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Des idées d’actions pour votre REER

Jean Décary|Édition de février 2021

Des idées d’actions pour votre REER

(Photo: 123RF)

L’échéance du 1er mars approche pour cotiser à son régime enregistré d’épargne-retraite (REER) pour l’année d’imposition 2020. Bien des investisseurs profitent de cette période pour effectuer des transactions. Nous avons recueilli les suggestions de quatre experts qui nous proposent des sociétés qui ont le potentiel de croître à long terme.


Alexandre Legault
vice-président et gestionnaire de portefeuille, Allard Allard et Associés

Fairfax Financial Holding
(FFH) 466,57 $

L’horizon de placement d’un REER devrait être à long terme, affirme Alexandre Legault. «Vous voulez choisir des titres que vous seriez heureux de détenir pendant 10 ans même si la Bourse devait fermer», dit-il, paraphrasant Warren Buffett. Les sociétés choisies devraient ainsi réunir quatre conditions:un modèle d’affaires rentable qui génère des flux de trésorerie et qui va perdurer; des barrières à l’entrée (pour protéger les marges bénéficiaires); un bilan financier solide (pour surmonter les périodes d’adversité); et une action dont le prix est attrayant. Le conglomérat financier canadien Fairfax, basé à Toronto et qui a souvent été comparé à celui de Berkshire Hathaway, réunit ces conditions, selon le gestionnaire de portefeuille. «C’est une compagnie d’assurances IARD (incendie, accident et risques divers) de biens. Ils se servent de leurs excédents de flux de trésorerie pour investir dans d’autres entreprises avec une approche de type valeur.»En assurance de biens, la mesure de rentabilité est le ratio combiné, c’est-à-dire la différence entre ce qui est payé en réclamation contre les revenus obtenus en souscription d’assurance. «Ils ont amélioré ce ratio au cours des dernières années.»

Alexandre Legault juge que l’entreprise est une aubaine par rapport à ses concurrents, avec ses multiples attrayants de 0,8 fois sa valeur comptable et de 10 fois son ratio cours/bénéfice. «Le titre s’échange actuellement pour le prix de sa compagnie d’assurance et peu de valeur est accordée au portefeuille d’investissement.»

 

Johnson & Johnson
(JNJ) 160,50 $US

Johnson & Johnson est sur le point de mettre en marché un vaccin contre la COVID-19, mais ce n’est pas la principale raison de l’optimisme d’Alexandre Legault. «C’est une partie de l’histoire, ça aura un impact à court terme, mais à long terme, ce vaccin ne devrait pas changer grand-chose pour ce géant du secteur de la santé», précise-t-il. L’entreprise centenaire demeure un acteur important dans ses trois divisions:les produits pharmaceutiques, les produits de consommation et les outils médicaux. «Elle génère d’importants flux de trésorerie qu’elle déploie en recherche et développement, mais qu’elle utilise aussi pour acheter de plus petits joueurs, qu’elle intègre à ses activités.»Ses diverses marques jouissent d’une grande notoriété (Band-Aid, Neutrogena, Aveeno, Acuvue, Tylenol ou Motrin, etc.). «C’est une entreprise hyperdiversifiée avec une croissance stable. La dernière année a été plus difficile, car les hôpitaux ont réduit le nombre de leurs chirurgies, ce qui a plombé le secteur des outils médicaux.»De plus, Johnson & Johnson est l’une des rares sociétés à augmenter année après année ses dividendes. «Elle le fait depuis 57 ans à raison d’une augmentation moyenne de 6 % par année; c’est ce qu’on appelle un aristocrate du dividende.»

 

Philippe Hynes,
président et gestionnaire de portefeuille, Tonus Capital

Dollarama
(DOL) 51,29 $

Dollarama est un bon candidat pour l’épargne-retraite, où l’on cherche des entreprises capables de générer une croissance vigoureuse et qui ont un avantage concurrentiel durable, croit Philippe Hynes. L’expert juge que l’expansion du détaillant à bas prix qui exploite plus de 1 000 magasins au Canada est prévisible. Il dégage trois catalyseurs pour la société montréalaise.

