Pour connaître l’étendue de la documentation disponible, l’investisseur doit d’abord aller aux sources, c’est-à-dire à ce qui est attendu en matière de divulgation d’information de la part de toute entité inscrite en Bourse. (Photo: Martin Flamand)
Les investisseurs prennent-ils leurs décisions de placements en connaissance de cause? Car pour réaliser un processus de diligence raisonnable et prendre la meilleure décision possible, il faut bien connaître la documentation qui est à portée de main et produite par les différentes sociétés cotées en Bourse. Voici un tour d’horizon des documents exigés et disponibles, et quelques conseils d’experts pour mieux s’y retrouver.
«C’est une très bonne pratique que de chercher à se renseigner et de consulter la documentation mise à sa disposition, mais cela ne veut pas dire pour autant que cela donnera à l’investisseur un avantage additionnel qui se reflétera dans des rendements positifs», prévient prudemment Andréanne Tremblay-Simard, professeure agrégée et cotitulaire de la Chaire iA Groupe financier en assurance et services financiers au Département de finance de l’Université Laval. Elle rappelle qu’il y a énormément de concurrence sur les marchés, que plusieurs professionnels font cela à temps plein et que lorsque l’information est disponible, les cours des titres l’ont déjà intégrée depuis longtemps. «En plus de lui donner un portrait plus complet, j’y vois une bonne façon de conforter l’investisseur dans ses choix, ce qui risque d’avoir des effets positifs à long terme.»
Pour connaître l’étendue de la documentation disponible, l’investisseur doit d’abord aller aux sources, c’est-à-dire à ce qui est attendu en matière de divulgation d’information de la part de toute entité inscrite en Bourse.
Toute entreprise qui veut s’inscrire en Bourse, appelée «émetteur assujetti» dans le jargon, a un certain nombre d’exigences de conformité auxquelles elle doit se plier sur une base continue, ce qui comprend «la communication d’information sur la société aux porteurs de titres et aux épargnants», comme on peut le lire notamment dans «Inscription en Bourse: réalité d’une entreprise inscrite», un dépliant d’information produit par la firme d’avocats Stikeman Elliott.
Cette information devra être communiquée périodiquement ou lors d’occasions précises. «Il y a en effet deux types d’exigences», explique Me Amélie Métivier, avocate associée, Valeurs mobilières et Marchés des capitaux chez Stikeman Elliott. «L’information périodique a une prescription de délai et doit être produite et publiée chaque année quoiqu’il arrive. Que l’on pense par exemple aux états financiers, aux rapports de gestion, à la notice annuelle ou à la circulaire de sollicitation de procurations pour l’assemblée annuelle. Il y a aussi une autre catégorie, soit l’information de temps opportun. C’est une obligation qui peut être déclenchée en fonction de ce qui peut subvenir et qui requiert la publication d’un document, un communiqué de presse par exemple, en lien avec un événement ou un changement donné.»
Ces exigences découlent du Règlement canadien 51-102 sur les obligations d’information continue (Règlement 51-102). Celui-ci prévoit une série de règles harmonisées à l’échelle nationale à l’intention des émetteurs assujettis et fait une distinction entre ces derniers et les émetteurs dits «émergents», c’est-à-dire les émetteurs «dont les titres ne sont pas inscrits à la cote de la Bourse de Toronto, sur une place américaine ou sur de grandes Bourses à l’extérieur du Canada et des États-Unis». Cette distinction touche notamment les délais de dépôt et l’obligation de produire certains documents. «Les émetteurs émergents bénéficient, par exemple, de certains délais de dépôt plus longs ou de certaines exigences allégées relativement au contenu de certains documents», explique Me Amélie Métivier. «Les émetteurs émergents sont généralement de plus petites entreprises, celles par exemple qui sont cotées à la Bourse de croissance TSX Venture.»
