Les propriétaires d’entreprise peuvent avoir recours à des stratégies fiscales pour éviter cette double imposition. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. À la suite des propositions législatives récentes, la planification successorale des propriétaires d’entreprise, particulièrement des PME, sera encore plus importante pour maximiser le patrimoine aux héritiers.
Au décès, une personne est réputée avoir disposé de ses biens à leur juste valeur marchande. Cependant, un problème de double imposition peut survenir lorsqu’il s’agit d’actions d’une société privée : leur juste valeur marchande peut être imposée d’abord au taux des gains en capital au
moment du décès, puis à nouveau lors de la liquidation de la société par la succession. Leur taux d’impôt combiné peut atteindre jusqu’à 84,24 %.
Heureusement, les propriétaires d’entreprise peuvent avoir recours à des stratégies fiscales pour éviter cette double imposition. La première est la technique du pipeline, bien connue des professionnels, qui permet d’accéder à des taux d’imposition avantageux équivalents à un gain en capital. Cette stratégie doit être mise en place méticuleusement, ce qui peut entraîner des délais importants avant que la ou le bénéficiaire reçoive son héritage. De plus, elle est très complexe sur le plan opérationnel et nécessite l’intervention de spécialistes, ce qui augmente les frais légaux et fiscaux.
Une autre technique est le report rétrospectif des pertes selon le paragraphe 164(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), également connue sous le nom de dividende de liquidation au décès. En résumé, le dividende de liquidation réduit le produit de disposition des actions de la succession, créant ainsi une perte en capital qui peut être reportée dans la déclaration finale de la personne défunte et appliquée contre le gain en capital au décès, évitant ainsi la double imposition. Cette technique est plus simple à appliquer et engendre moins de frais légaux et fiscaux que la stratégie du pipeline.
Auparavant, il fallait effectuer le choix selon le paragraphe 164(6) de la LIR au plus tard à la fin de la première d’année d’imposition de la succession. Cependant, depuis le 12 août 2024, des propositions législatives suggèrent de prolonger ce délai à trois ans pour les décès survenus après cette date. L’objectif de cette modification est de s’harmoniser au traitement du report des pertes en capital, qui peuvent être reportées sur trois années en arrière.
Des effets importants
Ces propositions législatives ne sont pas encore adoptées. Si elles le sont, elles pourraient avoir un effet notable pour les successions plus longues à régler qui ne veulent pas nécessairement utiliser la technique du pipeline, mais aussi sur celles qui souhaitent tirer parti des paliers d’imposition progressifs de la succession durant les 36 premiers mois.
Prenons l’exemple d’un contribuable décédé possédant uniquement une société par actions avec des placements totalisant 300 000 $. Avant les modifications proposées, les héritières et héritiers auraient pu recevoir 184 159 $, puisque le dividende de liquidation aurait été totalement inclus dans la première année de la succession. Avec les propositions législatives, on pourrait étaler les dividendes de liquidation en parts égales sur trois années, ce qui ferait augmenter le montant versé aux héritiers et héritières à 226 502 $, soit un supplément de 42 344 $.
Le traitement du report des pertes dans les deux scénarios est identique, les pertes en capital créées par le dividende de liquidation pouvant être appliquées contre le gain en capital de la personne défunte.
Chaque situation est unique et il est important de consulter un expert pour planifier la succession. Cependant, dans les successions simples à gérer et en l’absence de solde dans les comptes fiscaux, une règle de base pourrait être d’étaler le dividende de liquidation lorsque le solde de la société est inférieur à 643 700 $. Ce montant correspond à trois fois le seuil d’imposition supérieur, ajusté en tenant compte de la majoration du dividende de 15 %.
Si le liquidateur choisit d’opter pour un dividende de liquidation et de reporter la perte, il devra désormais produire un nouveau formulaire prescrit modifiant la déclaration de revenus de la personne décédée pour sa dernière année d’imposition. À l’heure actuelle, le numéro du nouveau formulaire n’est pas encore disponible, mais il remplacera probablement le formulaire T1-ADJ pour la personne défunte.
Les nouvelles propositions législatives offrent une plus grande flexibilité pour le règlement des successions, mais leur optimisation financière dépend de la capacité du liquidateur à verser un dividende en temps opportun, ce qui peut poser problème dans certains cas. Cela est particulièrement vrai pour les sociétés par actions qui ont un parc immobilier ou bien une filiale, tandis que cela reste plus facile avec des placements entièrement liquides.
Ce texte est écrit en collaboration avec l’Institut de planification financière.