«Jouer à la piñata, ou blâmer d’autres politiciens, est plus facile et moins productif que de prendre des mesures concrètes pour augmenter l’offre de logements.» (Photo: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. Quand cesserons-nous d’utiliser Airbnb comme une piñata? Plusieurs Québécois adorent se servir d’Airbnb pour leurs voyages dans d’autres pays, mais critiquent les locations qui sont au Québec. Certains politiciens proposent l’interdiction de locations Airbnb pour contrer la crise du logement. Je commente 5 solutions visant à combattre les inconvénients de la location de courte durée.
Un coup de vis important en 2023
Des représentants du milieu communautaire ont prétendu récemment que les changements législatifs faits en 2023 n’ont pas amélioré la situation. La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a rectifié les faits.
(Photo: 123RF)
La ligne en brun indique qu’il y avait à Montréal 5045 locations actives pour 31 nuits ou moins en décembre 2022. Il y en avait 2176 un an plus tard. Cette baisse de presque 3000 est majeure.
La ligne en vert nous montre que le nombre de locations pour 32 jours et plus sur Airbnb, où aucun permis n’est requis, a augmenté d’environ 2000. Donc ⅔ de ceux qui n’avaient pas de permis ont migré vers la location à moyen terme.
Des immeubles ont été vendus. Très peu de ces logements sans permis sont retournés dans le marché locatif traditionnel.
Ce graphique ne tient pas compte des résidences principales.
C’est Philippe Pichette, qui a occupé des postes exécutifs au sein de compagnies de logiciels en fiscalité et en droit immobilier, et qui maintenant possède 6 chalets en location de courte durée, qui a préparé ce graphique.
Il souligne que «le grand ménage a été effectué en mars, après l’incendie du Vieux-Montréal, lorsque Airbnb a exigé l’affichage du numéro de permis pour chaque annonce. À ma grande surprise, la législation de septembre, qui responsabilisait les plateformes, n’a eu que peu de répercussions, car le ménage avait déjà été fait».
Inside Airbnb a été créée par des activistes qui dénoncent Airbnb. Ils font du «scraping» de données. Les données présentées ne sont donc pas exactes à 100%.
La seule étude qui utilise les données réelles du site Airbnb a mesuré ses répercussions sur le marché locatif. Au Québec, l’augmentation des loyers qui serait liée à la location à court terme équivaut à moins de 0,75$ par année.
Constat
Les municipalités déterminent avec leurs règlements de zonage où les résidences principales et secondaires sont permises.
Un avis de conformité municipal doit être obtenu avant de demander un permis.
De nombreuses heures sont requises par un enquêteur pour documenter un dossier et imposer une amende.
L’escouade municipale, qui concentre ses efforts dans Ville-Marie, le Plateau et le Sud-Ouest, déplore qu’elle manque d’outils pour être efficace.
La vérification par les plateformes est effectuée manuellement. Québec va lancer un outil numérique en juin pour vérifier automatiquement la validité de chaque annonce.
Un registre public de tous ces numéros de permis sera lancé cet automne, afin de faciliter la vérification de la conformité des offres de location.
Solution #1: que Revenu Québec, Montréal et la ville de Québec utilisent le portail d’Airbnb
Environ 430 autorités locales à travers le monde utilisent ce portail. Elles peuvent consulter toutes les annonces et enlever elles-mêmes une annonce. Je ne comprends pas pourquoi on n’utilise pas ce portail.
Des villes au Canada utilisent un fournisseur privé tel que Host Compliance ou Harmari pour identifier les locations illégales sur plusieurs plateformes.
Airbnb peut prendre des mesures pouvant aller jusqu’à la suspension ou la suppression d’une annonce ou du compte d’un voyageur ou d’un hôte en cas de non-respect de sa politique de perturbation du voisinage.
Une location illégale à Verdun, appartenant à Karim Olivier Kamal, un joueur de poker professionnel, a fait récemment les manchettes pour un nombre élevé de partys. Personne ne s’était plaint à Airbnb.