SUIVANT: SEDAR+, LE CARREFOUR
Sedar+, le carrefour
Tous les documents produits et publiés par les entreprises sont versés sur Sedar à www.sedarplus.ca, dorénavant appelé Sedar+ depuis la mise en ligne du nouveau site web le 25 juillet dernier. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) veulent faire de Sedar+ le système dont tous les participants au marché se serviront pour les dépôts, les déclarations, les paiements et la recherche de renseignements pour les marchés financiers du Canada. «Tous les documents requis par la norme 51-102 ou d’autres exigences en valeurs mobilières y sont déposés électroniquement et sont accessibles pour tous», indique Me Amélie Métivier.
«Cela dit, un émetteur peut aussi choisir de déposer volontairement ladite information sur son propre site Internet.» L’équivalent américain de Sedar+ s’appelle Edgar et est accessible par l’intermédiaire du site web de la Securities and Exchange Commission (SEC) à www.sec.gov/edgar/search. «On y retrouve les émetteurs américains ou canadiens, pour ceux qui sont cotés sur le NYSE (New York Stock Exchange) et le NASDAQ. Cela couvre tous les dépôts requis en vertu de la SEC.»
«Il y a de l’information qui tend à se recouper entre certains documents produits par les entreprises», souligne d’emblée Andréanne Tremblay-Simard. «Si j’avais à en choisir un seul pour avoir un portrait global de la situation, j’opterais pour le rapport annuel.» Elle rappelle que pouvoir lire des états financiers nécessite quelques notions de principes comptables. «Ce n’est pas tout le monde qui peut déchiffrer un bilan.» Le rapport annuel offre selon elle un bon panorama de l’entreprise. «Après sa lecture, l’investisseur sera à même de mieux comprendre le modèle d’affaires de l’entreprise et ses orientations stratégiques. Il y aussi souvent une lettre aux actionnaires qui fait un bilan de la dernière année. Évidemment on y retrouve les états financiers.» Comme professeure, elle invite celles et ceux qui le veulent à prendre les moyens nécessaires pour parfaire leur formation à ce chapitre. «Dans un monde idéal, il faudrait pouvoir lire et bien comprendre les états financiers, car cela permet, notamment, de mettre en perspective la lecture qu’en fait l’entreprise dans le rapport annuel.»
Le rapport annuel n’est toutefois pas un document requis par un émetteur assujetti, précise Me Amélie Métivier «même si plusieurs émetteurs en préparent un volontairement». Lorsqu’un émetteur prépare un rapport annuel, il s’agit dans les faits d’une combinaison des états financiers annuels et du rapport de gestion annuel.
SUIVANT: LES ÉTATS FINANCIERS: LE DOCUMENT PHARE
Les états financiers: le document phare
Les états financiers sont requis et doivent être préparés et transmis par une entreprise à capital ouvert dans un délai déterminé. «La norme canadienne 51-102 ne concerne que la transmission et la publication, mais pas la préparation des documents comme telle, c’est-à-dire les exigences de contenu», explique Me Amélie Métivier. La transmission des états financiers annuels pour les émetteurs assujettis doit être faite dans un délai de 90 jours suivant la fin de l’exercice. L’émetteur émergent dispose d’un délai un peu plus long, soit 120 jours. Pour les états financiers intermédiaires, l’avocate précise que le délai est plus court, soit 45 jours pour les émetteurs assujettis et 60 jours pour les émetteurs émergents.
«Ça tombe peut-être sous le sens vu ma formation, mais les premiers documents vers lesquels je me tourne sont les états financiers», affirme Mathieu Martin, gestionnaire de portefeuille aux Investissements Rivemont. Il consulte à la fois les états financiers intermédiaires, publiés tous les trois mois, et annuels. Ce sont les documents phares à ses yeux, ceux qui permettent de déterminer la santé financière de l’entreprise, de savoir entre autres si ses revenus et ses profits sont en progression. «C’est l’information qui me sera utile pour bâtir mon modèle financier et essayer d’analyser les perspectives, etc. C’est avec ça que je commence.» Le but pour lui est d’anticiper les flux de trésorerie futurs d’une entreprise afin de prendre les meilleures décisions d’investissement possibles.
