Faut-il ajuster son portefeuille à l’approche de la retraite?
Yan Barcelo|Édition de la mi‑avril 2019La répartition des actifs est devenue un vrai casse-tête pour ceux qui partent à la retraite.Vous comptez en mois le ...
La répartition des actifs est devenue un vrai casse-tête pour ceux qui partent à la retraite.
Vous comptez en mois le temps qui vous sépare de la retraite. La tenue des marchés boursiers vous a rendu nerveux récemment. Vous vous êtes demandé si vos projets pourraient être compromis. Cela ramène la sempiternelle question : faut-il mettre ses épargnes en lieu sûr à l’approche de la retraite ?
La réponse à cette question dépend de plusieurs facteurs, à commencer par votre capacité psychologique à encaisser d’importantes variations de votre portefeuille, mais peut-être plus encore des ressources dont vous disposez.
Si vous profitez d’un régime de retraite d’employeur à prestations déterminées, c’est-à-dire qui garantit un revenu pour la vie, la question est moins problématique que si vous dépendez de vos économies, sans autres sources de revenus que les prestations du Régime de rentes du Québec et la pension de la Sécurité de la vieillesse du Canada.
La taille de votre épargne joue aussi. Un retraité dont les réserves financières ne courent aucun risque de s’épuiser avant son décès peut encaisser des chutes momentanées de la Bourse plus sereinement qu’un autre dont les économies couvrent tout juste les besoins de retraite.
Peu de gens disposent cependant d’un portefeuille substantiel. Selon l’Indice ACVM des investisseurs 2017, seulement 2 % des investisseurs canadiens disposent d’un portefeuille supérieur à un million de dollars, et à peine 12 %, d’un portefeuille supérieur à 250 000 dollars. Avec un généreux rendement annuel de 5 %, un portefeuille de un million ne donne, après impôt, qu’un revenu annuel de 30 000 dollars, fait ressortir Sylvain De Champlain, planificateur financier et président fondateur de De Champlain Groupe financier. Quant au portefeuille de 250 000 dollars, le retraité n’aura sans doute d’autre choix que de piger dans le capital jusqu’à son épuisement.
Quand les marchés dépassent notre tolérance au risque
C’est le genre de portefeuille qui nécessite une démarche plus prudente. Mais jusqu’à quel point ? Les retraités doivent composer avec des rendements obligataires qui couvrent à peine la hausse du coût de la vie. Sans compter qu’ils vivent de plus en plus vieux, ce qui augmente le risque de longévité, c’est-à-dire de survivre à son épargne.
On vous dira qu’avant même le début de la débandade, il fallait avoir en main un portefeuille toutes saisons avec lequel vous deviez vous sentir prêt à braver toutes les tempêtes. Toutefois, on vous a sans doute aussi conseillé de rester exposé aux actions, seul moyen de contrebalancer la faiblesse des autres actifs financiers.
Alors, chaque fois que les nouvelles économiques sont mauvaises, vous devenez nerveux, ce qui est normal. «On ne peut pas refaire son capital à 62 ans comme à 30 ans», dit Guy Mineault, conférencier, professeur de finance retraité de l’Université Laval et auteur du livre Mieux réussir vos placements sans les subir.
Comment réduire cette tension ? En réduisant la part d’actions et en donnant priorité aux titres obligataires. Comment ? Il faut se défaire en priorité des titres qui demeurent le plus près de leurs sommets historiques, car ils sont les plus susceptibles de perdre encore si le marché poursuit sa chute, recommande Sébastien Page, chef multi-actifs mondiaux chez T. Rowe Price. On conserve ceux qui sont plus près de leurs bas historiques. Vendre les titres pour lesquels les profits demeurent encore bons malgré la baisse vaut également la peine.
Il faut veiller à conserver les fonds d’action et les titres qui ont montré, dans les périodes de chute des marchés passées, une bonne résistance à la baisse, conseille Guy Mineault.
En 2008, le fonds É.-U. petite et moyenne capitalisation AGF perdait 35,4 %, en 2014, 3,2 %, et en 2016, 1,73 %. Au cours de ces mêmes années, le fonds Catégorie Mackenzie Croissance moyennes capitalisations américaines donnait des rendements positifs de 0,5 %, 17,2 % et 12,5 %. À la fin de 2018, le fonds de Mackenzie affichait un rendement de 21 % pour l’année. Pour l’investisseur qui veut protéger son portefeuille en vue de périodes difficiles, le choix s’impose de lui-même.
Le produit de la vente des actions sera déplacé vers les obligations. Plusieurs objecteront que celles-ci ont donné des rendements dérisoires et même négatifs depuis le début de 2018. Plusieurs fonds d’obligations canadiennes ont perdu de 1 % à 4 %. «Les obligations sont un mal nécessaire qui donnent quand même une protection au portefeuille», affirme Sylvain De Champlain.»
Les dépôts à terme et les CPG, négligés au cours des dernières années, se révèlent un bon refuge. Après avoir profité du marché haussier, le professeur Guy Mineault a déplacé presque tout son portefeuille vers les CPG. «Un dépôt à terme de Manuvie donnait encore récemment un rendement sur un an de 2,45 %», note le spécialiste, qui ne cache pas son penchant pour la synchronisation de marché (market timing), une stratégie souvent déconseillée, car il est difficile de prévoir l’évolution des marchés.
Il faut privilégier des certificats à court terme dont l’échéance est de un an maximum, selon Guy Mineault. Un certificat de dépôt est un moindre mal : même s’il donne un faible rendement, son taux est «gelé» et ne fluctue pas au gré des marchés comme les obligations ; il constitue un havre de paix en attendant de voir quelle direction les marchés vont prendre. La vente du dépôt à terme un an plus tard donnera des liquidités que le retraité pourra redéployer en fonction des conditions du marché.
Stabiliser par la diversification
La diversification reste néanmoins le principal outil par lequel on peut stabiliser un portefeuille et lui donner une résistance à la baisse. L’élément le plus fondamental de cette diversification repose sur la répartition entre les actions et les obligations.
Il ne faut pas non plus négliger d’apporter un peu de variété dans la portion d’actions, même si les Bourses dans le monde ont tendance à être synchronisées. «Dans un marché baissier, certains pays résistent mieux que d’autres», rappelle Richard Guay, professeur de finance à l’École des sciences de la gestion et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le marché canadien, concentré dans les secteurs des ressources, de l’énergie et dans les services financiers, est plus fragile que le marché américain, beaucoup plus diversifié.
Tim Hylton, gestionnaire de portefeuille chez Fiera Capital, achète des titres partout dans le monde et dans des secteurs économiques variés. «On achète des titres d’entreprises de la plus haute qualité partout dans le monde», dit le spécialiste.
Quand les taux d’intérêt sur les obligations et les dépôts sont faibles, les actions deviennent aussi un mal nécessaire.