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Malik Yacoubi

L'immobilier simplifié

Malik Yacoubi

Expert(e) invité(e)

Hausse des taux: l’accessibilité et le marché immobilier

Malik Yacoubi|Publié le 21 juin 2023

Hausse des taux: l’accessibilité et le marché immobilier

La demande demeure forte, les inscriptions sont plus rares et les taux sont élevés, ce qui fait beaucoup de conditions qui favorisent un marché qui fonctionne au ralenti. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. À l’exception des grandes métropoles canadiennes, le marché de l’immobilier est au ralenti. Du moins, c’est ce que laisse croire la baisse des mises en vente. 

Pourtant, les prix, eux, rejoignent le sommet de l’été 2022.

Et c’est justement le faible nombre d’inscriptions qui tire les coûts vers le haut.

Donc, contrairement à ce qu’on a pu entendre de la part de certaines institutions financières canadiennes, ce ralentissement n’a que peu à voir avec la situation financière des ménages qui serait préoccupante, les prêteurs se voyant forcés de restreindre l’accès au crédit.

Il existe bien un test de résistance, imposé par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), qui oblige les institutions financières à mesurer la capacité de rembourser des emprunteurs. Toutefois, pour le moment, nous ne constatons pas que celui-ci constitue un frein majeur à l’emprunt.

Le pays manque de maisons 

Je ne le répéterai jamais assez: le principal enjeu, en ce moment, est la pénurie de logements. Elle se reflète dans les hausses de prix de la location, dans le maintien du prix élevé des résidences malgré la stagnation du marché et elle est la principale cause, selon moi, du ralentissement en ce qui concerne les nouvelles inscriptions.

Ce n’est pas le seul motif. Les taux élevés y sont effectivement pour quelque chose (personne n’a envie d’acheter alors qu’il ou elle détient une hypothèque non transférable, par exemple, et de payer deux fois, voire trois, ce qui est déboursé en ce moment en intérêts, en plus de la pénalité liée à un prêt fermé).

Bref, la demande demeure forte. Les inscriptions sont plus rares. Les taux sont élevés. Ça fait beaucoup de conditions qui favorisent un marché qui fonctionne au ralenti.

Pour illustrer la chose, imaginez que tout le monde doive acheter ses vêtements dans la même boutique. On y trouve du neuf et de l’usagé. Mais il y a peu de choix dans les modèles, peu de variété dans les grandeurs. Et si vous achetez un morceau de linge, vous devez revendre à la boutique celui que vous portez présentement et qui ne vous convient pas trop mal. En plus, vous devez payer avec une carte de crédit à fort taux que vous ne pourrez pas rembourser d’un seul coup. Peut-être allez-vous attendre que la boutique reçoive de nouveaux modèles avant de changer de t-shirt, non? Mais elle en reçoit peu (voir: la baisse des mises en chantier). Et vu le manque de choix, la plupart des acheteurs potentiels repartent sans acheter… ni laisser leur ancien chandail pour qu’il soit mis en vente. 

Pas de baisse des prix en vue

On serait tenté de croire qu’en 2026, quand la vaste majorité des acheteurs qui ont profité de taux très bas fermés pour cinq ans vont devoir renouveler leurs hypothèques, que ces personnes pourraient vouloir se départir de résidences payées à fort prix, au sommet de la frénésie immobilière et que cela pourrait affecter le marché.

C’est là que le fameux test de résistance pourrait, théoriquement, devenir problématique.

Certains commentateurs ont même récemment brandi la possibilité d’une «récession immobilière». Mais comme l’économiste et Sénateur Clément Gignac, que j’entendais récemment donner son avis sur la question, je ne crois pas que le marché de l’immobilier sera lourdement affecté par la capacité de payer des citoyens.

L’exemple donné du début des années 1990 pour évoquer cette possible crise est lié à un recul de l’emploi à l’époque. Or, bien au contraire, la pénurie de main-d’œuvre continue de tirer l’inflation vers le haut.

Pour poursuivre sur la question: avec la hausse importante des loyers, il serait étonnant de voir des ménages se départir d’un actif immobilier, même s’ils ont peu de capital remboursé, pour aller dépenser une somme analogue dans une location.

Le seul enjeu que je vois lié au test de résistance, c’est la possibilité de répercussions sur l’admissibilité de certaines personnes si la Banque du Canada monte encore ses taux en septembre, comme elle l’a fait en juin.

Une protection en cas de hausse des taux 

Si c’était le cas, peut-être que des propriétaires qui doivent renouveler leur hypothèque sous peu et qui se sentent un peu «limite» devraient se faire préapprouver immédiatement aux taux actuels des prêteurs.

Dans ces conditions, même si le taux directeur venait à monter, entraînant celui des institutions financières dans son sillage, ces personnes ne seraient pas affectées par le test de résistance, puisqu’elles auraient déjà démontré leur capacité de payer au taux actuel qui serait protégé pour eux.

Pour les autres, il n’est pas impossible que le grand changement de 2026 modifie leur rythme de vie et que cela affecte l’économie. Les ménages dont les paiements augmenteront considérablement devront couper ailleurs. Soit les voyages, les restaurants, les spectacles ou la décoration. Mais ils devront toujours se loger, alors que les alternatives plus économiques que l’achat se font de plus en plus rares.

Ajoutez à cela la baisse considérable des mises en chantier cette année pour compléter un portrait où je serais drôlement surpris de voir le marché de l’immobilier fléchir de manière significative.

Je vous invite à consulter le rapport nesto.

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À noter : ce qui précède sont mes opinions et expériences personnelles et non la position de nesto Expert hypothécaire. Je ne suis pas un courtier hypothécaire ou immobilier agréé.