La SCHL dénombre 711 760 appartements dans un immeuble de moins de cinq étages pour la RMR de Montréal. Pour la RMR de Toronto, c’est seulement 214 350. Pour Vancouver, c’est 242 195. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Pour faire baisser les prix, Toronto et Vancouver ont finalement décidé d’encourager la construction de multiplex. Il en a 3,5 fois moins à Toronto qu’à Montréal, car la majorité des terrains résidentiels ne permettent des unifamiliales seulement. Une telle densification douce se bute souvent aux phénomènes du «pas dans ma cour» et du «milieu manquant».
Pas dans ma cour
Pour plusieurs citoyens, la densification est une bonne chose, tant que cela ne les touche pas directement.
L’acceptabilité sociale que l’on décrit par le phénomène du «pas dans ma cour» peut faire dérailler un projet. Certains citoyens craignent une baisse de valeur de leur demeure, la hausse du trafic routier, la transformation de la personnalité de leur quartier ou la perte d’espaces verts.
C’est une réaction normale, même si certaines craintes ne sont pas toujours fondées. Les politiciens municipaux ont tendance à plus protéger leurs citoyens que ceux qui aimeraient venir y vivre.
En protégeant le mode de vie actuel, on se retrouve avec une rareté de logements, ce qui contribue à l’augmentation de la valeur des propriétés.
Milieu manquant
On ne peut construire que des unifamiliales sur 80% des lots résidentiels à Vancouver et 70% à Toronto. Pour ces villes, le milieu manquant signifie la rareté d’immeubles qui ne sont pas des unifamiliales ni des tours d’habitation:
Certains s’opposent à la densification en ne mentionnant que les désavantages de la construction de tours en hauteur. Les trois types de densification (faible, moyenne et haute) ont leurs avantages. Heureusement Montréal n’a pas un problème aigu de milieu manquant et a donc une offre équilibrée de types d’habitation. Plusieurs autres villes nous envient.
À Montréal, 46% du territoire ne permet que des unifamiliales. Les quartiers centraux de Montréal ont été construits avant que les automobiles soient populaires. Le service du tramway, entre 1911 et 1959, a favorisé la construction de multiplex. Les arrondissements centraux de Montréal n’ont donc pas de milieu manquant. Avec la popularité de l’automobile, le bungalow a par la suite gagné en popularité.
La SCHL dénombre 711 760 appartements dans un immeuble de moins de cinq étages pour la RMR de Montréal. Pour la RMR de Toronto c’est seulement 214 350. Pour Vancouver, c’est 242 195.
Toronto permet des quadruplex partout
Le zonage de 70% des terrains résidentiels de Toronto ne permet que des maisons unifamiliales uniquement. Cela fait de nombreuses années que les urbanistes réfléchissaient à repenser les règles d’urbanisme pour augmenter doucement la densité.
En mai, Toronto a adopté un règlement qui établit le nombre minimum de logements selon le règlement de zonage à quatre. Cela permettra un duplex, triplex ou quadruplex sans demander de dérogation. Cette transformation se fera soit par l’ajout de logements ou soit par la destruction de la maison unifamiliale.
Le déclin de la population de certains quartiers de Toronto, laissant les infrastructures telles que les parcs locaux et les écoles sous-utilisées, est une raison qui a incité les élus à prendre cette décision.
Minimum six logements à Vancouver
D’ici la fin de l’année, Vancouver vise adopter un changement de zonage permettant partout six logements.
La Colombie-Britannique désire permettre quatre logements partout. L’Ontario avait aussi tenté une mesure similaire, mais a reculé à la suite de l’opposition de plusieurs villes. L’Ontario se doit de construire un très grand nombre de logements. Je m’attends à ce que cette province revienne à la charge avec une autre mesure similaire de densification.
Osera-t-on au Québec?
Mon article du 18 août 2021 expliquait l’importance d’un zonage favorisant les multiplex. Le zonage exclusif aux unifamiliales favorise l’étalement et des prix élevés.
Permettre l’ajout de logements dans les quartiers déjà occupés ne coûte rien à une ville. Cela permet de réduire l’étalement urbain et de mieux utiliser les infrastructures et les services existants. Mais c’est impopulaire auprès de plusieurs résidents.
Détruire une maison unifamiliale pour construire un multiplex n’est pas la seule avenue. Cette densification peut se faire par l’ajout d’un étage, d’un logement au sous-sol ou d’une unité d’habitation accessoire dans la cour.
Notre gouvernement provincial devrait interdire tout zonage pour des unifamiliales seulement. Il devrait exiger un minimum de trois logements partout au Québec. Montréal devrait exiger un minimum de six logements.
Une fois un tel changement adopté, la densification ne se fait que graduellement. Il n’y aura pas de changement dramatique à court terme. Bien que l’augmentation de la densité soit un pas dans la bonne direction, ce n’est pas la réponse à tout.
Mais connaissez-vous d’autres mesures à coût nul qui freinent l’étalement et améliorent l’abordabilité?
Vers une densification plus intelligente?
Dans un rapport publié le 5 juin 2023, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) prône que 80% des nouvelles constructions dans le Grand Montréal se fassent dans les aires TOD et les zones stratégiques du Grand Montréal.
La CCMM recommande de fixer des seuils de densité minimaux permettant la réalisation de 23 100 logements par année d’ici 2041.
La CCMM utilise le terme densification intelligente. Le rapport décrit très bien le type de densification qu’ils jugent souhaitable: qui se bâtit autour des axes de transport en commun, qui libère des espaces au sol pour créer des milieux de vie agréables, qui élimine l’obligation de fournir un minimum de places de stationnement, avec une mixité urbaine et sociale et avec un traitement architectural soigné et bien intégré aux espaces publics.
Bref, il faut construire plus, mais pas n’importe comment.
«Si nous voulons que cette crise se résorbe et qu’on retrouve un équilibre, il faut envisager des solutions innovantes. La densification intelligente pourrait certainement permettre un retour à cet équilibre et offrir plus d’abordabilité sur le marché. En ce sens, l’étude déposée ce matin est une excellente démonstration de solutions qui doivent être envisagées pour contrer la crise et permettre aux plus vulnérables de se loger convenablement, mais à un prix leur permettant de vivre sans être constamment étouffés», a souligné France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation.
Je vous invite à consulter mes articles précédents.