Solution #2: que les voisins, la municipalité ou Revenu Québec contactent systématiquement Airbnb pour signaler un immeuble avec des partys
Lorsqu’un voyageur fait une recherche, il doit entrer les dates d’arrivée et de départ. Si c’est pour une semaine, seulement les locations avec permis lui sont offertes. S’il fait une demande pour un séjour de deux mois, les locations sans permis apparaissent aussi.
Un propriétaire sans permis ne peut donc pas tricher sur Airbnb et offrir une location pour 31 jours ou moins. Mais je ne serais pas surpris que certains trichent en louant sur Facebook ou d’autres sites non transactionnels.
Ce sont clairement ceux avec un permis de résidence principale qui peuvent plus facilement tricher. Un résident des Laurentides peut faussement déclarer que son pied-à-terre en ville est sa résidence principale.
Revenu Québec et les municipalités déclarent être incapables de vérifier si c’est vraiment la résidence principale du demandeur de permis.
Solution #3: pour les résidences principales, limiter les locations à 90 nuitées par an, comme la ville de Québec fait
Le portail permettrait de vérifier si un hôte dépasse la limite de 90 nuitées.
Louer sa résidence principale, ou une chambre, ne devrait pas être une activité commerciale. C’est un revenu d’appoint. Cette limitation empêcherait les tricheurs d’abuser.
Un syndicat de copropriété doit donner son accord à de la location de courte durée. Le nombre de délinquants a beaucoup diminué. Mais il y a toujours des condos en location illégale.
Solution #4: à la demande d’un syndicat de copropriété, une annonce devrait être automatiquement enlevée du site Airbnb par Revenu Québec
Plusieurs politiciens suggèrent de bannir toutes les locations Airbnb. Je ne pense pas que l’on peut éliminer les 2176 locations légales à Montréal (0,2% des logements), car elles ont un droit acquis.
Solution #5: ne plus octroyer de nouveaux permis Airbnb
Il ne faut pas permettre des locations Airbnb sur des rues résidentielles. Protéger le calme du voisinage est primordial. Le règlement de zonage dans plusieurs arrondissements ne permet des locations Airbnb que sur des rues commerçantes.
Permettre des locations Airbnb sur une rue commerçante a beaucoup de sens. Les touristes aiment être au cœur de l’action et louer pour quelques jours dans une rue commerçante ne les dérangent pas.
Devant l’impuissance des arrondissements à contrer les locations illégales, certains décident d’empêcher de nouvelles locations légales, en modifiant le règlement de zonage.
Pour les résidences secondaires, c’est ce qu’a fait Mercier-Hochelaga-Maisonneuve en 2023. Le Plateau a présenté récemment un projet de règlement pour faire de même.
Ne plus permettre des conversions de logements en location Airbnb sur des rues commerçantes comme Saint-Laurent et Saint-Denis nuit à leur vitalité économique et n’aide en rien à diminuer les délinquants. Plusieurs commerçants sont déçus.
Resserrements souhaitables
Philippe Pichette «juge que le système québécois est efficace, car il s’assure que les annonces sont légales à la source et ne reposent pas principalement sur un système d’inspecteurs coûteux qui joue au chat et à la souris avec les fraudeurs».
Il est essentiel pour la pérennité et l’image de la location à court terme de renforcer la conformité.
C’est un mythe de prétendre que l’on peut convertir des milliers de locations Airbnb en locations à long terme. Peu se sont convertis en 2023. Et le projet de règlement au Plateau protège très peu de logements.
Jouer à la piñata, ou blâmer d’autres politiciens, est plus facile et moins productif que de prendre des mesures concrètes pour augmenter l’offre de logements.
La ministre Proulx a mentionné vouloir agir pour mieux éradiquer les délinquants. Va-t-elle prendre les mesures les plus efficaces? Va-t-elle bien tenir compte des difficultés des municipalités?
La collaboration, les outils technologiques et la réglementation ont tous besoin de tours de vis.
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