 2020. Mais Philippe Pratte, de Pratte Gestion de portefeuilles, choisit malgré tout cette entreprise américaine pour ce qu’il perçoit comme d’excellents résultats récents et d’intéressantes perspectives de croissance. « L’entreprise a dévoilé de très bons chiffres au dernier trimestre, dit-il, et les consommateurs seront encore plus au rendez-vous avec les baisses de taux à venir. »

Au deuxième trimestre de 2024, Carnival a notamment rapporté des revenus nets en hausse de 500 millions de dollars américains (M$ US) par rapport à 2023. « Nous avons terminé un autre trimestre en enregistrant des records, cette fois au chapitre des revenus, des dépôts de consommateurs et des réservations, au-delà de nos
prévisions pour chaque mesure », s’est réjoui le président et chef de la direction de la société, Josh Weinstein, par voie de communiqué.

Philippe Pratte fait également remarquer que l’assouplissement de la politique monétaire américaine réduira le coût de la dette de Carnival. « Ça va soutenir l’accélération du bénéfice de la société », juge-t-il.