Il serait souhaitable que tous les immeubles non couverts par la GCR soient aussi sujets à autant d’inspections que ceux couverts par la GCR. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. On se doit de régler le manque de surveillance des chantiers. L’achat d’un bien immobilier est l’investissement le plus important dans la vie pour une majorité de consommateurs. Tous sont en droit de s’attendre à acquérir un produit de qualité.
162 propriétaires risquent de tout perdre
Les copropriétaires des 27 immeubles du Faubourg Boisbriand ont récemment appris officiellement qu’il leur faut débourser 500 000$ par logement ou, ce qui semble la situation appropriée, décider de vendre pour démolition.
L’entrepreneur, Construction Nomade, aurait oublié de tenir compte de l’affaissement naturel du bois et cela cause un vieillissement prématuré, de la moisissure, de la pourriture du bois et de la contamination fongique.
«Je suis sensible à la situation des locataires et propriétaires de ces condos à Boisbriand. Le dossier est maintenant judiciarisé, puisque les deux syndicats ont intenté une poursuite qui totalise actuellement 33M$ (contre le promoteur et entrepreneur, de même que les architectes et ingénieurs du projet). Je vais donc limiter nos commentaires sur ce dossier», mentionne le ministre du Travail, Jean Boulet.
«Malheureusement, la situation des copropriétaires du Faubourg Boisbriand ne représente pas un cas isolé. Il est essentiel de se pencher sur les moyens à déployer pour assurer la qualité des constructions, la conservation, et la pérennité des immeubles et de ce mode de vie qui grandit en popularité chaque année», souligne Me Yves Joli-Cœur, avocat et président du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ).
Un ensemble d’intervenants
Les premiers responsables de la qualité de la construction sont les concepteurs des projets, soit les architectes et les ingénieurs, de même que ceux qui réalisent les travaux, soit les entrepreneurs et les travailleurs. Les architectes et les ingénieurs sont encadrés par des ordres professionnels. Quant aux entrepreneurs, ils ont l’obligation de détenir une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) et doivent réussir un processus de qualification. Pour les travailleurs, ils doivent obtenir un certificat de compétence de la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Les municipalités ont la responsabilité d’adopter et d’appliquer une réglementation en construction pour les petits bâtiments, comme dans le cas des immeubles de six logements à Boisbriand, car le chapitre bâtiment du Code de construction de la RBQ ne s’applique pas à ces bâtiments. Peu de municipalités réalisent des inspections à des étapes clés de la construction. La plupart de leurs inspections portent sur des notions de zonage municipal.
La GCR a amélioré la qualité des constructions
La RBQ a procédé à une refonte du Plan de garantie en 2015 afin d’améliorer la protection des bénéficiaires et la qualité de la construction au Québec. Les immeubles de quatre logements ou moins sont obligatoirement protégés par le plan de garantie de la Garantie de construction résidentielle (GCR) pour les défauts et vices de construction jusqu’à une durée de cinq ans. Les immeubles avec plus de logements peuvent être garantis, à la discrétion de l’entrepreneur.
En inspectant plus de 10 000 logements par année, GCR a fait baisser la moyenne des problèmes détectés par chantier de 56% en cinq ans. Le nombre d’entrepreneurs généraux est passé de 5000 à 2800. «Depuis 2015, on reçoit beaucoup moins de plaintes concernant le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs», souligne le directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), Marc-André Harnois.
«Notre approche basée sur la prévention des défauts de construction et l’augmentation des inspections a donné des résultats tangibles avec une baisse majeure des non-conformités détectées sur les chantiers. Cela dit, la question de l’augmentation des inspections est importante et nous travaillons d’ailleurs en étroite collaboration avec la RBQ, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ) et la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ), qui se penchent présentement sur cet enjeu», a déclaré François-William Simard, vice-président communications et relations partenaires chez GCR.
Marc-André Harnois mentionne que ce plan doit être mis à jour. «Les protections se sont grandement améliorées en copropriété divise avec le projet de loi 16 et dans l’unifamilial, il faut mieux protéger les consommateurs, par exemple contre des faillites comme celle de Bel-Habitat.»
Plus d’inspections
La GCR s’est engagée à faire au moins une inspection sur 100% des logements à partir de cette année. Il serait souhaitable que tous les immeubles non couverts par la GCR soient aussi sujets à autant d’inspections que ceux couverts par la GCR.
«Nous croyons donc que le Programme d’inspection du Plan public devrait prévoir des inspections en cinq étapes sur 100% des logements. Si nous faisons confiance à l’administrateur du Plan pour juger des moments les plus pertinents pour inspecter (en fonction des données qu’ils accumulent), il nous semble important de mentionner que l’étape de l’étanchéité nous semble essentielle», déclare Marc-André Harnois.
En octobre 2021, la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest a demandé à la RBQ de faire des inspections à des étapes charnières de la construction. Plusieurs nouveaux inspecteurs ont été engagés.
«La sécurité du public est une de mes priorités et c’est dans ce cadre que j’ai demandé à la RBQ et ses partenaires de collaborer à la révision du modèle d’inspection au Québec. Il s’agit d’une révision qui est complexe et qui implique la concertation de plusieurs acteurs avec une volonté commune», mentionne le ministre Jean Boulet.
«La RBQ travaille en étroite collaboration avec ses partenaires pour mettre en place un nouveau modèle d’inspection des travaux de construction. Tous les intervenants impliqués dans cette démarche, dont les corporations (CMEQ et CMMTQ), les associations d’entrepreneurs, les ordres professionnels et les municipalités, sont animés par une réelle volonté de collaboration. C’est ensemble que nous parviendrons à revoir le modèle d’inspection au Québec qui permettra de rehausser davantage la qualité de la construction et la protection des consommateurs», souligne Sylvain Lamothe, porte-parole de la RBQ.
La surveillance des travaux est un investissement rentable. Collectivement, prévenir coûte moins cher que de réparer. C’est un dossier à suivre.
Je vous invite à consulter mes articles précédents.