La recherche et l’analyse d’information font partie du travail quotidien du gestionnaire de portefeuille, qui porte le gros de son attention sur les titres de petite capitalisation. «L’information pour les titres de grande capitalisation est plus répandue et fait l’objet de plus d’attention dans le monde de la finance. Le marché est plus efficient à ce chapitre. L’information disponible à propos de ces titres est rapidement intégrée.»
Il signale que le marché canadien compte plus de 4400 entreprises inscrites en Bourse. De ce lot, 3500 sont considérées comme de petites entreprises, c’est-à-dire qu’elles ont une capitalisation boursière de moins de 300 millions de dollars (M$). Selon lui, le petit investisseur de détail qui veut se démarquer en faisant ses recherches a plus de chance de tirer son épingle du jeu dans le secteur des titres de petite capitalisation, où il y a moins de professionnels et où l’information n’est pas traitée avec la même rapidité.
«À moins de 100M$ de capitalisation boursière, il n’y a presque personne. Il n’y a pas de cours cible ou d’estimations. Tu es laissé à toi-même ou presque. Bien souvent, aucun analyste ne suit les activités des entreprises sur lesquelles j’effectue des recherches.»
Pas étonnant, dans ce contexte, que le gestionnaire de portefeuille se tourne beaucoup vers Sedar+. « Quand il y a des informations nouvelles, personne n’en parle. Il faut vraiment aller à la source et trouver tout soi-même, et le premier arrêt, ce sont les états financiers. »
SUIVANT: LE RAPPORT DE GESTION EN COMPLÉMENT DES ÉTATS FINANCIERS
Le rapport de gestion en complément des états financiers
Le rapport de gestion est exigé par le Règlement 51-102, tant sur le plan de la publication et de la transmission que du contenu (le dernier point diffère par rapport aux états financiers). Les délais requis sont toutefois les mêmes que pour les états financiers. «Quand on publie les états financiers, il faut faire de même pour le rapport de gestion correspondant», commente Me Amélie Métivier. «Ces deux documents vont main dans la main, car le rapport de gestion est une discussion narrative préparée par la direction qui vient complémenter les états financiers afin d’expliquer la situation financière de l’émetteur actuel, mais aussi ses perspectives d’affaires.»
La direction en profite pour discuter des variabilités qui ont eu lieu durant la période couverte. Le rapport doit aborder une kyrielle de sujets: le traitement des arrangements hors bilan, les opérations entre apparentés, les opérations projetées, les obligations contractuelles (en cours ou à venir) et les paiements exigibles, la liquidité et l’évolution des habitudes d’achat de la clientèle ou des méthodes de vente… «Le but, c’est de fournir de l’information importante pour l’investisseur.» Pour se conformer à toutes les exigences, le rapport doit également aborder la capacité de l’émetteur à produire des liquidités pour soutenir son développement et sa croissance. «On va aussi retrouver de l’information sur l’endettement et la structure de capital de l’émetteur; les titres en circulation, si l’émetteur a des bons de souscription, des titres convertibles, plusieurs catégories d’actions, tout cela va être décrit dans le rapport de gestion», raconte l’avocate associée de chez Stikeman Elliott. Elle mentionne par ailleurs que le document doit aussi faire état de tout litige important ou éventuel qui pourrait causer des pertes ou des dommages à l’émetteur. «Ce sont des éléments d’intérêt pour l’investisseur.»
«C’est le deuxième document le plus important à lire», souligne le gestionnaire de portefeuille à Rivemont, Mathieu Martin. «C’est en quelque sorte l’explication des états financiers, où l’on fournit un peu plus de détails et où l’on va contextualiser les résultats.» C’est l’endroit où les dirigeants vont, par exemple, expliquer pourquoi les revenus sont en croissance ou en décroissance, pourquoi les marges ont varié, pourquoi les dépenses de vente et de marketing ont augmenté, dans quoi l’entreprise investit son capital, quelles sont ses perspectives de développement, etc. «Toujours dans l’optique de prévoir le futur, ce document m’aide à me faire une tête. À mieux comprendre la stratégie des dirigeants et les résultats. À connaître les prévisions de l’entreprise avec des fourchettes de cibles de revenus et de profits.»