D’abord, la direction continuera d’ouvrir de nouveaux magasins. «Cela représente de 4 % à 5 % de sa croissance. Si on compare aux États-Unis, le ratio de magasin par population est plus bas au Canada. Il y a donc sous-pénétration, particulièrement dans l’ouest du pays.»Il souligne aussi que les ventes comparables ont été historiquement de 2 % à 5 %. «Même cette année, malgré la pandémie, elles augmentent. La faible inflation et l’introduction prochaine des produits à 5 $vont aider à soutenir et à accroître son élan.»Enfin, il rappelle que l’entreprise a finalisé l’acquisition de Dollar City en Amérique latine (Colombie, Salvador et Pérou). «Cela ne représente que 2 % de leurs profits, mais le potentiel est très bon.»Dans l’ensemble, il estime donc que, bon an, mal an, Dollarama peut croître à un rythme annuel de 10 % à moyen terme.

 

Marché Goodfood
(FOOD) 12,79 $

Le gestionnaire de portefeuille reconnaît que ce choix est peut-être plus risqué, mais qu’il pourrait aussi procurer un meilleur rendement. Le titre a d’ailleurs déjà bondi en Bourse de 300 % depuis le début de la pandémie, en mars dernier, alors qu’il se négociait à moins de 2 $. Fondée en 2014, Marché Goodfood est une entreprise spécialisée dans les boîtes de repas prêts à cuisiner. «Malgré son jeune âge, c’est déjà un leader au Canada.»

Il souligne que le marché canadien est différent de celui des États-Unis, où la concurrence est plus forte et où il n’y a pas de joueurs réellement dominants. «Leur part de marché au pays est de 40 % — avec seulement quelques entreprises qui ont l’avantage de la taille. Cela leur permet d’obtenir des marchandises à meilleur coût. Ils peuvent aussi compter sur un marketing national et être plus efficaces dans le transport de leurs produits.»Goodfood est aussi en train de développer son service d’épicerie en ligne, ce qui viendrait compléter son offre. «Sur un horizon de cinq ans, cela pourrait lui permettre de devenir beaucoup plus gros et même, potentiellement, le joueur canadien en importance de l’épicerie en ligne.»

Les deux fondateurs détenant chacun 15 % des actions en circulation, leurs intérêts restent alignés sur celui des actionnaires. S’il ne croit pas que l’attrait pour les plats prêts à cuisiner va grandement s’estomper une fois la pandémie terminée, Philippe Hynes n’écarte pas non plus, à moyen terme, l’achat de l’entreprise par l’un des grands épiciers.

 

Steve Bélisle 
gestionnaire de portefeuille principal, Gestion de placements Manuvie

Microsoft
(MSFT) 243,00 $US

«Quand je regarde nos portefeuilles et que je réfléchis à une entreprise qui risque d’être là encore longtemps, le premier titre qui me vient en tête est celui de Microsoft», confie Steve Bélisle. Le géant technologique fondé par Bill Gates est bien positionné pour profiter de l’infonuagique. D’autres sociétés sont dans les rangs, mais Microsoft offre un meilleur équilibre entre la croissance et l’évaluation de l’action. «En tenant compte des flux de trésorerie, le coût du titre reste attrayant même si ce n’est plus l’aubaine des dernières années», reconnaît-il. Le gestionnaire s’attend à ce que les revenus de Microsoft progressent annuellement entre 10 % et 13 % au cours des trois prochaines années. «O n sait que l’entreprise possède un gros trésor de guerre (environ 137 milliards de dollars américains), et nous savons qu’historiquement, quand ils ont déployé du capital, ils l’ont fait de façon disciplinée en obtenant de bons rendements. Cela nous donne confiance, car nous savons qu’ils sont en mesure de créer de la richesse pour les actionnaires.»Le rendement du capital investi (incluant les flux de trésorerie) est de 53 %, une donnée supérieure à la grande majorité des entreprises. Steve Bélisle rappelle que la société de Redmond, dans l’État de Washington, est aussi présente dans plusieurs sphères des technologies de l’information (les produits aux consommateurs et aux entreprises, mais aussi les jeux vidéo et le divertissement) et qu’ils ont un dividende croissant. Depuis 2011, Microsoft l’augmente chaque année.

