La sorties du marché des boomers ne créera pas un ras-de-marée de maisons à vendre, selon une étude.
Depuis le début des années 2000, on prédit le pire pour l’immobilier; le vieillissement de la population aura à long terme un effet dramatique sur la valeur des maisons.
Comme bien d’autres, Hélène Bégin a été exposée à ces théories des démographes. Elle aussi croyait en l’inexorable cassure, jusqu’à ce qu’elle se penche sérieusement sur la question.
«Je m’attendais à pire», dit-elle. L’économiste principale de Desjardins fait référence à des résultats d’une étude publiée la semaine dernière.
La recherche en question a été menée par un étudiant en économie de l’Université Laval dans le cadre de sa maîtrise, en partenariat avec le département d’études économique de l’institution financière. Conclusion? Les prix de l’immobilier ne baisseront que très légèrement au cours de la prochaine décennie, ou stagner au mieux. Pour ceux habitués à voir le marché immobilier évoluer énergiquement vers le haut, la nouvelle peut sembler angoissante. En comparaison des théories galvaudées au début du siècle, elle est plutôt rassurante.
Il faut dire que la vision est maintenant plus claire. À mesure qu’on approche du moment fatidique, celui où la cohorte des boomers se départira en masse de ses maisons, le portrait devient moins dramatique. «On avait tous l’impression que le départ des boomers allait provoquer une forte secousse en inondant le marché de maisons à vendre», dit Hélène Bégin.
Bien que nombreux à appréhender le pire, peu d’experts s’étaient engagés à avancer un chiffre, encore moins à étudier la question. Selon l’étude, le prix moyen de l’immobilier résidentiel pour tout le Québec devrait reculer, en termes réels, de 3% au cours de la prochaine décennie. En excluant l’effet de l’inflation, établi sur une base hypothétique à 2%, la diminution en valeur nominale ne serait que de 1%. C’est bien loin des prophéties apocalyptiques d’il y a 20 ans.
L’évolution de la pyramide d’âge a à long terme un effet certain sur le dynamisme du marché immobilier, rappellent les auteurs. Il ne s’agit cependant que d’un facteur parmi d’autres. Il faut aussi tenir compte du taux de chômage, des revenus, de la densité de la population, du rythme de la construction de nouveaux logements et de l’évolution des taux hypothécaires.
Il y a un autre élément à considérer : la migration. C’est lui qui vient mitiger l’impact du vieillissement de la population sur le marché de l’immobilier. «Les nouveaux arrivants se situent dans la tranche d’âge, de 25 à 54 ans, ce qui influence positivement le marché immobilier», dit Hélène Bégin. Les scénarios pessimistes des années passées ont sous-estimé l’apport de l’immigration.
Toutes ces variables n’agiront pas uniformément sur le territoire du Québec. Selon les données de l’Université Laval, le creux des valeurs immobilières sera plus ou moins important selon les régions; le mouvement à la baisse ne sera pas non plus synchronisé. La région de Québec, par exemple, est déjà en phase de stabilité. Le marché immobilier devrait reculer faiblement d’ici 2021 pour rattraper le terrain perdu avant 2025. Dans la région de Montréal, les prix devraient reculer plus légèrement encore, mais stagner plus longtemps par la suite.
En périphérie de la métropole, le tableau est moins reluisant. Selon les données de l’étude, les prix de l’immobilier, toujours en termes réels, devraient régresser partout autour de Montréal. Les régions de Lanaudière et de la Montérégie devraient avoir récupéré leur valeur d’ici 2030, mais pas Laval ni les Laurentides. Cette région sera d’ailleurs celle qui sera le plus affectée, suivie par les Outaouais.
D’ici 2030, en valeur nominale, c’est-à-dire en écartant l’inflation, aucune des régions du Québec ne devrait voir son marché immobilier reculer.
Toutefois, il est important de noter que ce scénario ne tient pas compte d’une éventuelle récession qui pourrait peser sur le prix des maisons.
La dernière fois que l’immobilier québécois a traversé une décennie de stagnation remonte aux années 1990. Précédée par des années de surconstruction, frappée par une récession et minée par des taux d’intérêt élevés, la décennie 1990 n’a pas été brillante en matière d’immobilier. Ce n’est pas ce scénario qui risque de se répéter.
«Le marché restera serré malgré tout. On ne verra pas de taux d’inoccupation semblable à ceux des années 1990, les taux hypothécaires ne risquent pas de grimper au niveau de l’époque», croit Hélène Bégin.
La baisse sera le fait des tendances démographiques, mais le recul qui se profile s’annonce moins douloureux que ce qui était appréhendé.