Mathieu Martin, gestionnaire de portefeuille à Rivemont (Photo: courtoisie)
Même son de cloche de la part d’Andréanne Tremblay-Simard, professeure agrégée à l’Université Laval, qui considère que la lecture du rapport de gestion est importante pour l’investisseur. «C’est l’interprétation des états financiers. Pour quelqu’un qui est peut-être moins familier avec les chiffres, cela peut lui donner un coup de pouce pour faire une lecture plus éclairée; ça met de la chair autour de l’os, en quelque sorte.» Ces documents ont aussi une dimension prospective, car on y évoque les perspectives de la société. «Cela donne des idées des tendances à surveiller, des facteurs de risque et des trajectoires possibles pour l’entreprise.»
SUIVANT: LA CIRCULAIRE DE SOLLICITATION DE PROCURATIONS PAR LA DIRECTION (ASSEMBLÉE ANNUELLE OU EXTRAORDINAIRE)
La circulaire de sollicitation de procurations par la direction (assemblée annuelle ou extraordinaire)
«Il peut y en avoir une seule par année, comme il peut y en avoir plusieurs», précise d’emblée Me Amélie Métivier au sujet de la circulaire. «Un émetteur régi par la loi corporative fédérale va devoir, 6 mois après son dernier exercice financier et jamais plus tard que 15 mois après sa dernière assemblée annuelle, tenir une assemblée d’actionnaires.» Si une assemblée a lieu, celle-ci doit être annoncée et la convocation doit être faite par l’intermédiaire de la circulaire de sollicitation de procurations. «À l’ordre du jour, il doit y être question de ces trois thèmes généraux: l’élection des administrateurs, la présentation des états financiers et la nomination des auditeurs.»
Le Règlement 51-102 stipule que lorsqu’il souhaite tenir une assemblée, l’émetteur doit envoyer aux actionnaires un formulaire de procurations avec l’avis de convocation à l’assemblée. Selon Me Amélie Métivier, lorsqu’il sollicite des procurations, l’émetteur doit fournir aux actionnaires une circulaire de sollicitation de procurations. Un certain nombre d’informations techniques contenues dans la circulaire est prévu par les divers formulaires. La direction répondra alors à diverses questions. Par exemple: de quelle sorte d’assemblée s’agit-il? Qui sont les candidats proposés aux postes d’administrateurs? Quelles sont leurs qualifications? Leurs biographies? Quelles sont leurs exigences de rémunération?
«La portion sur la rémunération est sûrement la section la plus importante de la circulaire et celle qui est la plus suivie par les investisseurs, le public en général et les médias», dit l’avocate. Elle mentionne qu’une circulaire peut aussi être envoyée pour annoncer la tenue d’une assemblée extraordinaire. «On est davantage dans de l’information en temps opportun plutôt que périodique.» Si l’émetteur envisage certaines opérations ou transactions spéciales et que la Loi sur les valeurs mobilières ou les normes du S&P/TSX exigent l’approbation des actionnaires, il va devoir auparavant convoquer une assemblée extraordinaire. «L’émetteur devra y inclure toute information de nature spéciale qui devra faire l’objet d’une divulgation particulière et détaillée pour que les investisseurs puissent prendre une décision éclairée.» Il peut s’agir d’une transaction ou d’une acquisition qui passe par l’émission d’actions ou d’une opération de transformation importante, comme une fusion avec une autre entreprise. «Ce sont des choses de nature transformationnelle qui vont requérir l’approbation des actionnaires dans un contexte spécial.»
