Travailler à la retraite: payant ou non?
Institut de planification financière|Publié le 18 août 2023Travailler à la retraite comporte parfois des avantages. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Nous le savons, le système fiscal au Canada est basé sur l’impôt progressif, c’est-à-dire que le taux marginal d’imposition augmente à mesure que le revenu imposable augmente. Le principe est simple: réduire les inégalités en faisant payer plus d’impôts aux plus riches pour redistribuer aux moins nantis.
Pour diverses raisons, par exemple l’augmentation du coût de vie ou la disparition des généreux régimes de retraite à prestations déterminées, de plus en plus de personnes à la retraite se demandent si elles ne devraient pas retourner sur le marché du travail, ne serait-ce qu’à temps partiel pour arrondir les fins de mois.
Mais est-ce que ça vaut la peine? On entend souvent dire que «ça ne donne rien de travailler à la retraite parce qu’on va presque tout redonner à l’impôt». S’agit-il d’un mythe ou d’une réalité?
S’il était difficile d’y voir clair il y a quelques années, il est maintenant possible d’évaluer l’impact financier d’un retour au travail grâce au calculateur Revenu de travail conservé à la retraite, créé par le ministère des Finances. Ce calculateur tient compte non seulement des mesures fiscales et sociales offertes, mais de tous les incitatifs à l’emploi qui s’appliquent aux personnes retraitées.
Vous pourriez avoir des surprises en allant effectuer vos calculs. Mais avant de vous installer devant votre ordinateur, faisons le tour des mesures prises par nos gouvernements pour encourager les personnes retraitées à alléger le problème de pénurie de main-d’œuvre.
Régime de rentes du Québec
Dans son Plan budgétaire 2023-2024, le gouvernement du Québec a introduit une mesure qui est passée inaperçue aux yeux de plusieurs, mais qui pourtant aura un impact non négligeable. Il faut savoir que normalement, une personne retraitée qui perçoit un revenu de travail doit payer une cotisation au Régime de rentes du Québec (RRQ) qui représente 6,4% du revenu entre 3 500$ et 66 600$. C’est donc dire qu’avec un salaire à temps partiel de 15 000$, cette personne devra cotiser 736$ au RRQ. S’il est vrai que sa rente sera bonifiée quelque peu, il n’en demeure pas moins qu’avoir ce montant dans ses poches serait bienvenu.
À partir du 1er janvier 2024, les travailleurs de 65 ans et plus pourront demander d’être exemptés de payer la cotisation au RRQ. Et à partir de l’année où ils atteignent l’âge de 72 ans, les cotisations cessent, tout simplement.
Supplément de revenu garanti
Pour les Canadiens et Canadiennes à très faible revenu, le Supplément de revenu garanti (SRG) peut faire toute une différence. En effet, ce supplément peut atteindre jusqu’à 1 032,10$ par mois pour un célibataire (en date d’août 2023). Si la règle est que cette rente diminue quand le revenu augmente, il faut savoir qu’il n’y a aucun impact sur les premiers 5 000$ de revenus de travail.
Crédit d’impôt pour prolongation de carrière
Ce crédit d’impôt québécois non remboursable peut atteindre 1 500$ pour les travailleurs et travailleuses de 60 à 64 ans, ou 1 650$ à partir de 65 ans. Pour y avoir droit, il suffit d’avoir des revenus de travail d’au moins 5000$. À noter qu’il diminue progressivement si le revenu dépasse 36 590$.
D’autres crédits permettent de réduire la facture fiscale, comme la déduction pour travailleur, le montant canadien pour emploi, les crédits d’impôt relatifs à la prime au travail et l’allocation canadienne pour les travailleurs.
Passons maintenant à un exemple en utilisant le calculateur de revenu de travail conservé à la retraite mentionné plus haut. Imaginons une personne retraitée âgée de 65 ans et vivant seule, avec les revenus suivants:
• RRQ – 10 000$
• PSV – 8 429$
• régime de retraite – 50 000$
Total: 68 429$
Avec un revenu d’emploi supplémentaire de 10 000$, le revenu additionnel disponible serait de 6 439$, donc 64% du montant gagné, si l’on se fie au calculateur. Sans les mesures incitatives à l’emploi, le montant disponible serait plutôt de 5 438$. En effet, les divers crédits totalisent 1 001$.
Et à partir de 2024, si l’on tient compte de la nouvelle exemption qui pourra être demandée au niveau de la rente du RRQ, un montant additionnel de 416$ serait disponible. En d’autres mots, le revenu additionnel serait de 6 855$, ou 69% du salaire gagné.
Avant sa retraite, cette personne aurait assurément reçu un montant net inférieur puisqu’elle n’a pas droit à certains crédits avant 65 ans, ni au congé de cotisation au RRQ (à partir de 2024).
Les résultats sont encore plus intéressants pour les gens à faible revenu. Si notre personne retraitée n’avait aucun revenu provenant d’un régime de retraite, donc uniquement ses rentes du RRQ et de la PSV, un revenu de travail de 10 000$ lui permettrait de récupérer 7 580$, c’est-à-dire 75,8% du montant gagné. Et à partir de 2024, en supposant que cette personne choisisse de ne pas cotiser au RRQ, elle récupérerait 80% du revenu brut.
Comme vous pouvez le constater, chaque cas est unique, il est donc important de faire ses calculs avant de tirer une conclusion!
André Lacasse, MBA, Pl. Fin.