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La nouvelle ère du CRI

Charles Poulin|Publié à 11h00 | Mis à jour à 11h11

La nouvelle ère du CRI

Les modifications à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite concernant les fonds de revenus viagers (FRV) ont été adoptées par le gouvernement provincial, en juin dernier. (Photo: Adobe Stock)

« Pouvez-vous m’expliquer les changements au 1er janvier 2025 au sujet des retraits d’un compte de retraite immobilisé (CRI) ? J’ai 58 ans et je suis retraité depuis quatre mois. Mon CRI provient d’un régime de pension d’un ancien employeur. J’ai lu qu’il n’y aura plus de montant maximal de retrait. Est-ce que les modifications sont seulement au provincial ? Doit-on transférer les montants avant dans un fonds de revenus viagers ? » — Guy

Entendez-vous ce cri de joie lointain des épargnants ? Non ? Pourtant, ils sont nombreux à avoir crié victoire lorsque les modifications à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite concernant les fonds de revenus viagers (FRV) ont été adoptées par le gouvernement provincial, en juin dernier.

C’est que, voyez-vous, nombre de retraités ont cette crainte de « survivre à leur épargne », mais aussi une peur viscérale de manquer de liquidités pour payer ce dont ils ont besoin au jour le jour. « Besoin » étant un terme assez variable, en fonction de ce qu’une personne peut avoir mis de côté tout au long de sa carrière.

Mais, me direz-vous, qu’est-ce qu’un CRI et un FRV ?

« Le CRI, c’est un véhicule d’immobilisation, explique Vincent Genest, planificateur financier à la Sun Life. On ne peut y faire de décaissement. C’est le véhicule dans lequel on place les sommes accumulées dans un régime de pension agréé (RPA). »

« Un CRI ou un REER immobilisé est nécessairement créé par le transfert d’un régime de retraite, note pour sa part Nathalie Bachand, planificatrice financière et présidente de Bachand Lafleur Groupe conseil. Tu ne décides pas de t’ouvrir un CRI à la banque pour rien et y mettre de l’argent. »

Pour ensuite encaisser les sommes, il faut soit se procurer une rente viagère auprès d’un assureur, ou encore ouvrir un FRV.

« Le FRV est le véhicule de décaissement », souligne simplement Vincent Genest.

Bye bye maximum de retrait !

La principale modification de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, celle qui réjouit bien du monde (dont fort possiblement Guy) et qui va entrer en vigueur le 1er janvier, c’est l’élimination des maximums de retraits provenant des FRV pour les personnes âgées de 55 ans et plus.

« Historiquement, on ne pouvait pas sortir plus qu’un certain pourcentage de notre solde. Il n’y a donc plus de contraintes pour les 55 ans et plus », explique Nathalie Bachand.

Pour les personnes de moins de 55 ans, le gouvernement du Québec a modifié le calcul des retraits maximaux permis dans les FRV, mais il existe encore un plafond de décaissement.

Seulement au provincial

Attention ! Comme le soulignait Guy, seuls les CRI de compétence provinciale transférés dans un FRV sont éligibles à l’élimination du plafond de retrait dès le 1er janvier.

Si Guy était fonctionnaire fédéral ? Désolé, il ne pourrait pas retirer le montant qu’il veut de son FRV. Même chose s’il travaillait pour Postes Canada, Bell ou Radio-Canada.

S’il est résident de Gatineau, mais était employé du gouvernement ontarien ? La modification ne s’appliquerait pas non plus.

« Il faut bien s’assurer qu’on parle de CRI et de FRV sous législation québécoise, avertit Nathalie Bachand. Les législations des autres provinces et du fédéral n’ont pas été modifiées. »

Il faut également s’assurer d’avoir réellement un CRI, ajoute-t-elle. Les nouvelles règles de décaissement ne s’appliquent pas, par exemple, à un régime de retraite où on aurait transféré les sommes dans un REER immobilisé.