«C’est un autre document que je trouve fort utile», mentionne Mathieu Martin. Ce dernier se dit tout particulièrement intéressé par la liste des candidats au conseil d’administration. «On va obtenir les noms, leur expérience, s’ils sont actuellement sur le CA, s’ils détiennent des actions dans l’entreprise.» Il a aussi à l’œil le tableau des compensations financières. «Je regarde les salaires et les bonus. Est-ce extravagant compte tenu de la taille et la performance de la société? Veut-on créer une grosse société ou une entreprise plus rentable? Est-il bien aligné avec mes intérêts comme investisseur minoritaire? Tout cela va influencer comment je perçois le potentiel futur de la société.»
Il reconnaît que cela relève plus de «l’art que de la science» et que c’est à force de lire et d’analyser de tels documents qu’il réussit à mieux percevoir certaines nuances et vers où l’entreprise se dirige. Y a-t-il des éléments du document qui soulèvent des craintes ou, au contraire, peuvent être interprétés favorablement? «J’aime voir une certaine diversité dans l’expérience des membres du conseil d’administration. Par exemple, y a-t-il un expert dans le domaine où l’entreprise opère? Du point de vue légal? Sur le plan du marché des capitaux? Les expériences de chacun sont-elles complémentaires? Y a-t-il une parité hommes-femmes?»
Il aime bien vérifier quel le nombre d’actions détenues par le PDG de l’entreprise. «Détient-il en actions au moins cinq fois son salaire annuel? Le cas échéant, ça m’indique que ses incitatifs sont de croître la valeur de l’action plutôt que son salaire annuel en bâtissant simplement une plus grosse entreprise qui n’est pas nécessairement plus rentable.»
De manière générale, c’est quelque chose qu’il aime voir quand le PDG et le conseil d’administration détiennent un bon pourcentage d’actions. «Ça m’indique qu’ils ont à cœur de faire croître la valeur de l’action», souligne le gestionnaire de portefeuille. Un drapeau rouge pour lui est justement un cas contraire à ce qu’il recherche, c’est-à-dire des dirigeants avec un faible pourcentage d’actions, des structures d’incitatifs et des bonus basés sur des indicateurs qu’il juge inconvenants, et peu de diversité au sein du CA.
«La circulaire est un document qui devrait être lu par tous les investisseurs, à tout le moins ceux qui souhaitent s’impliquer dans la gestion de l’entreprise en exerçant leur droit de vote», souligne quant à elle Andréanne Tremblay-Simard, de l’Université Laval. En effet, c’est dans ce document que sont présentées les diverses propositions qui feront l’objet d’un vote lors de l’assemblée avec les recommandations de l’équipe de direction. «C’est de la gouvernance, de la bonne gestion, un principe démocratique où chaque action nous confère un certain nombre de droits de vote. Si l’actionnaire veut les exercer, c’est à ce moment qu’il en a l’occasion pour exprimer s’il est d’accord ou non avec la manière dont l’entreprise est gouvernée.»
SUIVANT: LA NOTICE ANNUELLE
La notice annuelle
«C’est davantage une photographie de l’état des activités de l’entreprise de l’émetteur à la date de fin de l’exercice», explique Me Amélie Métivier, qui avoue cependant que ce document, seulement déposé sur SEDAR+, n’est peut-être pas celui qui est le plus consulté par les investisseurs.
«Il y a de l’information qui se chevauche entre ce document, par exemple, et le rapport annuel consolidé», selon Andréanne Tremblay-Simard. «Un investisseur très pointilleux qui veut tout couvrir pourrait le consulter, mais à moins d’un changement matériel, il n’est peut-être pas obligé de le relire chaque année. L’investissement en temps est plus important au début, car par la suite, il s’agit davantage de se tenir à jour. »
Mathieu Martin abonde dans le même sens: «Ce n’est pas un document que j’utilise beaucoup, mais on peut à l’occasion y trouver quelques informations pertinentes. La notice annuelle a certaines ressemblances avec le prospectus, c’est-à-dire qu’on y retrouve une description de l’entreprise, ses produits, sa stratégie, ses concurrents, les risques, etc. Lorsqu’on fait la recherche initiale sur une entreprise, ça peut nous donner un portrait global et quelques pistes [à] creuser (par exemple en regardant les concurrents).» Le gestionnaire de portefeuille le voit davantage comme un complément d’information. «Ce n’est pas le genre de document que je m’empresse de lire dès qu’il est publié pour y trouver une information importante que le marché n’aurait pas encore intégré dans le prix du titre.»
