(Photo: 123RF)
Stupeur et tremblements. Non, vous ne venez pas de recevoir le bouquin d’Amélie Nothomb. La lettre porte plutôt le sceau du fisc : vous faites l’objet d’une vérification fiscale. Pas de panique, il y a des façons de se préparer et de vivre l’expérience… plus sereinement, disons.
Bon an, mal an, environ 230 000 particuliers font l’objet d’une vérification fiscale chaque année, selon les données fournies par Revenu Québec (voir encadré). Du côté des entreprises, le nombre d’interventions serait semblable, mais Martin Croteau, porte-parole de Revenu Québec, tient à préciser que les interventions de contrôle fiscal ne sont pas compilées de la même manière que pour les particuliers. « Considérant les nombreuses lois et obligations afférentes à la fiscalité des entreprises, il est important de noter que plusieurs interventions de contrôle fiscal peuvent être réalisées pour une même entreprise », précise-t-il.
À l’Agence du revenu du Canada (ARC), au Québec, on effectue en moyenne entre 3000 et 5000 vérifications chez les particuliers et environ 2 700 auprès des entreprises, selon les données des deux dernières années. Sylvie Branch, porte-parole de l’Agence, explique par ailleurs que les chiffres sont légèrement en baisse depuis le début de la crise sanitaire. « Les interventions sont limitées aux vérifications à risque élevé et aux circonstances exceptionnelles afin de limiter l’impact sur les entreprises qui font face à des difficultés liées à la pandémie. »
La plupart des contribuables apprendront la nouvelle par la poste, mais il arrive parfois que l’annonce se fasse par un coup de fil. « Si l’avis de vérification se fait par téléphone, il est conseillé, avant de répondre quoi que ce soit, de prendre les coordonnées de la personne et de lui demander d’envoyer une lettre », précise Jean-Paul Melko, avocat chez Alepin Gauthier Avocats, qui croit que cela peut éviter les cas de fraude. « Dans la lettre, le vérificateur doit préciser au contribuable l’objet de la vérification, la période ciblée et la portée de la vérification. »
Il se peut que le fisc ait une demande précise (par exemple, le montant de sommes détenues à l’étranger pour telle année) ou une demande plus étendue. Le vérificateur va aussi informer le contribuable de ses droits et obligations fiscales et de la durée de la vérification. « Il est préférable d’impliquer dès le début, au besoin, une personne-ressource, comme son conseiller, un comptable ou un avocat », suggère Jean-Paul Melko. Il constate que l’intervention d’un expert survient parfois trop loin en cours de vérification.
Bien communiquer
Martin Gilbert, vice-président à la fiscalité, chez Richter, une firme de services-conseils, abonde dans le même sens. Quoi que le contribuable choisisse de faire, le mot d’ordre pour lui est de tout documenter dès le début du processus. « Il faut établir un plan et un échéancier, et tenir un registre des communications, c’est-à-dire des demandes faites, des réponses données et des documents fournis. » Ce registre permet, selon lui, de garder le fil des événements pour s’assurer de ne rien oublier. « Plus tard, on pourra voir où le processus a pu accrocher. »
Si les questions du fisc concernent une entreprise, Martin Gilbert recommande d’identifier un seul et même interlocuteur pour que le message soit cohérent et uniforme. « Cela peut être une personne de l’entreprise ou un représentant externe qui sera le point de contact avec le vérificateur. »
« Pourquoi moi ? » est une réaction parfaitement normale de la personne ou de l’entreprise qui se fait vérifier. Il y a cependant une part de hasard dans tout ça, reconnaît le vice-président à la fiscalité chez Richter. « Évidemment, s’il y a des variations importantes ou des transactions extraordinaires, cela peut faire allumer certains voyants. Les vérificateurs sont très forts, de nos jours, pour croiser et analyser des données. »
La dénonciation d’un tiers peut aussi avoir déclenché le processus, poursuit Jean-Paul Melko. « Il s’agit peut-être d’un échange d’information d’un ordre gouvernemental à un autre, ou l’information peut provenir des autorités policières. » L’avocat mentionne aussi que cela peut être le fruit d’un programme précis. « On l’a vu avec l’industrie du taxi, il y a quelques années, mais ça pourrait être tous les bijoutiers ou toutes les pizzérias, les vendeurs sur Kijiji ou eBay. »
