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Olivier Laquinte

Transformation numérique

Olivier Laquinte

Expert(e) invité(e)

Nous avons besoin de plus de lois comme C-18

Olivier Laquinte|Publié le 26 juin 2023

Nous avons besoin de plus de lois comme C-18

(Photo: Getty Images)

EXPERT INVITÉ. À moins d’avoir vraiment trop fêté la Saint-Jean, vous savez probablement que la loi C-18, qui a pour objectif de forcer les grandes entreprises du web à dédommager les médias pour le partage de leur contenu, a été adoptée jeudi dernier. Cette nouvelle loi a vite été décriée par certains, notamment Meta/Facebook, qui s’est empressé de confirmer qu’elle retirerait le partage du contenu des médias dits « traditionnels » d’ici 6 mois. Au passage, Meta mentionne qu’elle continuera à lutter contre la désinformation grâce à un réseau de 90 organisations à travers le monde qui passent en revue le contenu publié dans plus de 60 langues.   

Au-delà de l’arrogance de la compagnie, la position de Méta/Facebook présente un risque sociétal important.  

Nous sommes tous au courant des tentatives d’influences et d’ingérences de certaines puissances étrangères dans les élections, ici ou ailleurs. Nous avons aussi été témoins de la désinformation pendant la pandémie et de l’impact que ça peut avoir sur les gens et sur la société.  

Retirer le contenu des médias des plateformes digitales viendra sans aucun doute exacerber la polarisation de notre société et continuera d’affaiblir nos démocraties. Les journalistes, à tout le moins au Canada, suivent un code de déontologie, plusieurs penchent plus à gauche ou à droite, ou ont certains partis pris. Mais au total, on peut se fier à l’information contenue dans La Presse, Le Journal de Montréal, Le Globe and Mail, Les Affaires et j’en passe.     

Nos gouvernements doivent légiférer, car au-delà du volet commercial, l’impact du numérique dans nos vies est plus que considérable. Pensons à la loi sur la protection des données, ou à la réglementation européenne qui forcera les équipementiers à harmoniser à USB-C les prises de chargeurs sur tous les produits d’ici 2026. On le voit, il est possible d’obliger les GAFA à se conformer.  

Mais il faut aller plus loin, plus vite. Dans un récent TED Talk que je vous invite à écouter, Ian Bremmer avance qu’à l’inverse des dominations économiques et militaires qui, historiquement, étaient assumées pas des états, la domination digitale sera assumée par des entreprises.  

Je crois qu’il faut empêcher cela à tout prix.  

Nos gouvernements doivent se mobiliser, mettre leurs meilleurs éléments sur le sujet et légiférer. Oui, sur le développement de l’IA, mais aussi au sujet de la fiscalité. Ce sont des milliards de dollars en recette fiscale qui nous échappent chaque année. À l’heure où les inégalités sociales sont grandissantes et alors que nous avons besoin de toutes les ressources nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, c’est inacceptable.  

Pour en revenir à la loi C-18 et à la de Meta, j’irais même plus loin si j’étais au gouvernement. Je proposerais d’imposer une pénalité pour chaque jour que le contenu des médias ne sera pas disponible sur les plateformes, en soutenant que c’est un enjeu de sécurité nationale. J’exagère ? Peut-être pas tant que ça. Rappelez-vous Ottawa, ou l’assaut du Capital aux États-Unis.  

D’un point de vue 100% business (je reviens tout juste de Paris), la position de Meta/Facebook est un rappel brutal de l’importance de ne pas développer un modèle d’affaires qui dépend complètement des plateformes. Nous savons tous que les algorithmes évoluent constamment et qu’il est difficile de garder le rythme. Mais surtout, il ne faut jamais oublier que tout ce que nous publions sur les réseaux sociaux appartient… aux réseaux sociaux ! Et que ce qui est vrai aujourd’hui pourrait ne plus l’être demain.  

À sa face même, il me semble que les premiers influenceurs, les « OG », ont été les médias. Ce sont eux les premiers qui ont créé du contenu que nous avons partagés sur les réseaux sociaux. 

Nombre d’influenceurs et d’influenceuses ont vu leurs comptes suspendus et, ainsi faisant, leurs revenus disparaitre. C’est vrai pour eux, ça peut l’être pour une boutique en ligne, un restaurant ou toute autre organisation qui utilise les plateformes pour vendre ou se faire connaître. Il est plus qu’important de garder cela en tête.