«Il y a quand même quelques informations utiles», dit Me Amélie Métivier. Elle explique qu’il s’agit d’un document plus narratif sur les produits et services de l’émetteur, sur sa structure organisationnelle, ses filiales, l’orientation générale de ses activités, ses politiques sociales ou environnementales, le marché de ses titres, les administrateurs et les dirigeants, les contrats importants conclus hors du cours normal des activités, les litiges, les conventions de votes et les facteurs de risque (section qui est appelée à être plus volumineuse à mesure que la pratique évolue), où l’émetteur décrit les principaux risques auxquels l’entreprise fait face. Il y est aussi question des contrats importants dont l’entreprise dépend, sa vulnérabilité à l’égard des changements réglementaires ou des changements climatiques, etc. «On y retrouve aussi de l’information sur la structure de capital et d’endettement, par exemple qui détient des actions multivotantes, ou si l’émetteur a des contraintes d’investissement étranger, comme certaines entreprises évoluant dans le transport aérien ou les télécommunications.»
«Il y a un seul document à préparer par année, dans un délai de 90 jours après la fin de l’exercice, mais il n’y a pas d’obligation d’envoi et c’est seulement déposé sur SEDAR+», explique Me Amélie Métivier, qui ajoute que ce n’est toutefois pas obligatoire pour les émetteurs émergents. «Mais comme c’est une condition pour l’accès au régime de prospectus simplifié, plusieurs le produisent.»
«Son dépôt fait partie des conditions d’admissibilité permettant à un émetteur de réunir des capitaux par le biais du régime de prospectus simplifié dont se servent les émetteurs à forte capitalisation.» À propos du prospectus, l’Autorité des marchés financiers mentionne sur son site que c’est «un document d’information détaillé qu’une société ou un fonds doit généralement produire pour pouvoir émettre des titres (par exemple, des actions) au grand public.»
SUIVANT: DÉCLARATION DE CHANGEMENT IMPORTANT
Déclaration de changement important
Le Règlement canadien 51-102 sur les obligations d’information continue prévoit également que l’émetteur assujetti publie et dépose auprès de l’autorité en valeurs mobilières compétente un certain nombre de documents lorsque survient «un changement important dans ses affaires». «Il y a d’abord une obligation de publier un communiqué de presse immédiatement et, dès que possible et dans un maximum de 10 jours après la date du changement important, de publier une déclaration de changement important», dit Me Amélie Métivier. Elle précise que tel que le définit la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, un «changement important» est «un changement dans l’activité, l’exploitation ou le capital de l’émetteur assujetti dans la mesure où il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait un effet significatif sur le cours et la valeur des titres». Elle rappelle par ailleurs que le S&P/TSX va exiger non seulement la publication d’un communiqué lors d’un changement important, mais aussi lors d’un fait important. «Toute information importante doit être divulguée immédiatement par communiqué de presse, donc ça couvre un large éventail de situations.»
Dans le cas d’une «acquisition significative», l’émetteur assujetti devra déposer une déclaration d’acquisition d’entreprise dans un délai de 75 jours à compter de la date d’acquisition. «La clé pour les investisseurs, c’est que le document contient une annexe des états financiers historiques de l’entité acquise et des états financiers pro forma de l’émetteur, donc ce qui donne effet à l’acquisition.»