Passé l’effet de surprise, les experts recommandent à leurs clients de s’engager dans le processus de bonne foi, de manière courtoise et en toute transparence. « L’obligation du contribuable, c’est de collaborer », rappelle Jean-Paul Melko. « Ça aide énormément d’avoir adéquatement tenu ses livres et registres et d’avoir conservé les preuves de ses dépenses et de ses revenus. »
Ces pièces justificatives peuvent être des relevés de revenus et de placements, des reçus divers, de frais médicaux, des relevés bancaires, des factures ou tout autre document pertinent. Martin Gilbert souligne, pour sa part, qu’aujourd’hui, beaucoup de gens conservent leurs documents de façon électronique. « La personne qui fait l’objet d’une vérification peut d’ores et déjà agir et regrouper ses informations sur son ordinateur ou contacter, au besoin, son fournisseur d’hébergement de données. »
Si le contribuable n’a pas à joindre à sa déclaration de revenus tous les documents justificatifs, il a l’obligation de les conserver après sa déclaration pendant au moins six ans. « Ce que je conseille, c’est de démarrer le délai de six ans à partir de la réception du plus récent avis de cotisation », précise Jean-Paul Melko, qui rappelle que le fisc n’est pas lié par la déclaration de revenus et les informations qu’elle contient, ni même par l’avis de cotisation. Les autorités fiscales peuvent émettre un nouvel avis de cotisation dans un délai de trois ans en matière d’impôt et de quatre ans en matière de taxes. « Pour une personne qui a caché des revenus, fait de l’omission volontaire ou de la négligence flagrante, elles peuvent revenir pour n’importe quelle année. Les délais de prescription ne s’appliquent alors plus. »
Les rencontres avec le vérificateur peuvent avoir lieu à distance (surtout en cette période de pandémie), au bureau du vérificateur, à la résidence du contribuable ou dans les bureaux de l’entreprise, ou chez son comptable, selon les besoins, mais toujours dans un lieu sécuritaire. Il se peut aussi qu’au cours de la vérification, le fisc demande une prolongation pour terminer le travail de vérification. « À ce moment, il pourrait demander au contribuable de signer une renonciation à la prescription », explique Jean-Paul Melko, qui suggère en pareil cas de consulter un avocat.
À la fin de la vérification, une lettre et un projet de cotisation sont envoyés au contribuable. « Il peut aussi en arriver à la conclusion qu’il n’a rien à modifier, ce qui est cependant rare », reconnaît Jean-Paul Melko. Le contribuable a alors 21 jours pour faire des représentations ou demander une prolongation. S’il accepte les propositions, il recevra par la suite le projet de cotisation formel par la poste. »
Martin Gilbert est d’avis qu’avant d’en arriver à contester un projet de cotisation, d’autres avenues peuvent être examinées en cours de vérification, plus en amont si possible. « Il est permis, par exemple, de demander de parler au supérieur du vérificateur pour examiner un point d’achoppement. C’est un dispositif qui existe et on ne devrait pas se gêner pour y recourir. »
Si le contribuable souhaite contester l’avis de cotisation, il peut le faire dans un délai de 90 jours à partir de la date de réception de celui-ci. L’avis d’opposition doit être remis au chef des appels de l’ARC et, au provincial, à la Direction des oppositions de Revenu Québec. « Si cela n’a pas été fait dans le temps requis, mais qu’il ne s’est pas écoulé une année depuis la fin de l’expiration des 90 jours, il est toujours possible de faire une demande de prorogation du délai et avis d’opposition », explique Jean-Paul Melko.
Un avis d’accusation de réception est alors envoyé au contribuable et le dossier, remis entre les mains d’un agent d’opposition. « Ils ont un objectif de rendre une décision dans un délai de six mois. » Si la décision est toujours défavorable au contribuable, il peut faire appel, explique Jean-Paul Melko. « Une démarche peut être entreprise à la Cour canadienne de l’impôt ou à la Cour du Québec, ou à celle des petites créances en fonction des montants en litige. »
***
Pour en savoir plus
Martin Gilbert, de Richter, rappelle qu’il existe de la documentation d’intérêt pour quiconque se représente seul ou souhaite simplement avoir plus d’information sur le processus de vérification. Revenu Québec publie, entre autres, sur son site web, des documents d’information intitulés « Vos droits et vos obligations à l’égard d’une vérification fiscale (Com-366) » et « La charte des droits des contribuables et des mandataires (ADM-597) ».