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Marché hypothécaire, les petits joueurs perdent du terrain

Joanie Fontaine|Publié le 26 avril 2021

Marché hypothécaire, les petits joueurs perdent du terrain

Source : Fotolia

En 2020, la forte croissance des ventes immobilières s’est soldée par une hausse de 15% des hypothèques publiées au Registre foncier du Québec colligées par JLR, société d’Equifax pour atteindre 280 000 actes.

Parmi ces dernières, 60% étaient reliées à l’acquisition d’une nouvelle propriété ; les autres concernaient des renouvellements ou refinancements hypothécaires, des hypothèques de 2e rang, etc.

Puisqu’une majorité des renouvellements avec un même prêteur ne nécessitent pas de publication au Registre foncier, seules les hypothèques reliées à un achat ont été analysées pour déterminer les parts de marché. Ceci permet d’éliminer les biais.

 

Parts de marché

Le marché hypothécaire est dominé par les 7 grandes banques canadiennes et le Mouvement Desjardins. À elles seules, ces 8 institutions ont accordé 88,6% des prêts hypothécaires octroyés pour l’acquisition d’une propriété. Durant plusieurs années, les principaux joueurs ont perdu des parts de marché au profit des petits joueurs, toutefois cette tendance semble se renverser.

 

Évolution des parts de marché hypothécaire

Source : JLR

Deux choses expliquent principalement la baisse des parts de marché des petits joueurs. Tout d’abord, les parts de marché des sociétés de financement hypothécaire (First National, Paradigm Quest, MCAP) stagnent depuis environ 2 ans, après avoir connu une expansion pendant une bonne décennie. Or celles-ci comptent pour une portion importante des prêts octroyés par les entreprises de la catégorie « autres prêteurs ». Les resserrements législatifs et l’entrée dans une phase plus mature de leur développement ont limité le potentiel de croissance de ces créanciers. Toutefois, cette stagnation justifie l’arrêt de la hausse, mais pas la baisse enregistrée.

L’explication de celle-ci réside plutôt dans le retrait du marché du prêt hypothécaire résidentiel d’Industrielle Alliance et de La Capitale. Ces deux dernières détenaient respectivement 0,8% et 0,3% des parts de marché des nouvelles hypothèques en 2018. Avec seulement quelques prêts non résidentiels en 2020, la clientèle qui aurait normalement fait affaire avec ces prêteurs a dû se retourner vers d’autres créanciers. Ainsi, les principales institutions financières ont pu courtiser une partie de ces emprunteurs et renforcer leur position.

Notez que le portefeuille d’Industrielle Alliance a été vendu à la Banque Nationale alors que celui de La Capital a été acquis par Desjardins, mais dans les deux cas, ces hypothèques sont exclues des parts de marché calculées pour 2020, car ces transferts ne sont pas de nouveaux prêts reliés à l’achat d’une propriété.

 

Parts de marché hypothécaire

Le Mouvement Desjardins reste à la tête du marché hypothécaire avec 40,6% des hypothèques reliées à l’acquisition d’une propriété publiées en 2020, une proportion similaire à l’an dernier. Cette année, la forte hausse des transactions en dehors du Grand Montréal aurait dû favoriser la Coopérative qui performe bien à l’extérieur de la métropole. Si Desjardins avait maintenu ses parts de marché dans les différentes régions du Québec, elle aurait eu 2000 hypothèques supplémentaires grâce aux changements dans la répartition géographique des acquisitions de propriétés. La Coopérative aurait ainsi accru de 1 point de pourcentage ses parts de marché dans l’ensemble du Québec. Toutefois, Desjardins a perdu du terrain dans plusieurs régions, ce qui a miné son résultat dans la province.

L’intérêt accru pour les propriétés dans les régions à l’extérieur de Montréal cette année biaise l’interprétation de plusieurs statistiques de parts de marché, car la popularité des prêteurs varie grandement d’une région à l’autre.

