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Décaisser tous ses REER au début de la retraite, une bonne idée?

Institut de planification financière|Publié le 06 mars 2020

EXPERT INVITÉ. Attendre le plus longtemps possible avant de décaisser les FERR n’est pas nécessairement idéal.

EXPERT INVITÉ. On entend souvent dire que le REER est un outil de placement extraordinaire pour financer la retraite puisqu’il permet de générer du revenu à l’abri de l’impôt. Et reporter l’impôt jusqu’au moment de convertir en FERR, c’est-à-dire le plus tard possible, ne peut qu’être bénéfique, n’est-ce pas?

En théorie, c’est vrai. Cependant, attendre le plus longtemps possible avant de décaisser les FERR n’est pas nécessairement idéal. Procéder de la sorte risque de coûter très cher, et ce, pour différentes raisons comme les incongruités du système fiscal canadien, la bonification des rentes gouvernementales lorsque reportées ou, tout simplement, le risque de longévité.

Abordons d’abord quelques notions de base du système fiscal canadien afin de bien comprendre l’impact du décaissement du REER ou du FERR.

À partir de 65 ans, vous aurez accès à divers crédits qui peuvent avoir une incidence marquée sur votre plus importante dépense à vie, l’impôt. Certains crédits, comme le montant en raison de l’âge, diminuent à partir d’un certain seuil de revenu (37 790 $ dans le cas du montant en raison de l’âge). En d’autres mots, pour chaque dollar de revenu qui dépasse ce seuil, non seulement vous payez de l’impôt, mais votre crédit d’impôt diminue.

Pour éviter cet effet et ainsi réduire votre facture fiscale, vous pourriez limiter vos revenus en deçà du seuil et combler l’écart avec votre CELI.

Un autre exemple est l’impôt de récupération de la Sécurité de vieillesse (15% sur l’excédent d’un revenu de 79 054$ pour 2020). Imaginez que votre revenu dépasse ce seuil de 1 000$ parce que vous avez retiré 1 000$ de votre REER. Si votre taux marginal d’impôt est de 37,12%, il faudra calculer 37,12% + 15%, donc un taux de 52,12% sur ce montant de 1 000$.

On constate donc que reporter les retraits REER le plus longtemps possible peut avoir des répercussions défavorables, à un moment où vous n’aurez plus d’autres options. En effet, à partir de l’année qui suit votre 71e anniversaire, vous n’aurez plus d’options: le REER doit être transformé en FERR et il ne sera plus possible d’éviter d’avoir à faire des retraits!

Maintenant que nous savons que la fiscalité fait partie de l’équation, abordons les avantages du report de la pension de la Sécurité de vieillesse (PSV) et de la rente du Régime des rentes du Québec (RRQ).

Si vous avez droit à la PSV, qui est actuellement de 7 362$ par année, vous pourriez reporter votre demande jusqu’à l’âge de 70 ans. Cela pourrait être très avantageux puisque la rente serait bonifiée de 0,6% par mois de report, jusqu’à un maximum de 36%. Imaginez l’impact à long terme lorsqu’on considère qu’elle est indexée au coût de la vie!

Pour ce qui est de la rente du RRQ, il faut être prudent puisque le calcul est bien différent, ce qui fait que seulement 1% des femmes et 6% des hommes reçoivent le montant maximum. La rente peut être bonifiée de 8,4% par année après 65 ans. Cela représente 42% de plus à 70 ans. Intéressant? Oui, mais ce n’est pas tout le monde qui pourra en profiter pleinement, en raison de la méthode de calcul.

Et maintenant, la question à laquelle il est impossible de répondre: jusqu’à quel âge aurez-vous besoin de revenus? Les planificateurs financiers utilisent des hypothèses de longévité qui peuvent aller de 90 à 95 ans. Mais force est d’admettre qu’il s’agit d’une hypothèse difficile à établir.

Toujours est-il que le risque de longévité, c’est-à-dire le risque de survivre à son argent, est bien présent. Maximiser les sources de revenus indexées, comme la rente du RRQ et la PSV, vaut son pesant d’or. Minimiser les impôts à un âge avancé aussi.

Une stratégie de décaissement à considérer

Imaginez que vous détenez uniquement des REER et des CELI pour financer votre retraite. Vous pourriez considérer le report de vos rentes gouvernementales à 70 ans, afin de vous assurer un revenu indexé décent. Entretemps, vous pourriez utiliser les REER pour assumer votre coût de vie jusqu’à 69 ans. Saviez-vous qu’un retraité de plus de 65 ans n’aura pas de facture fiscale sur les premiers 21 000$ de revenu imposable? Pour un couple de retraités, c’est donc un premier montant de 42 000$ libre d’impôt qu’il peut retirer du REER!

Cet article n’a pas la prétention de trouver une solution pour tous. Chaque cas est différent et il peut arriver qu’on ne soit pas en mesure de planifier aussi facilement les décaissements. Par exemple, si vous avez la chance de recevoir une rente d’un régime de retraite à prestations déterminées, le jeu n’en vaudra peut-être pas la chandelle.

Faites attention avant de prendre une décision: le meilleur conseil à vous transmettre serait de consulter un planificateur financier qui pourra vous aiguiller et planifier l’ordre des décaissements futurs en fonction de votre réalité.


André Lacasse, Pl. Fin., MBA