«Lorsqu’on réfléchit à l’abordabilité et la disponibilité, il faut donc s’interroger sur notre capacité à rénover le parc immobilier existant.» (Photo: Adobe Stock)
EXPERT INVITÉ. Depuis 2022, les logements à louer sont particulièrement rares. Le Québec est aux prises avec des taux d’inoccupation au plancher dans pratiquement toutes ses municipalités. Sachant que les logements existants constituent l’essentiel du parc de logements abordables, il va de soi que leur préservation représente une des clés de voûte au rétablissement de l’abordabilité générale.
«Devant le problème d’abordabilité du logement, une partie de l’équation pourrait être résolue en stimulant la rénovation du parc immobilier existant. Il apparaît aujourd’hui essentiel d’encourager la rénovation des logements et de renforcer leur efficacité énergétique pour assurer un milieu de vie durable et abordable pour les locataires», affirme Éric Sansoucy, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).
La rareté des logements est la vraie cause des hausses de loyers
L’une des relations les plus évidentes en immobilier est celle qui existe entre le taux d’inoccupation et la croissance des loyers. Un taux d’inoccupation bas est corrélé de manière fiable à une croissance élevée des loyers, et vice versa.
Autrement dit, lorsqu’il a peu de logements à louer, la concurrence entre locataires est forte, ce qui permet au propriétaire d’augmenter plus le loyer.
Au Québec, les taux d’inoccupation avaient dépassé 6% dans les années 1990. Les hausses de loyers étaient alors très basses. Par la suite, les taux d’inoccupation ont atteint un pic en 2016 et ont baissé par la suite.
En 2023, le taux d’inoccupation était de 1,3% et la hausse moyenne des loyers a été de 7,4%.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) publiera bientôt ses résultats pour 2024. Je m’attends à ce qu’ils soient relativement similaires à ceux de 2023.
Pour les prochaines années, avec une baisse des seuils d’immigration et l’augmentation des mises en chantier des immeubles locatifs, les taux d’inoccupation vont monter légèrement et les hausses de loyers devraient être plus modérées.
Obstacles à la rénovation
Lorsqu’on réfléchit à l’abordabilité et la disponibilité, il faut donc s’interroger sur notre capacité à rénover le parc immobilier existant. Un sondage Léger auprès de membres de la CORPIQ met en lumière les principales problématiques à résoudre afin de relancer les investissements en rénovation.
On a un vieux parc immobilier. Environ 55% des logements ont été construits avant 1980.
Parmi les propriétaires ayant répondu au sondage Léger, 34% considèrent que leurs immeubles auraient besoin de travaux de maintien d’actifs (électricité, plomberie, balcons, portes et fenêtres, cuisine, salle de bain).
Malheureusement, aucune mesure incitative valable ne permet d’accompagner de tels travaux de rénovation.
Plusieurs freins sont identifiés pour permettre aux propriétaires de réaliser des travaux de rénovation:
- 77% affirment que leurs revenus locatifs actuels sont insuffisants pour leur permettre la réalisation de rénovations nécessaires à l’amélioration de l’état de leurs logements. Un constat qui s’avère d’autant plus exact pour les jeunes propriétaires (depuis moins de 15 ans).
- 55% considèrent que les hausses de loyer autorisées par le TAL pour ces travaux ne leur permettront pas d’amortir leur investissement de façon adéquate et raisonnable.
- Les difficultés d’accès à de la main-d’œuvre freinent les rénovations. Près de 55% des propriétaires aimeraient embaucher des ouvriers multidisciplinaires pour plusieurs petits travaux à la fois, 46% aimeraient pouvoir accéder à une main-d’œuvre non syndiquée comme prévu pour la rénovation résidentielle propriétaire-occupant.
Solutions
Des mesures pourraient être rapidement déployées, permettant d’assurer la pérennité du parc locatif au service de tout le monde:
- 70% veulent une grille de calcul des hausses simplifiées, plus facile à expliquer aux locataires.
- 66% désirent une modification des règles de fixation de loyer pour amortir, de manière adéquate, la dépense grâce à leurs revenus mensuels de location.
- 53% espèrent une subvention et 50% un crédit d’impôt sur la dépense.
Les rénovations contribuent à améliorer le confort de vie des locataires, tout en diminuant les coûts du chauffage, la plupart du temps à leur charge.
Devant les coûts de rénovation et l’absence de mesures incitatives, des propriétaires pourraient se retrouver contraints de vendre leur immeuble pour raisons financières. Cette situation n’est pas souhaitable, tant pour les propriétaires que les locataires, car les rachats sont susceptibles d’être réalisés par des investisseurs favorisant les rénovictions.
Il leur faut mettre une mise de fonds élevée et leur stratégie est de rapidement augmenter les revenus pour pouvoir refinancer et se faire rembourser une partie de leur montant investi.
«Assurer la pérennité du parc locatif immobilier est aujourd’hui un défi de société et nous sommes convaincus que les propriétaires font partie de la solution aux côtés de l’ensemble des parties prenantes», souligne Éric Sansoucy.
Pour des logements durables et abordables
Les formules de la grille de fixation des loyers n’ont pas changé depuis sa création en 1980.
Essentiellement, ce sondage fait ressortir que la grille de calcul des hausses de loyer du TAL est trop complexe et vient décourager de façon systémique la rénovation.
Des changements m’apparaissent importants afin de protéger les logements abordables. Ne pas les rénover n’a pas de sens à long terme, surtout dans un contexte où le Québec s’attend à une meilleure efficacité énergétique de ses bâtiments.
Évitons que de plus en plus de logements deviennent vétustes ou impropres à habiter. Des immeubles bien entretenus n’attirent pas les rénovicteurs.
Cessons de nous mettre la tête dans le sable et attaquons ce problème à sa source.
Engageons une réflexion permettant de lever les obstacles à la rénovation du parc locatif au bénéfice de tout le monde.