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Malik Yacoubi

L'immobilier simplifié

Malik Yacoubi

Expert(e) invité(e)

Le «air fryer» et les taux fixes à court-terme

Malik Yacoubi|Publié le 19 juillet 2023

Le «air fryer» et les taux fixes à court-terme

Il existe une croyance que les taux descendront significativement d’ici 36 mois. Ce scénario semble toutefois de moins en moins probable. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Il y a deux sujets d’actualité qui me captivent en ce moment.

Le premier concerne une tendance: la popularité croissante des hypothèques fixes à court terme, soit sur trois ans.

Le phénomène s’explique assez simplement par la hausse faramineuse des taux d’intérêt et la croyance que ceux-ci descendront significativement d’ici 36 mois. Or, selon la plupart des observateurs, ce scénario semble de moins en moins probable et les taux sur trois ans étant passablement élevés, je ne suis pas certain qu’il s’agisse de la meilleure stratégie pour économiser.

Ce que je sais, par contre, c’est que les humains sont grégaires. Faites jouer une chanson à la radio (ou dans une vidéo TikTok) assez souvent et nous nous mettrons tous à la fredonner.

Le prêt hypothécaire trois ans à taux fixe est un peu, finalement, le «air fryer» du marché hypothécaire actuel. La popularité d’un produit, qu’il soit financier ou domestique, triomphe parfois de réflexions plus poussées au moment de faire la transaction. 

Car l’inflation a beau avoir retrouvé en mai un peu du leste que le taux directeur de la Banque du Canada (BdC) tente de lui imposer, il se peut que nous ne retrouvions pas avant très longtemps des planchers de taux aussi bas qu’en 2021. Peut-être même jamais.

Nouvelle normalité? 

Dans son allocution à la Chambre de commerce du Grand Victoria le 6 juin dernier, le sous-gouverneur de la BdC, Paul Beaudry, énonçait une série de motifs qui laissent croire à une nouvelle normalité de taux plus élevés. Il invoque plusieurs facteurs pour expliquer ce changement qui rompt avec une tendance de 25 années de baisse avant la pandémie.

La productivité, les inégalités sociales, les technologies (comme l’IA), la mondialisation et le vieillissement de la population viendront, selon lui, changer la donne de l’offre et de la demande en matière d’épargne. Concernant le dernier enjeu de cette liste, le « coût de l’argent » serait affecté par l’utilisation massive de fonds par un nombre croissant de retraités. Moins de liquidités disponibles signifient que cette rareté croissante rendrait les prêts plus onéreux.

Dans ce contexte, et avec la BdC qui laisse planer une énième hausse du taux directeur qui repousserait à encore plus loin un horizon baissier, les prévisions très optimistes en matière de taux à venir relèvent presque de la sorcellerie. La réalité, c’est qu’on n’en sait rien.

Donc, est-ce qu’on peut croire que les taux auront suffisamment redescendu dans trois ans pour justifier de prendre un prêt fermé plus court et plus onéreux qu’un terme de cinq ans?

Impossible à dire. Mais pour les ménages en quête de sécurité, il est important de consulter un spécialiste et de bien mesurer sa tolérance au risque (si les taux demeurent élevés ou augmentent encore) avant de suivre la parade. Au bout du compte, céder à l’effet de mode actuel pourrait coûter pas mal plus cher qu’un air fryer oublié dans une armoire.

Solutions simples

L’autre truc qui est intéressant en ce moment, c’est la manière qu’ont certains analystes de rejeter unilatéralement des solutions simples concernant l’accès de plus en plus difficile à la propriété. Comme, par exemple, d’abaisser la barrière de l’accès au crédit en allongeant les possibilités d’amortissements des prêts assurés sur 30 ans plutôt que 25.

D’un côté, je ne crois pas non plus qu’il s’agisse d’une solution magique que l’on devrait appliquer pour tout le monde, mais dans le contexte actuel, il m’apparaît de plus en plus important d’amender les règles pour y intégrer des exceptions.

Deux groupes pourraient bénéficier de plus de souplesse dans le marché actuel: je pense aux premiers acheteurs comme aux familles dont les parents se séparent.

Pour les seconds, une réduction du paiement mensuel pourrait leur permettre de conserver la résidence que leurs enfants connaissent bien et dans laquelle ils ont grandi. Quant aux premiers, il est grand temps de chercher de nouvelles manières de leur permettre d’intégrer un marché de l’immobilier qui commence à ressembler à un mirage.

Mais bon, en même temps, je suis conscient que ça pourrait accentuer plus encore le problème de la rareté des propriétés sur le marché. Problème qui semble aussi délicat à résoudre que la quadrature du cercle. Ou pire encore: de deviner comment le Canadien va s’en tirer s’il doit passer une autre saison sans Carey Price.

Je vous invite à consulter le rapport nesto.

À noter : ce qui précède sont mes opinions et expériences personnelles et non la position de nesto Expert hypothécaire. Je ne suis pas un courtier hypothécaire ou immobilier agréé.