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La tendance à la sous-consommation devient virale

La Presse Canadienne|Publié il y a 5 minutes

La tendance à la sous-consommation devient virale

Celle-ci soutient que le mot-clic de la sous-consommation disparaîtra peut-être, mais que «l'idée sous-jacente de dépenses et de consommation consciencieuses va probablement continuer à se développer plutôt que d'être simplement une mode passagère». (Photo: 123RF)

Les jeunes sur les réseaux sociaux montrent leurs bouteilles d’eau vieilles de 12 ans, leurs chandails du lycée avec des trous rapiécés et leurs torchons fabriqués à partir de vieux t-shirts découpés. 

Tout cela fait partie d’une tendance qui a pris d’assaut les réseaux sociaux ces derniers mois, appelée underconsumption core, où les utilisateurs se vantent de continuer à utiliser les choses qu’ils possèdent déjà et de réutiliser les articles ménagers au lieu d’en acheter de nouveaux, tout en économisant de l’argent au passage. 

«(Cette tendance) est vraiment rafraîchissante parce qu’il s’agit simplement de tirer le meilleur parti de ce que l’on a», se réjouit Christine Lan, une créatrice de contenu établie à Montréal qui présente son style de vie axé sur la sous-consommation et le développement durable.

«(J’aime) apprécier au maximum ce que j’ai et m’assurer que lorsque j’achète quelque chose, c’est de bonne qualité et durable.»

Christine Lan est devenue populaire sur les réseaux sociaux lorsqu’elle a publié un article expliquant comment elle fabriquait son propre maquillage au lieu de dépenser beaucoup d’argent chez les détaillants de cosmétiques.

Selon les experts, cette tendance à la sous-consommation est essentiellement une réinterprétation du minimalisme, qui trouve ses racines dans les conditions économiques actuelles et dans le taux de chômage élevé qui touche particulièrement les jeunes. 

«Si vous n’avez pas d’emploi ou si vous faites face à des pressions économiques, il est certainement difficile de surconsommer», a déclaré François Côté, chef de la direction de Fig. 

D’après François Côté, de nombreux Canadiens tentent de consommer moins depuis un certain temps, mais les médias sociaux ont amplifié et normalisé ce comportement.

Contexte économique oblige

Le taux de chômage au Canada est en constante augmentation, atteignant 6,4% en juillet, selon les données de Statistique Canada, alors que les taux d’intérêt élevés ralentissent l’économie. Les jeunes ont été particulièrement touchés, le taux de chômage de ceux-ci ayant atteint 14,2% en juillet. 

Bien que le chômage des jeunes soit généralement toujours plus important que celui de la population globale, il s’agit du taux le plus élevé hors pandémie depuis plus d’une décennie, selon un rapport de BMO Economics. 

Emily Gardner, vice-présidente des produits de consommation chez Spring Financial, a déclaré que de plus en plus de jeunes adultes se concentrent sur ce qui est important pour eux et dépensent leur argent de manière plus réfléchie.

Celle-ci soutient que le mot-clic de la sous-consommation disparaîtra peut-être, mais que «l’idée sous-jacente de dépenses et de consommation consciencieuses va probablement continuer à se développer plutôt que d’être simplement une mode passagère».

«Alors que les défis économiques persistent, les gens sont plus susceptibles d’adopter des pratiques de sous-consommation, des moyens de vivre de manière plus durable à long terme, plutôt qu’une simple tendance temporaire.»

Normaliser la sous-consommation

Jennifer Wang, pharmacienne et créatrice de contenu, parle d’achats responsables depuis des années et s’efforce d’éduquer ses abonnés sur la façon de déterminer la qualité des vêtements. La description de son profil TikTok, «achetez moins mais achetez bien», le démontre.

Jennifer Wang a déclaré que la tendance à la sous-consommation devrait simplement être considérée comme le mode de consommation normal. 

«La surconsommation que nous constatons provient généralement d’influenceurs qui font la promotion de produits», a-t-elle soulevé. Mais la personne moyenne ne consomme pas dans cette ampleur, a-t-elle ajouté. 

Selon celle-ci, de plus en plus de gens se rendent compte qu’ils n’ont pas besoin de dépenser de l’argent pour des articles qui ne seront pas utilisés au fil du temps. 

Mais il peut être difficile de remettre une envie d’achat. Jennifer Wang dit qu’elle s’arrête souvent et se pose quelques questions de sélection lorsqu’elle envisage d’acheter un article: «Est-ce que j’ai déjà quelque chose de similaire? Est-ce que je vais en faire bon usage?» 

Elle ajoute qu’éviter les achats en ligne l’aide à prendre de meilleures décisions concernant ses achats. 

Omar Fares, chargé de cours à la Ted Rogers School of Management de l’Université métropolitaine de Toronto, a déclaré qu’il existe un malentendu sur ce qu’est réellement un consommateur sain.

«Le malentendu selon lequel le minimalisme signifie essentiellement: “Je n’achète pas vraiment et je vis de manière très frugale. Je réponds à peine à mes besoins.” À long terme, cela crée une détresse émotionnelle», a-t-il fait valoir.

Selon Omar Fares, il doit y avoir un équilibre entre les dépenses utilitaires et le fait de ne pas se priver de l’essentiel sous prétexte de minimalisme ou de sous-consommation. 

Un budget réaliste peut aider à trouver cet équilibre, a indiqué François Côté de Fig Financial. Considérez votre vie personnelle comme une «mini-entreprise», a-t-il suggéré. 

«Établir un budget, comprendre les dépenses et avoir un plan sont vraiment les premières étapes» pour consommer de manière durable, a soulevé le chef de la direction. 

Il rappelle qu’il est plus facile de tomber dans les pièges des extrêmes — principalement la surconsommation — sans budget, et de se retrouver dans un cycle apparemment sans fin de paiements de carte de crédit impayés.

Par Ritika Dubey