« Il faut vraiment vérifier comment le régime a été codé par l’institution financière », suggère-t-elle.

Encore besoin du CRI

Maintenant qu’il est possible, théoriquement, pour une personne de 55 ans et plus de retirer la totalité de son FRV d’un coup, a-t-on encore besoin de transférer son RPA dans un CRI, comme le demande Guy ? Réponse courte : oui.

« Premièrement, il a toujours fallu transférer le CRI dans un FRV avant de sortir de l’argent, rappelle Nathalie Bachand. Ça n’a jamais été possible de faire un retrait d’un CRI. C’est toujours le cas. Le véhicule de décaissement, celui duquel on fait des retraits, c’est le FRV. »

Changement de stratégie ?

Bon, maintenant que vous êtes en mesure de sortir la totalité de votre régime de retraite d’un coup (s’il est de compétence québécoise et s’il est dans un FRV, bien entendu), est-ce que cela modifiera votre stratégie de décaissement ?

Nathalie Bachand affirme que pour les personnes qui avaient de grosses sommes dans leur RPA, la stratégie de décaissement devrait être simplifiée.

« Auparavant, on voulait sortir le maximum de fonds de ce véhicule-là le plus rapidement possible parce qu’on ne voulait pas être pris avec [au décès], explique-
t-elle. Ça permettait de se donner de la latitude. Il y avait même des techniques de désimmobilisation qui existaient avant la retraite, de transfert d’une partie du CRI au REER chaque année. Mais ça, ça n’a plus lieu d’être. De toute façon, ce n’est plus légal avec les modifications à la loi. »

Le CRI va désormais se traiter un peu comme un REER, soumet-elle. Le retraité aura exactement la même stratégie de décaissement pour le CRI ou le REER avec l’élimination du plafond de retrait du FRV.

Rappelez-vous aussi ceci, mentionne Vincent Genest : le REER, le fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) et le FRV sont des véhicules de placement. Ils peuvent tous contenir des obligations, des fonds communs de placement, des FNB ou des titres d’entreprises.

« Globalement, ces changements vont conférer aux gens un bien meilleur accès à leurs actifs immobilisés, croit-il. À partir de l’âge de 55 ans, un seul obstacle demeurera : l’impôt à payer sur ces retraits. »

Ce qui veut dire que décaisser la totalité d’un régime de retraite d’une valeur de 600 000 $ d’un coup pourrait vous laisser avec une facture fiscale plutôt salée…

Si plusieurs estiment que les modifications à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite étaient nécessaires (il y a des limites à protéger les gens d’eux-mêmes, diront certains), Vincent Genest, lui, remarque qu’il y a un risque de survivre à son épargne-retraite en cas de retraits hâtifs trop importants.

« Les règles précédentes pouvaient, à mon avis, protéger ceux qui étaient tentés de décaisser trop rapidement et sous-estimaient leur risque de longévité », plaide-t-il.

FRV dans le REER ?

Dernière petite chose très importante à savoir. La disparition des plafonds de retraits pour les particuliers âgés de 55 ans et plus ne permettra pas pour autant de consolider les FRV avec les REER ou les FERR.

Pourquoi ? Parce qu’à votre décès, le solde de votre CRI ou de votre FRV sera versé en priorité à votre conjointe ou conjoint reconnu(e), à moins qu’elle ou il y ait renoncé. Vous devrez donc conserver des comptes séparés.

« On parle ici d’un conjoint marié ou d’un conjoint de fait, précise Nathalie Bachand. Pour qu’un conjoint de fait soit éligible, la règle est de trois ans de vie commune ou un an si un enfant est né de l’union. »

Si vous êtes séparé, mais pas encore divorcé, et en couple avec une nouvelle personne, c’est votre ex qui mettra la main sur votre CRI ou FRV à votre décès. Si c’est le cas, le moment est venu de mettre de l’ordre dans vos affaires.