Pour l’investisseur de détail, la déclaration de changement important est plus ou moins utile aux dires d’Andréanne Tremblay-Simard, de l’Université Laval, dans la mesure où elle arrive après la publication du communiqué de presse, et l’effet sur les prix de l’action va être à toutes fins utiles immédiat. Elle voit cependant deux utilités par rapport à la déclaration comme telle. «Elle va d’abord lui procurer davantage d’information par rapport au changement à venir. Et, dans une perspective d’investissement, les déclarations de changement important passées vont fournir à l’investisseur une meilleure idée de la trajectoire de l’entreprise: y a-t-il eu des acquisitions dans le passé? Des rotations au niveau de l’équipe de direction? Etc.»
SUIVANT: TRANSACTIONS D’INITIÉS ET DE SEDI
Transactions d’initiés et SEDI
«Sedar+ et SEDI (système électronique de déclarations des initiés) sont indépendants l’un de l’autre. SEDI un service canadien accessible en ligne qui concerne uniquement les déclarations des initiés assujettis. Ce n’est pas une obligation de l’émetteur, mais plutôt une obligation de l’initié assujetti, c’est-à-dire d’un certain groupe précis qui va être tenu de déclarer leur emprise ou tout autre changement de celle-ci sur tout titre ou instrument financier lié d’un émetteur», précise Me Amélie Métivier. Le SEDI permet de déposer et de consulter les déclarations d’initiés requises en vertu de règles et de divers règlements sur les valeurs mobilières provinciaux. «Les initiés assujettis sont tenus d’y déposer des déclarations chaque fois qu’il y a un changement dans leur détention de titres ou autres instruments financiers liés à un émetteur.»
La terminologie «initié» se réfère généralement, selon le site WealthSimple, à un administrateur, un dirigeant, une personne physique ou une société qui détient, contrôle ou dirige plus de 10% des droits de vote d’une entreprise cotée en Bourse. S’il y a omission de déclaration ou de changement, ou simplement un retard, il y aura des pénalités, précise l’avocate de chez Stikeman Elliott. «Ce n’est pas l’émetteur, mais les initiés eux-mêmes qui écoperont d’une pénalité.» Elle rappelle que l’initié assujetti a 10 jours pour remplir la déclaration initiale; et cinq jours pour signifier tout changement. «Dès qu’il y a un changement dans l’emprise de l’initié à l’égard d’un titre (ou instrument financier lié), il doit le déclarer.»
«Je consulte SEDI, mais je dois dire que le site Internet n’est pas convivial, la navigation y est pénible et il faut vraiment s’atteler pour s’y retrouver», admet Mathieu Martin. Ultimement, le site lui permet de retrouver la participation en actions, en options, en bons de souscription de tous les initiés d’une entreprise. «Souvent, je fais cette recherche au début, quand je commence à regarder une nouvelle société, et — combinée avec l’information sur la rémunération — j’inscris le tout sur Excel dans mon modèle financier; ça me donne un portrait global et me permet de juger si les incitatifs sont intéressants.»
Le gestionnaire utilise aussi d’autres outils pour suivre les transactions d’initiés — entre autres informations. Il utilise des plateformes comme InsiderEye à www.insidereye.com ou Stockwatch à www.stockwatch.com, qui offrent un service gratuit. Il utilise aussi le service payant de Canadian Insider à www.canadianinsider.com. Ces plateformes puisent leurs informations sur Sedar+ ou sur SEDI et envoient ensuite des notifications. «Ils m’envoient des courriels le matin en lien avec la liste de titres que je me suis créée. Ça me permet d’être toujours à jour, en temps réel.» L’avantage par rapport à SEDI, ou même à Sedar+, c’est que ces plateformes scrutent et traitent l’information et alertent les usagers de leurs publications. «Je vais recevoir des notifications, par exemple lors de la sortie d’un rapport financier ou d’une transaction d’initié. Alors que les autres plateformes (SEDI et Sedar+) te forcent à demeurer plus alerte, à moins de les visiter chaque jour.»
Mathieu Martin croit qu’il faut bien soupeser le tout lorsqu’on considère l’information par rapport aux transactions d’initiés. «Les initiés vendent pour toutes sortes de raisons (pour des raisons fiscales, l’achat d’une propriété, car ils croient que le titre est surévalué, etc.), mais ils n’achètent généralement que pour une seule raison : ils croient que le titre est sous-évalué et qu’il est appelé à croître à long terme.»
