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Les cas d’insolvabilité en hausse, l’épargne en baisse, notent des experts

La Presse Canadienne|Publié le 04 juillet 2024

Les cas d’insolvabilité en hausse, l’épargne en baisse, notent des experts

(Photo: La Pressse Canadienne)

Les cas d’insolvabilité suivent une tendance à la hausse depuis au moins un an. Le coussin financier constitué au début de la pandémie a fondu chez de nombreux Québécois qui ont maintenant du mal à joindre les deux bouts, observent des experts. 

Après avoir chuté en 2020, les taux de faillites et de propositions de consommateurs connaissent une augmentation depuis plusieurs trimestres, constate le président du conseil d’administration de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR), André Bolduc. 

En mai dernier, les dossiers d’insolvabilité de consommateurs au pays se sont chiffrés à 12 195, rejoignant presque le niveau de mai 2019. Au Québec, ils ont atteint 3110, soit un bond de 16% par rapport à l’année dernière.

«À mesure qu’on s’est rétabli de la pandémie, les gens ont commencé à faire face de nouveau à leur situation financière. Des problèmes qu’on avait avant la pandémie, dont un ratio d’endettement élevé pour les Canadiens, sont toujours là aujourd’hui», affirme André Bolduc en entrevue. 

Aux premiers mois de la crise sanitaire en 2020, les particuliers ont pu fortement épargner, grâce à des dépenses personnelles moins importantes et un sursis des créanciers pour les paiements. 

Mais cette période avantageuse, où les surplus étaient au rendez-vous pour affronter les imprévus, est maintenant chose du passé pour plusieurs, observe aussi le président chez Jean Fortin et Associés, syndic en insolvabilité, Pierre Fortin. 

«Au fur et à mesure que les liquidités des consommateurs diminuaient, les soldes sur les cartes de crédit ont commencé à augmenter, je dirais à partir de début 2022. Et aujourd’hui, on a des soldes sur cartes de crédit qui sont à des sommets jamais vus», dit-il en entrevue. 

Selon André Bolduc, environ un ménage sur deux au Canada «vit de paie en paie», ce qui signifie qu’il n’a pas d’économies. 

«Ce qu’on voit en ce moment dans nos bureaux parmi les clients, c’est que l’épargne semble avoir diminué. Les gens ont gratté tout ce qu’ils avaient durant la pandémie, après pour l’inflation et les taux d’intérêt», relate Sophie Desautels, syndique autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot. 

«Et puis là on a commencé à s’endetter et on tombe dans une roue. C’est plus difficile de faire les paiements mensuels pour ce qui est des cartes de crédit et les prêts», ajoute-t-elle. 

Le Québec, en meilleure posture

Pierre Fortin constate que le Québec semble mieux s’en tirer en comparaison avec d’autres endroits au Canada. La Belle province compte 20% moins de cas d’insolvabilité actuellement qu’en 2019, alors qu’il y en a 17% de plus en Ontario et40% de plus en Colombie-Britannique. 

Cette meilleure situation pour le Québec peut s’expliquer par un contexte plus favorable. La province compte un taux d’endettement pour le crédit à la consommation moins élevé et un taux de chômage plus faible, évoque Pierre Fortin. Mais, selon lui, le principal facteur repose sur le paiement hypothécaire. Il pèse moins lourd dans le budget des Québécois en raison d’une valeur moindre des propriétés. 

«On a été moins frappé au Québec par l’augmentation des taux d’intérêt qu’en Ontario et en Colombie-Britannique. Donc, ça l’a un impact immense. Et nous on le voit dans nos dossiers. Très peu de gens viennent nous voir avec des problèmes financiers et qui sont propriétaires, beaucoup moins qu’en 2019», affirme-t-il. 

Sophie Desautels note, pour sa part, un changement de profils parmi sa clientèle. «On voit beaucoup de gens avec des actifs et des biens qui ont une certaine valeur, mais qui sont également endettés de plusieurs dizaines de milliers de dollars», indique-t-elle. 

Dans la grande majorité des cas au Canada, les dossiers d’insolvabilité mènent vers des offres de règlement, évitant ainsi la faillite. En mai dernier, ces ententes ont représenté 76% des cas. 

«Ce qui est important, c’est que les gens consultent un professionnel comme un syndic autorisé en insolvabilité pour voir c’est quoi leurs options. Plus tôt que les gens peuvent faire face à la musique, le moins c’est stressant pour eux. Il y a des solutions. On a un bon système au Canada», soutient André Bolduc de l’ACPIR. 

Entreprises

La hausse des cas d’insolvabilité frappe aussi le secteur corporatif. En mai, les insolvabilités d’entreprises au Québec ont diminué par rapport à avril, tombant de 3,6% à 325, mais ont été en hausse de 43,8% par rapport à l’année dernière.

La conjoncture économique et les remboursements des prêts, notamment dans le cadre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes du gouvernement fédéral, ont eu «un fort impact sur la situation financière» des compagnies, mentionne Étienne Fiset, associé et syndic autorisé en insolvabilité chez Raymond Chabot. 

Parmi sa clientèle, il constate que divers secteurs d’activités sont présentement affectés par le contexte actuel. 

«Il n’y a pas de profil type. On voit de tout, des gens qui sont en restauration, des entrepreneurs en construction, des gens qui avaient démarré de nouveaux projets et là ils battent un peu de l’aile. On voit des gens dans le transport également», énumère Étienne Fiset. 

Selon les données du Bureau du surintendant des faillites, le Québec a représenté environ 60% des dossiers d’insolvabilité d’entreprises au pays en mai. 

Les entreprises québécoises seraient davantage portées à faire des procédures formelles d’insolvabilité et de restructuration en raison d’un encadrement plus strict dans la province, selon André Bolduc. 

Ce ne serait donc pas le signe de difficultés plus importantes pour les compagnies québécoises alors que le taux de fermeture est plus bas au Québec, souligne-t-il.