Compte tenu de l’augmentation du nombre de retraités et de la diminution du nombre de travailleurs qui les soutiennent, ce point de basculement signifie-t-il que les prestations vont lentement s’amenuiser? (Photo: 123RF)
Les régimes de retraite du Canada sont solides et devraient permettre aux retraités de continuer à percevoir leurs prestations, quelle que soit la conjoncture économique.
Dans la zone de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les actifs des régimes de retraite, qui représentaient 59% du PIB de l’OCDE en 2001, atteindraient 105% à la fin de 2021. Au Canada, les actifs de retraite représentent 166% du PIB, ce qui place le pays en sixième position derrière le Danemark (233%), l’Islande (218%), les Pays-Bas (213%), les États-Unis (174%) et la Suisse (171%). Dans certains pays de l’OCDE, la part des actifs est désastreuse: en Italie, elle s’élève à 12,7% du PIB, en France, à 12%, en Allemagne, à 8%, à égalité avec le Kenya (12,9%) et l’Inde (9,2%).
L’évolution globale a été plutôt positive pour les retraités, observe le rapport de l’OCDE. Les revenus moyens ont augmenté plus rapidement pour les personnes âgées que pour leurs populations totales respectives. Au Canada, les revenus des plus de 65 ans représentaient 88% des revenus de l’ensemble de la population en 2000, et ont atteint 92% en 2021. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, cette proportion a augmenté de façon spectaculaire, passant respectivement de 83% en 2000 à 93% en 2021, et de 72% à 82% en 2021.
Les programmes canadiens qui rendent les pensions possibles
Le revenu des retraités comprend bien sûr tout ce qui provient des programmes de pension publics et privés. Le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ), avec leurs actifs combinés de 642,6 milliards de dollars (G$), représentent une part de 26% du PIB canadien de 2,48 billions de dollars en 2022. Le capital du RPC s’élevait à 539G$ à la fin du mois de mars 2022, et celui du RRQ à 103,6G$ à la fin de l’année 2022.
«Il y a une vingtaine d’années, se souvient Travis Shaw, premier vice-président, crédit souverain chez DBRS Morningstar, on s’inquiétait du poids des finances provinciales, notamment au Québec, en Saskatchewan et à Terre-Neuve. Les obligations non provisionnées étaient assez importantes, mais avec les années et les ajustements successifs, leur position s’est améliorée. Les obligations non provisionnées ne sont plus un sujet de préoccupation.»
Baisse prévue des rendements des régimes de retraite
En effet, le RPC et le RRQ semblent aujourd’hui en bonne santé. Au cours des cinq dernières années, les deux programmes ont produit des rendements annualisés de 10% dans le cas du RPC et de 9,8% pour le RRQ, ce qui est bien supérieur à la croissance du PIB du pays. Toutefois, les rendements projetés devraient diminuer considérablement. Pour les 75 prochaines années, un taux de rendement nominal de 5,79% est prévu pour le RPC de base et de 5,37% pour le RPC supplémentaire. Pour le RRQ de base, des taux de rendement nominaux de 6,1% et de 5,8% sont prévus pour les 50 prochaines années pour les régimes respectifs.
Bien que modestes à l’heure actuelle, les différences entre les régimes de base et les régimes additionnels deviendront importantes. Les régimes de base, qui remontent à 1966, sont arrivés à maturité avec des niveaux stables de cotisations et de prestations, leur taux de cotisation étant plafonné à 9,9%, répartis entre le salarié et l’employeur. Les régimes additionnels, lancés en 2019 et qui concernent les générations futures de retraités, ont des taux de cotisation en légère augmentation jusqu’en 2025. Par exemple, pour le RPC, les cotisations passeront à 11,90% et le plafond des revenus sera porté à 79 400$. Une fois arrivés à maturité, les régimes améliorés augmenteront d’environ 50% la pension de retraite maximale du RPC et du RRQ, ainsi que les pensions de survivant et d’invalidité.
Sous leur forme actuelle, les deux régimes publics sont censés fournir environ 25% du revenu annuel d’un retraité, les autres portions qui complètent le revenu de retraite provenant du programme de la Sécurité de la vieillesse (SV), des régimes de retraite privés et de l’épargne personnelle, explique Jean-François Therrien, actuaire en chef du Régime des Rentes du Québec. «L’objectif est de porter la part des programmes à 33% des revenus», précise-t-il.
Il y aura un point de basculement
Pour le régime de base du RPC, les cotisations devraient passer de 61G$ en 2022 à 177G$ en 2050, tandis qu’elles augmenteront de 9,3G$ à 45G$ pour le RPC supplémentaire. Jusqu’en 2025, les cotisations devraient être plus élevées que les dépenses, mais après cette date, les prestations versées dépasseront les cotisations. Compte tenu de l’augmentation du nombre de retraités et de la diminution du nombre de travailleurs qui les soutiennent, ce point de basculement signifie-t-il que les prestations vont lentement s’amenuiser?
Pas du tout. C’est à ce moment-là que les rendements de la réserve de capital entreront en jeu. «Lorsque les prestations augmenteront plus que les cotisations, nous ne toucherons toujours pas aux réserves en capital, mais seulement aux rendements de ce capital», explique M. Therrien. C’est pourquoi l’actif total du RPC devrait passer de 544G$ à la fin de 2021 à 2,2 billions de dollars en 2050, lorsque les revenus de placement devraient représenter 42% des recettes. Du côté du RRQ, les dépenses annuelles totales passeront de 16,9G$ en 2022 à 99,8G$ en 2071, mais la réserve de capital aura tout de même augmenté à 846G$.
Bien sûr, les projections ne sont pas la réalité. Les actuaires doivent formuler des dizaines d’hypothèses sur des facteurs tels que la croissance économique future, l’inflation, l’évolution démographique et l’évolution de l’âge de la retraite. Compte tenu de toutes ces incertitudes, les deux régimes de pension se sont donné une marge de manœuvre raisonnable. Alors que le taux de cotisation minimal du RPC de base est de 9,9%, le taux effectif permettant aux projections de se réaliser est de 9,56% jusqu’en 2033, et de 9,54% par la suite. Cela laisse une marge d’environ 35 points de base pour absorber les chocs du régime.
Entre-temps, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) reconnaît que la réalité peut faire déraper les projections. Si, par exemple, les rendements moyens s’élevaient à 4,2% au lieu de 5,79%, le taux de cotisation devrait être porté à 11,22%. En revanche, si les rendements s’élèvent à 7,39%, le taux de cotisation effectif sera ramené à 7,89%.
Compte tenu de toutes ces considérations actuarielles, le régime du RPC «est bien financé et devrait tenir ses promesses, affirme Travis Shaw. Il est sain et viable à long terme.»