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PCU: une amnistie demandée pour les jeunes vulnérables

La Presse Canadienne|Publié le 17 Décembre 2020

Les demandes de remboursement pourraient en jeter à la rue, préviennent des organismes de soutien.

Marie Christian se souvient de la confusion qui régnait lorsque les jeunes auprès desquels elle travaille tentaient de se prévaloir de l’aide gouvernementale annoncée au début de la pandémie.

La directrice de programme pour l’organisme « Voices: Manitoba’s Youth in Care Network » travaille auprès de personnes âgées de 12 à 30 ans qui sont placées en famille d’accueil ou qui l’ont déjà été. Beaucoup de jeunes ayant dépassé l’âge où ils peuvent être pris en charge ont perdu leur emploi à temps partiel lors de la première vague de COVID-19.

Ils ont été encouragés à présenter une demande de Prestation canadienne d’urgence (PCU) lors du déploiement de ce versement hebdomadaire de 500 $ au printemps. Beaucoup l’ont fait.

« Recevoir la PCU leur a enfin permis de reprendre leur souffle », rapporte Marie Christian. 

« Ça les a non seulement aidés à se nourrir et à garder un toit sur leur propre tête, et peut-être celle de leur jeune famille, mais ça les a aussi aidés à faire un peu de rattrapage, à peut-être rembourser un peu plus de leurs factures d’électricité pour s’assurer que les lumières restent allumées. »

Mais ces jeunes font maintenant partie des quelque 441 000 prestataires qui ont reçu des lettres de l’Agence du revenu du Canada s’interrogeant sur leur admissibilité à la PCU et les avertissant qu’ils pourraient avoir à retourner certains paiements.

Des organismes de soutien demandent une amnistie pour ces jeunes et signalent que ces demandes de remboursement pourraient en jeter à la rue.

La directrice générale de la Ligue pour le bien-être de l’enfance du Canada, Rachel Gouin, estime qu’une amnistie représenterait une reconnaissance de leur « vulnérabilité particulière ». « Ça ne devrait pas être si difficile », plaide-t-elle.

Le gouvernement n’a pas offert une aide financière aux personnes vulnérables pendant la pandémie « pour ensuite la récupérer après coup », a affirmé le premier ministre Justin Trudeau lors d’une entrevue avec La Presse canadienne. 

Il faut viser ceux « qui tentent délibérément de frauder le système », a-t-il ajouté. « Mais les gens qui ont reçu l’argent dont ils avaient besoin ou qui ont fait des erreurs de bonne foi dans leur demande ne devraient pas s’inquiéter. »

Les lettres de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ont néanmoins semé l’anxiété alors que l’on vérifie si certains des près de neuf millions de prestataires de la PCU respectaient bel et bien les critères d’admissibilité.

Le gouvernement a toujours indiqué qu’il procéderait ainsi et récupérerait les montants dus.

Bien que les travailleurs autonomes aient retenu l’attention en raison d’un différend concernant leur admissibilité, des lettres ont également été envoyées à certains des quelque 6000 à 7000 jeunes qui atteignent annuellement l’âge de la majorité et sont laissés à un ensemble de mesures de soutien disparates.

Marie Christian explique que son organisme avait mis les jeunes en contact avec des fonctionnaires et des experts pour mieux comprendre les conditions à remplir avant de soumettre une demande. 

« Les différentes règles et recommandations qui ont été émises ont créé un peu de confusion », souligne-t-elle.

Selon Rachel Gouin, des remboursements pourraient s’avérer impossibles pour bon nombre de ces jeunes qui ne partent avec à peu près rien. Ils n’ont pas non plus de famille vers laquelle se tourner, rappelle-t-elle.

L’ARC a indiqué que tous les prestataires jugés inadmissibles devront éventuellement retourner les paiements. Mais les activités de recouvrement ne seront pas relancées tant qu’« il ne sera pas responsable de le faire », a-t-on ajouté.

Les organismes de protection de l’enfance ont discrètement fait part de leurs préoccupations à des ministres fédéraux, mais on ne leur a donné aucune indication que quelque chose serait fait.

« Le fait que le gouvernement leur demande de rembourser quelque chose dont ils avaient désespérément besoin pour survivre pendant la pandémie est atroce à mes yeux. C’est inhumain, pour être honnête », déplore Melanie Doucet, une chercheuse de l’Université McGill qui s’intéresse aux jeunes qui ont cessé d’être pris en charge durant la crise.

Sans fournir plus de détails en entrevue, mercredi, M. Trudeau a affirmé que le gouvernement pourrait en dire davantage dans les mois à venir à propos de ce qui attend ce groupe de prestataires à moyen terme.

« Nous évaluerons et regarderons comment nous pouvons aider les personnes vulnérables et nous assurer de tous passer au travers du mieux que nous pouvons », a-t-il soutenu.