En 2020, les prêteurs performants mieux à Montréal qu’en régions sont désavantagés dans le calcul des parts de marché provinciales, comme c’est le cas pour la Banque de Montréal, la Banque Scotia, la Banque Royale, la Banque Toronto-Dominion et la CIBC. Malgré cela, la Banque de Montréal et la CIBC ont augmenté leurs parts de marché de 0,4 et 1,1 point de pourcentage respectivement, grâce à une amélioration dans toutes les RMR du Québec et également à l’extérieur de celles-ci. Pour la CIBC, ce regain fait suite à des baisses importantes en 2018 et 2019. À ce moment, la banque avait appuyé sur le frein après des inquiétudes soulevées sur la qualité de ses prêts et son exposition au marché canadien. L’institution financière semble maintenant se réajuster après ce recul majeur.

En ce qui concerne les parts de marché de la Banque Nationale (deuxième créancier en importance au Québec), elles varient moins d’une région à l’autre et sont donc moins influencées par le changement de répartition géographique des transactions. L’institution a amélioré sa performance de 0,5 point de pourcentage en 2020 pour atteindre 14,0% de parts de marché.

 

Modification de réglementation et taux d’intérêt

Quelques mesures pour ralentir le marché immobilier et pour limiter le risque de correction ont été proposées, mais les impacts de celles-ci risquent d’être mineurs.

À la mi-2020, la SCHL a resserré ses règles pour la souscription d’assurance hypothécaire en n’acceptant plus les sources non traditionnelles de mise de fonds, qui augmentent l’endettement, ainsi qu’en relevant ses exigences pour les ratios d’amortissement et pour le pointage minimal de crédit. Les prêteurs ont toutefois pu se tourner vers d’autres assureurs pour leurs clients plus risqués ce qui a réduit l’impact de ces changements.

Pour 2021, le BSIF a annoncé au début avril la possibilité de rehausser le taux d’intérêt utilisé pour la qualification de prêts non assurés. Si l’institution va de l’avant, les prêts non assurés devront réussir le test de résistance en utilisant le taux le plus élevé entre celui octroyé + 2 % et 5,25 %. Ce dernier est présentement de 4,79 %. Cela pourrait protéger, en partie, les institutions financières et les ménages contre d’éventuelles hausses de taux, mais ne devrait pas (ou très peu) ralentir le marché immobilier.

Finalement, le gouvernement fédéral a proposé dans son plus récent budget d’imposer une taxe de 1% sur les propriétés vacantes ou sous-utilisées détenues par des acheteurs étrangers à compter de janvier 2022. Cette mesure touche peu d’habitations et, encore moins, à l’extérieur de Montréal. Par conséquent, cela n’arrêtera pas la frénésie immobilière.

Si les hausses de prix se poursuivent et que de la spéculation importante s’installe, alors des mesures de resserrements pourraient s’ajouter en cours d’année.

En ce qui concerne les taux d’intérêt, ils vont probablement augmenter tranquillement à mesure que la Banque du Canada (BdC) réduit son soutien à l’économie et que celle-ci reprend de la vigueur. Déjà dans son dernier communiqué, la BdC a indiqué qu’elle diminuerait de 1 milliard par semaine ses achats d’obligation canadienne à partir du 26 avril.

Au final, le nombre d’hypothèques et la valeur de celles-ci augmenteront en première moitié de 2021 comparativement à l’année dernière. Par contre, en deuxième moitié d’année, le nombre de nouvelles hypothèques reculera probablement par rapport à 2020 étant donné l’effet de rattrapage exceptionnel observé l’année dernière. Avec la rapide montée des prix des propriétés, une hausse plus vite que prévu des taux d’intérêt pourrait mettre le marché à risque de correction. Dans un tel cas, les mauvaises créances remonteraient et cela pourrait être dommageable pour les emprunteurs et les créanciers.

Pour plus de détails sur les parts de marché hypothécaire au Québec, veuillez consulter l’étude complète de JLR.

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