Si vous êtes près de la retraite, la situation actuelle peut être préoccupante. (Photo: 123RF)
Les hausses du taux directeur ont eu des répercussions plus larges que le simple paiement hypothécaire pour les propriétaires immobiliers. Pour certains, la retraite pourrait s’en trouver affectée. Que faire lorsque notre plan de match est chamboulé par un imprévu de taille ?
D’entrée de jeu, le président de De Champlain Groupe financier, Sylvain De Champlain, avoue qu’une dépense mensuelle supplémentaire d’environ 1200 $, comme l’indique le tableau pour un taux variable entre 2022 et 2024 de Planiprêt, c’est loin d’être anodin.
« C’est sûr que 1200 $ par mois, c’est assez important, tranche-t-il. Il faut parfois repousser des projets, comme un voyage, refaire son budget et regarder s’il y a des dépenses non essentielles qui peuvent être réduites ou coupées. »
La personne doit alors être réaliste, plaide-t-il. Si c’est la chose à faire, elle doit prendre un pas en arrière pour être en mesure d’affronter une situation temporaire, et peut-être puiser dans des placements, comme un CELI, ce qui permettra d’obtenir une marge de manœuvre face à l’augmentation de coûts.
« Si votre salaire n’augmente pas plus que l’inflation et vos paiements, il n’y a pas de solution magique, mentionne pour sa part l’économiste à la Banque Nationale Daren King. Il faut prendre le temps de se faire un plan, de regarder ses dépenses et ses revenus, de faire les calculs et d’aller voir son conseiller financier pour obtenir de l’aide. »
Même si, à court terme, vous vivez une tempête relativement au coût de la dette et à l’augmentation des taux, à long terme, ça ne devrait pas paraître tant que ça, même si vous faites un pas en arrière en épargnant moins et en vous concentrant sur votre dette, estime Sylvain De Champlain.
Il comprend que si vous êtes à un an de la retraite, c’est probablement plus préoccupant. Mais pour une personne qui a un horizon de 10, 15 ou 30 ans, elle devrait se dire qu’elle va attacher sa ceinture et traverser la tempête.
« Quelqu’un qui est proche de sa retraite et préoccupé par la dette supplémentaire ? J’aurais tendance à dire que c’est une mauvaise planification ou une mauvaise décision d’acheter une maison avec une grosse hypothèque, tranche-t-il. Souvent, les gens achètent plus petit à l’approche de la retraite. Dans le pire des scénarios, on est peut-être mieux de vendre la maison pour arrêter l’hémorragie. »
Les dettes en premier
Si on cherche comment diminuer le plus possible ses paiements, la première chose à faire est de s’attaquer à ses dettes, et pas nécessairement à celles à taux variable.
« À payer en premier : les dettes qui ont les taux d’intérêt les plus élevés, indique Daren King. Par exemple, si vous avez une carte de crédit, il faut en rembourser le solde avant celui de votre marge de crédit à taux variable », illustre-t-il.
En plus d’aller piger sans ses placements pour faire face à cette hausse de paiements hypothécaires, qui peut se révéler vertigineuse pour certains, abaisser temporairement le montant consacré à l’épargne vous permettrait de joindre les deux bouts à la fin du mois, soutient Sylvain De Champlain, à tout le moins en attendant que les taux commencent à redescendre.
« Pour quelqu’un qui commence dans la vie, qui a très peu de placements, très peu d’équité sur sa maison et beaucoup d’intérêts, ça vaut peut-être la peine de payer ses dettes plutôt que d’investir, ajoute Daren King. La hausse des taux d’intérêt fait mal et les placements sont moins rentables. Si vous êtes sur le bord de la retraite, que votre hypothèque est presque payée et que vous avez beaucoup d’actifs qui travaillent pour vous, la situation est différente. C’est du cas par cas, il faut s’asseoir, regarder son budget et faire des sacrifices. »
Gérer le court terme
Ce n’est, par contre, pas le temps de paniquer et de chambouler tous vos placements pour la retraite, particulièrement si vous n’en êtes pas si proche. Sylvain De Champlain suggère de tenter de gérer le court et le moyen terme plutôt que de trop s’inquiéter pour le long terme.
« Il y a tellement de choses qui peuvent survenir d’ici là : augmentations de salaire, emploi différent, entrée d’argent, héritage… Il y a tellement d’éléments dans la vie, rappelle-t-il. C’est vraiment une question de changement de plan de match à court terme. On aura à s’adapter et à revalider le scénario de retraite lorsque la tempête sera passée. »
Pour lui, la stratégie à long terme ne change pas. Si le profil ou la situation financière n’a pas changé de façon importante, surtout le profil d’investisseur, on demeure la même personne, même si on est peut-être plus inquiet dans une période où on est coincé financièrement.
« Si on avait un profil croissance, on conserve ce profil, avance-t-il. Sur le long terme, ce qui est dans les REER et ce qui est planifié pour la retraite ne doit pas être modifié s’il n’y a pas de changement majeur dans la situation personnelle ou financière de la personne. »
Il propose plutôt deux solutions : augmenter la portion d’épargne dans le budget une fois la tempête passée ou, si vous êtes plus près de votre retraite, de considérer travailler une année ou deux de plus et de retarder le Régime de rentes du Québec à 66 ou 67 ans.
« Un troisième choix serait d’être plus agressif dans ses placements pour compenser, mais on ne doit pas changer son profil pour prendre plus de risques dans une période où on se sent un peu plus déstabilisé financièrement, ajoute-t-il. Donc, il reste réellement deux options. »
Allonger l’amortissement ?
Est-ce qu’allonger l’amortissement de sa propriété est une bonne idée pour diminuer ses paiements ? En plus d’être une solution de dernier recours, ce n’est pas toujours facile de procéder de cette manière.
Sylvain De Champlain a une opinion assez claire sur le sujet. « Allonger l’échéance pour réduire les paiements mensuels quand on se retrouve dans une situation précaire, c’est un plan d’urgence. »
Si on décide d’aller de l’avant, Stéphane Daigneault rappelle que la SCHL, pour ses prêts assurés de moins de 20 % de mise de fonds de quatre portes et moins, ne permet pas de dépasser 25 ans d’amortissement.
Desjardins, elle, permet d’aller jusqu’à 30 ans, mais le prêt doit être conventionnel, donc non assuré. C’est lors de l’acquisition qu’on détermine s’il est conventionnel ou non. Un prêt assuré le demeure même si on dépasse le 20 % d’équité.
« La seule façon d’enlever l’assureur hypothécaire, c’est d’en faire la demande à notre créancier hypothécaire et de repasser devant notaire, ce qui engendre nécessairement des frais », explique-t-il.
Les règles ne sont pas les mêmes chez les différents assureurs hypothécaires et évoluent au gré du temps. Il suggère fortement de s’informer des modalités pour obtenir un allongement d’amortissement.
« Chaque prêteur a des manières d’assouplir les remboursements, rappelle-t-il. Il ne faut pas attendre d’être acculé au pied du mur et d’avoir pris du retard dans les versements pour basculer au point de non-retour. »
Peu importe la décision à prendre, Sylvain De Champlain recommande d’être accompagné par un conseiller financier, estimant que lors de moments de paniques, les ménages doivent obtenir une vue d’ensemble de leur situation financière.