Pour un promoteur, une redevance est une condition du permis de construction, donc non finançable par la banque, et a un impact direct sur le retour sur investissement et l’évaluation des projets. Ces redevances sont refilées à l'acheteur ou au locataire. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. J’ai le plaisir de vous présenter un nouveau site qui mérite de devenir une référence pour ceux intéressés par la crise du logement. Avec les redevances de développement, les villes obtiennent de nouveaux revenus. Leur légalité est questionnable. Est-ce approprié de mettre en place une telle mesure qui nuit à l’augmentation de l’offre de logements?
Dans un contexte où la densification urbaine est au cœur de la nouvelle Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT), il est néfaste que les multilogements et les tours d’habitations aient des frais réglementaires plus élevés au pied carrés que pour une maison unifamiliale.
Nouvelle source de revenus
Québec permet, depuis, 2016 que les villes facturent des redevances aux promoteurs immobiliers pour compenser le coût marginal des aqueducs, des égouts et autres services municipaux.
« Cette mesure favorise, d’une part, l’équité entre les citoyens d’une même municipalité, qu’ils soient nouvellement arrivés ou établis depuis plus longtemps », explique Patrick Lemieux, conseiller aux communications et aux relations médias à l’Union des municipalités du Québec.
« En ne faisant pas porter la totalité du coûts des investissements municipaux requis à la suite de nouveaux développements immobiliers à l’ensemble de la population, on rétablit, d’autre part, l’équilibre au niveau du financement des infrastructures et on accroît du même coup la qualité des infrastructures mises en place, puisque mieux financées », ajoute Patrick Lemieux.
À la différence d’une taxe, une redevance doit servir à garnir un fonds qui va ensuite être utilisé pour un projet bien défini. C’est le principe de l’utilisateur-payeur.
Où s’informer sur les redevances?
Je vous invite à consulter le nouveau site défilogements.com développé par Joël Gagnon, président de Premium Analytique, une entreprise de service-conseil en intelligence d’affaires, et épaulé par Louis Boucher, développeur immobilier. Sélectionnez la section redevances pour obtenir plus d’informations.
On y voit que la plupart des villes facturent en moyenne 5000$ par logement construit. En cliquant sur une ville, vous obtenez plus d’informations.
Pour un promoteur, une redevance est une condition du permis de construction, donc non finançable par la banque, et a un impact direct sur le retour sur investissement et l’évaluation des projets. Ces redevances sont refilées à l’acheteur ou au locataire.
Constats
Les redevances sont très populaires dans la couronne nord et sud de Montréal. Ces mêmes villes ont connu un gain de population important ces dernières années.
Louis Boucher souligne que « la redevance n’est pas liée aux déboursés nécessaires à la construction d’infrastructures, ces dernières étant financées sur plusieurs années ».
« Le mode de calcul de la redevance comporte plusieurs hypothèses invérifiables, telles que les coûts réels des infrastructures, l’année de construction des infrastructures, la quantité de logements à construire ainsi qu’un pourcentage d’utilisation des infrastructures par les résidents des nouveaux logements, » mentionne Joël Gagnon.
Voici le décompte de règlements qui ont des spécificités :
– Quinze spécifient que les redevances seront utilisées dans le cadre du programme d’immobilisation général de la ville. Certaines proposent d’utiliser les redevances afin de payer l’adaptation aux changements climatiques des autres citoyens ou encore de rembourser des dettes accumulées. Les villes utilisant les fonds de cette manière chargent des redevances 21% plus élevées que la moyenne.
– Onze mentionnent qu’ils excluent des services désirables par les autres citoyens de la ville, tels que les CPE.
– Huit comportent des clauses visant spécifiquement à décourager la densification. Par exemple, les redevances y seront plus élevées si les logements y ont plus de pièces ou si leurs immeubles sont plus hauts.
– Six tentent d’influencer les projets souhaitables: certification LEED ou décontamination d’un terrain.
– Quatre ajustent le montant de la redevance avec l’utilisation ou non des infrastructures (exemple: montant différent par quartier si l’aqueduc n’est pas utilisé partout). Les villes utilisant cette méthode de calcul exigent des redevances 40% moins chères que la moyenne.
– Quatre offrent un rabais aux RPA.
– Quatre seulement ne font pas payer de redevances aux logements sociaux.
« Un propriétaire n’a aucune façon de valider qu’il ne paie pas sa part des infrastructures en double, soit dans la redevance et dans le taxe foncière, » souligne Joël Gagnon.
Illégal?
La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) qui établit plusieurs conditions que doit respecter le règlement municipal.
L’Institut de développement urbain du Québec (IDU) a publié en avril 2023 un avis juridique concluant que la conformité légale est questionnable. Une ou plusieurs conditions de validité ne sont pas respectées dans certains règlements.
Taxes et frais réglementaires
Environ 150 municipalités imposent un taux de taxation plus élevé aux immeubles résidentiels de six logements ou plus, qu’aux plus petits immeubles. Selon la méthode de fixation des loyers, ces taxes foncières sont entièrement transférées aux locataires.
Un développeur peut aussi devoir assumer des frais de parcs (10% de la valeur du terrain), la redevance du Réseau express métropolitain et les frais découlant du Règlement à Montréal pour une métropole mixte sur les logements sociaux et abordables (coût moyen estimé à 8500$ par logement par l’Institut économique de Montréal).
Un rapport publié le 5 juillet 2022 par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime les frais réglementaires à 3$ le pied carré pour une maison détachée, alors qu’ils grimpent à 35$ le pied carré pour un logement locatif situé dans une tour. Cela n’a pas de sens.
Nouveau pacte fiscal
« Il faut valoriser les bons comportements en matière de développement urbain, et se servir de mesures fiscales à cet effet nous apparaît tout à fait valable. Cela dit, nous souhaitons une certaine cohérence afin que le poids des contributions financières n’échoie pas toujours aux mêmes personnes, c’est-à-dire principalement aux nouvelles familles et aux jeunes à la recherche d’un logement, » mentionne Maxime Rodrigue, président-directeur général de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).
« L’IDU comprend le dilemme des villes aux prises avec une législation qui fait du foncier leur principale source de revenus, mais l’addition des ponctions fiscales comporte un effet contre-productif. Cela dit, une première piste de solution réside dans une diversification déjà possible en incitant les villes à prélever plus de revenus de tarification de différents services comme le font l’Ontario et la Colombie-Britannique, » mentionne Jean-Marc Fournier, président-directeur général de l’IDU.
Il est souhaitable que les villes et Québec collaborent pour remplacer toute mesure fiscale ou frais freinant la construction et à la densification.
Je vous invite à consulter mes articles précédents.