 

CGI
(GIB.A) 103,97 $

L’un plus des grands fournisseurs de services en technologies de l’information du Canada est aussi l’une des plus grosses positions de l’équipe du gestionnaire de portefeuille. «Nous le détenons depuis plusieurs années. Nous jugeons qu’au cours actuel, et comparativement au reste du marché, le titre est attrayant.»Il souligne que le rendement des flux de trésorerie de CGI est très bon à 5,4 %, ce qui est assez rare dans le contexte actuel. «C’est une entreprise qui a peu de dettes, qui n’est pas très cyclique. On pense que l’entreprise va surperformer le marché au cours des douze prochains mois et dans les prochaines années.»Il remarque que le titre a fait du surplace depuis un an, notamment en raison de la pandémie. Bien qu’une partie des opérations de CGI soient récurrentes (des contrats à long terme et une clientèle gouvernementale), ce qui leur offre une certaine résilience, une autre partie, celle de la consultation, nécessite des rencontres en personne. «Cette portion de leurs activités a été touchée et ils vont certainement bénéficier d’un retour à la normale d’ici 12 à 18 mois. Les revenus ont stagné cette année, mais avec la reprise, on s’attend à revenir à un rythme de croissance de 4 % à 5 %». Il rappelle que l’entreprise a eu du succès dans ses acquisitions dans le passé, notamment avec celle de Logica, en Europe. «Pour l’année prochaine, on estime que le rendement du capital investi sera de 16 %, ce qui est élevé. Cela démontre leur habileté à développer des synergies et à créer de la richesse.»

 

Yann Furic
gestionnaire principal, répartition d’actifs, Financière des professionnels

Les six grandes banques canadiennes
SCOTI A (BNS) 69,28 $
CIBC (CM) 110,34 $
TD (TD) 73,90 $
BN (NA) 72,83 $
BMO (BMO) 96,44 $
RBC (RY) 105,66 $
Canadien National (CNR) 135,10 $

«Si on fait exception des deux dernières années, les banques ont donné de meilleurs rendements au cours des 20 dernières années que le marché canadien en général», rappelle Yann Furic. Il souligne que l’écart entre les taux d’intérêt à court terme et ceux à long terme s’accroît, ce qui est une bonne nouvelle pour les banques qui empruntent à court terme pour prêter à long terme à des taux plus élevés. Il est vrai que la pandémie complique quelque peu la donne, mais déjà, dans les résultats du dernier trimestre, les provisions pour mauvaises créances des banques ont diminué.

Le gestionnaire de portefeuille aime le secteur bancaire dans son ensemble, mais il précise que selon le type d’exposition recherchée, l’investisseur pourrait opter pour une institution en particulier. «La TD et la BMO, par exemple, vont donner une plus grande exposition au marché américain, tandis que la Scotia est plus présente en Amérique latine.»

Les banques canadiennes font partie d’un oligopole réglementé et elles ont maintes fois démontré leur résilience dans le passé, poursuit Yann Furic. «Aucune banque n’a coupé son dividende pendant la pandémie. Elles l’ont maintenu et elles devraient l’augmenter à l’avenir.»

Les ratios cours/bénéfice des banques, qui se situent entre 11 et 13, sont très raisonnables, estime l’expert. «À mes yeux, le titre de l’une des six grandes banques canadiennes représente une position importante à détenir à long terme dans un REER.»

 

Canadien National
(CNR) 135,10$

Difficile d’ignorer la catégorie d’actif que représentent les transporteurs ferroviaires, autant le Canadien National que son concurrent, le Canadien Pacifique (CP, 453,84 $), basé à Calgary, qui forment ce duopole canadien. «C’est le type d’infrastructure qui a été bâti à la naissance d’un pays. C’est en soi une très grande barrière à l’entrée, un actif quasi impossible à dupliquer», souligne le gestionnaire de la Financière des professionnels.

Il précise qu’il aime les deux sociétés ferroviaires canadiennes, même s’il a une petite préférence pour celle qui est basée à Montréal, le CN, notamment en raison du prix auquel s’échange son action. «Elle a un modèle d’affaires semblable avec peut-être des axes de croissance légèrement différents — le CP transporte davantage de matières premières (charbon et teck) et de pétrole.»Il faut dire aussi que depuis cinq ans, le cours de l’action du CP s’est apprécié de 200% — contre 98% pour le CN. En revanche, le Canadien National a été généreux année après année avec ses actionnaires. «Elle affiche une croissance soutenue du dividende.»En fait, le CN a augmenté son dividende sans interruption depuis 1996. Les dividendes ont progressé de 16% en moyenne chaque année depuis le premier appel public à l’épargne, selon le rapport annuel publié en 2019. Le CN a aussi racheté plus de 23 milliards d’actions depuis 2000. «C’est une compagnie bien gérée qui a un modèle d’affaires qui devrait perdurer, avance Yann Furic. Un titre parfait pour un REER.»