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Jean Sasseville

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Jean Sasseville

Expert(e) invité(e)

Mises en chantier: Québec propose enfin des cibles pragmatiques!

Jean Sasseville|Publié le 29 août 2024

Mises en chantier: Québec propose enfin des cibles pragmatiques!

La Stratégie québécoise en habitation a une cible de 56 000 unités par an en moyenne pour les 10 prochaines années. (Photo : 123RF)

EXPERT INVITÉ. Dès sa présentation la semaine passée, tous les acteurs en habitation ont été déçus des cibles peu ambitieuses de la Stratégie québécoise en habitation. Ce plan a le mérite de proposer comment construire plus et mieux, même s’il n’y a pas de nouveaux fonds annoncés. La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, va-t-elle rallier les municipalités et les développeurs?

La stratégie établit une cible de 56 000 unités par an en moyenne pour les 10 prochaines années. C’est 25% de plus que la cible précédente, mais beaucoup moins que la suggestion de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) (140 000 unités par an) pour atteindre l’«abordabilité» et celle du directeur parlementaire du budget fédéral (80 000 unités par an) pour rétablir un équilibre dans le marché.

Ce sont trois objectifs très différents.

Construire pour augmenter le taux d’inoccupation à 3% rend le marché du logement équilibré. Un taux d’inoccupation plus élevé permet de rendre le marché plus abordable. La cible proposée par le gouvernement se limite à répondre à la demande à court terme.

La cible de la SCHL est vertueuse, mais irréaliste. Québec mentionne qu’il va ajuster sa cible, en fonction de l’évolution de l’immigration.

Lorsque des fonds additionnels seront annoncés (lors des budgets provinciaux et d’une entente avec le fédéral à la suite de leur plus récent budget), je m’attends à d’autres initiatives et peut-être à une hausse des cibles.

Logement social et abordable

Malgré l’objectif ambitieux de construire 23 000 unités sur 5 ans, le gouvernement n’a pas précisé la part de logements sociaux qui devront sortir de terre.

Il est crucial que l’on comble le déficit important de logements sociaux. Il me semble souhaitable d’établir une cible spécifique pour réduire les incertitudes.

Pour ce qui est d’une cible de logements abordables hors marché, je crois que c’est aux municipalités de les établir. À long terme, elles sont de 20% à Montréal et à Longueuil. D’autres municipalités n’auront pas nécessairement le même objectif.

Les développeurs à but non lucratif et des coopératives semblent avoir une belle place dans ce plan. Le rapport indique la volonté du gouvernement de leur permettre d’utiliser leurs 9,8 milliards de dollars de valeurs nettes comme levier financier.

Il y a un nouveau programme d’infrastructure de 250 millions en appuis financiers d’ici 2028-2029 pour les OBNL et les coopératives.

Boni à la performance aux villes

Les municipalités sont entre autres invitées à offrir des subventions ou des taxes foncières plus basses pour certains projets. Est-ce que les bonis de performance vont être suffisants pour aider les municipalités à atteindre leurs cibles?

Je suis favorable à encourager les villes qui performent le mieux. Les villes moins performantes seront incitées financièrement à revoir leur façon de faire.

En 2023, l’Ontario a créé un système de mesures incitatives financières pour encourager les municipalités à respecter leurs objectifs de construction de logement. Ce printemps, moins de la moitié des villes avaient atteint leurs cibles. L’Ontario vient d’annoncer des sommes additionnelles.

Cette mesure pourrait devenir un élément clé de la stratégie québécoise.

D’autres initiatives intéressantes

En mettant à contribution davantage le ministère des Affaires municipales et celui du Travail, le gouvernement du Québec a une approche plus globale et coordonnée. Plusieurs des 25 mesures sont en cours de déploiement.

Le rapport rappelle les milliers de logements abordables construits par des fonds fiscalisés (Desjardins, Fonds FTQ et Fondaction).

Les 1000 logements sociaux pour retraités Unitaînés sont un bel exemple de succès. S’il y a dépassement de coûts, le président fondateur du Groupe Maurice et philanthrope Luc Maurice en assume la responsabilité. Les immeubles seront remis aux municipalités ou à un OBNL. Avec la collaboration des 10 villes choisies, les immeubles sont en voie d’être construits rapidement.

Un appel d’offres sera lancé pour 500 logements préfabriqués.

Une centaine d’immeubles gouvernementaux non utilisés pourraient être convertis en logements.

La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) harmonisera les normes de construction et de sécurité.

Pour favoriser la collaboration, 3 comités sont créés:

  1. Table Québec-municipalités en habitation;
  2. Comité consultatif des professionnels en habitation;
  3. Comité consultatif sur le logement social et abordable.

Un plan évolutif

«Tous les jours, les conséquences de la crise du logement se font sentir chez des milliers de Québécoises et Québécois. Comme gouvernement, c’est notre responsabilité de mobiliser tous les acteurs en habitation afin d’accélérer la croissance de l’offre de logements», soulignait la ministre Duranceau par voie de communiqué le 22 août dernier.

«Nous devons repenser nos méthodes de travail pour améliorer notre productivité et adopter des techniques de construction innovantes et rapides. Les mesures proposées dans la stratégie permettront de canaliser efficacement nos investissements présents et futurs. Les défis sont nombreux, mais je suis convaincue qu’ils peuvent être surmontés», ajoute-t-elle.

Les coûts importants pour les infrastructures publiques sont des éléments essentiels pour permettre à certaines municipalités d’accueillir un plus grand nombre d’unités d’habitation. Aucun nouveau programme n’est prévu, sauf pour les OBNL et les coopératives.

Beaucoup de questions demeurent en suspens. D’autres mesures devront être prises.

Je salue qu’on ait accouché d’une stratégie pour la première fois. La contribution des municipalités est bien sûr cruciale pour son succès.

Il faut toujours chercher à éventuellement atteindre les cibles de la SCHL, pour que l’offre de logements excède la demande et que l’immobilier devienne plus abordable.

La cible de 56 000 par an est un objectif à augmenter graduellement. Est-ce que cela a du sens?