Selon lui, l’achat d’un initié est un signal plus significatif qu’une vente, même si une vente peut susciter un certain nombre de questionnements de sa part, par exemple si plusieurs initiés vendent au même moment après que le titre a connu du succès et atteint des sommets. Il relativise cependant. «Les initiés font aussi des erreurs et l’achat d’actions par l’un d’eux n’est pas non plus un gage de succès futur.» Le gestionnaire porte une attention plus particulière aux achats effectués par un chef de la direction financière (CFO).
«Souvent, ce sont les plus conservateurs et ce sont eux qui connaissent vraiment les chiffres. Pour moi, l’achat d’actions par le CFO de l’entreprise est l’un des signaux les plus positifs que je peux voir de la part d’un initié.»
«Ce que dit la recherche par rapport aux transactions d’initiés, c’est qu’au mieux, c’est un signal légèrement significatif (de magnitude très faible) et, au pire, ce n’est pas du tout un indicateur de ce qui s’en vient au niveau des prix des actions», explique Andréanne Tremblay-Simard. «Ça marque l’imaginaire, mais ça ne fait pas bouger l’aiguille. Les recommandations des analystes vont avoir un impact sur les transactions des titres des initiés, mais pas l’inverse.»
Elle reconnaît que c’est un signal bruyant, mais fort peu utile, dans les faits, pour l’investisseur. «Oui, les achats d’initiés sont plus significatifs que les ventes. Mais ça reste quand même très difficile d’établir un lien entre une telle transaction et une trajectoire future du prix de l’action.» L’utilité pour l’investisseur tient davantage, selon elle, dans l’aspect régulation que dans l’information. «C’est un mécanisme de plus pour protéger les investisseurs. Ça rend le marché plus juste.»
SUIVANT: LE SITE WEB, UN ACCÈS FACILE
Le site web, un accès facile
S’ils ne sont pas tenus de le faire, plusieurs entreprises rendent accessible l’information qu’ils doivent produire sur leur propre site web. «C’est toujours un endroit que je visite quand j’analyse une entreprise», mentionne Mathieu Martin. Il y retrouve, entre autres, la description des produits et des services, et des biographies de l’équipe de direction et des membres du conseil d’administration. Il y a aussi des présentations aux investisseurs et des enregistrements des conférences téléphoniques trimestrielles qui donnent un portrait plus clair de l’entreprise.
«Un peu comme le rapport de gestion, cela va aider à contextualiser les résultats financiers et c’est aussi une occasion d’entendre les questions des analystes.» Il mentionne aussi que d’entendre la direction de vive voix peut aider à confirmer ou à infirmer certaines impressions. «Nous rencontrons beaucoup d’équipes de direction et, avec le temps, nous sommes plus en mesure de déterminer ce qui relève de la compétence ou de la vente. La conférence téléphonique peut aider en ce sens à fournir des données supplémentaires: quelle était l’impression laissée par les dirigeants? Le ton de voix? La nervosité? La confiance? Cela donne une certaine couleur.»
En dehors de ce qui est obligatoire — que l’on retrouve souvent dans la partie «relations avec l’investisseur» —, chaque entreprise est libre de divulguer ce qu’elle veut bien sur son site web. «Quand on parle de culture d’entreprise, ce que celles-ci publient n’est pas forcément représentatif de ce qui se passe véritablement au sein de l’entreprise», signale Andréanne Tremblay-Simard. Elle croit qu’il faut faire preuve de précaution, par exemple, lorsqu’il est question de documentation portant sur la mission de l’entreprise ou sur ses réalisations ou activités en matière de cibles ESG (environnement, société et de gouvernance). «Il y a une forme de sélection de l’information que l’on cherche à relayer. Disons qu’il peut y avoir une tonalité plus positive qu’objective.»
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