Si vous le voulez bien, j’aimerais laisser la parole à Pascale, 31 ans. Ça me permet de revenir doucement des fêtes tout en vous présentant une personne à la fois exceptionnelle et représentative de nombreux épargnants.
Voici ce qu’elle m’a écrit:
Je lis souvent que ça prend une stratégie globale avec un planificateur financier, mais cela reste bien difficile à trouver quand on débute dans «l’épargne». C’est ardu de trouver de bons conseils non biaisés, basés sur ma situation, à frais raisonnables et il me semble qu’on essaie souvent de me vendre un peu n’importe quoi après 10-12 petites questions.
Je travaille TRÈS fort pour mettre de l’argent de côté, mais comme je n’ai pas de gros montants de côté, je ne suis pas satisfaite des conseils «faits d’avance» par les grandes bannières. Je suis mère monoparentale avec un revenu de travail autour de 50 000$ par année (à part les prestations pour enfants) et je réussis à mettre un peu plus de 10 000$ de côté par année. Comme je disais, moi je travaille fort pour mettre de l’argent de côté (45 000 d’épargnés), mais je ne trouve personne pour m’aider réellement à faire fructifier cet argent.
Je cite Pascale, mais ç’aurait pu être Émilie, Étienne ou Claude, qui se demandent comment et où trouver un bon conseiller. Ce doit être aussi le cas de tous ceux qui m’écrivent, ne décelant nulle part ailleurs une oreille à qui confier leurs préoccupations financières.
Si j’ai retenu le courriel de Pascale, c’est d’abord pour souligner qu’il existe des gens qui épargnent dans des conditions qui, chez d’autres, sont plus propices à l’apitoiement et à l’endettement.
Il révèle aussi que les jeunes ne trouvent pas tous satisfaction à leurs besoins dans les technologies financières, encore moins dans les réponses génériques régurgitées par le personnel de succursales des grandes institutions financières.
Il montre également comment le conseil financier n’est pas très valorisé.
On pourrait conclure que les jeunes ne veulent plus payer pour rien, mais j’ai une autre hypothèse.
À l’entrée, l’industrie nous a habitués à un service plutôt moyen offert par du personnel titulaire de titres bidons qui se préoccupe souvent moins des besoins des clients que de l’atteinte de ses objectifs de ventes, qu’il s’agisse de produits d’assurances, de fonds de placement et de crédit en tout genre.
La première impression dégagée sur les jeunes par le secteur des services financiers ne m’apparaît pas des plus positives. Cette industrie suscite la suspicion, du moins certainement pas la confiance.
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Je n’ai aucun doute, il existe pourtant tout plein de conseillers financiers compétents bien intentionnés. Je pense aux planificateurs financiers auxquels fait référence Pascale. Ce ne sont pas les individus, le problème.
Les rares endroits où ils peuvent exercer se trouvent dans les succursales de banque ou dans les caisses. On en compte aussi chez les compagnies d’assurance, dans les sociétés comme Groupe Investors (IG Gestion de patrimoine) ou encore dans des cabinets de gestion privée.
Personnellement, je ne connais que deux planificateurs financiers qui exercent leur métier contre des honoraires et de manière totalement indépendante, c’est-à-dire qui ne tirent aucun revenu de commissions sur la vente de produits de placements et d’assurance ou qui ne sont pas salariés dans une firme de gestion de fortune. Il y en a sûrement d’autres, mais pas beaucoup.
J’en ai connu un troisième, j’allais oublier celui-là, mais il a largué la pratique privée dès qu’il a pu, il ne faisait pas beaucoup d’argent. Il a trouvé son bonheur à l’armée où il conseille les militaires et leur famille selon ses principes, à savoir sans être obligé d’enfoncer des cartes de crédit dans la gorge de ses clients.
Le site de l’Institut québécois de planification financière répertorie plus de 4500 planificateurs financiers. La question qui nous vient immédiatement à l’esprit est celle-ci: mais pourquoi si peu de planificateurs financiers pratiquent à honoraires, sans dépendre de la vente de produits?
La réponse est simple: sans les commissions, ils auraient du mal à survivre.
Chez un indépendant, un plan de base coûte au moins 1000$, bien davantage pour des situations complexes. Comme trop peu de gens sont prêts à sortir une telle somme de leurs poches, un montant qui reflète pourtant la valeur du service professionnel, la très vaste majorité des planificateurs financiers n’ont d’autres choix que d’exercer dans une institution financière.
J’ai écumé les offres d’emploi destinées aux planificateurs financiers. Toutes insistent sur le développement des affaires et sur l’offre des produits d’épargne, d’assurances, d’hypothèques et de cartes de crédit.
Il ne faut pas avoir frayé très longtemps dans l’industrie pour réaliser que le rôle de conseiller se trouve en conflit avec celui de vendeur de produits financiers, ces derniers ne répondant souvent pas tout à fait, ou pas du tout, aux besoins du client.
La manière dont le planificateur, dans son for intérieur, arbitre entre ses deux fonctions dépend de sa conscience professionnelle, mais aussi de la pression qui est exercée sur lui par les gestionnaires de sa succursale, une pression qui s’exprime plus ou moins subtilement, tantôt par la carotte, tantôt par le bâton. La qualité des conseils dépend souvent davantage du petit boss qui aligne les colonnes de chiffres sans jamais rencontrer un client que du professionnel qui est au front.
J’ai insisté sur le planificateur financier, mais on peut dire la même chose des courtiers (portefeuille d’actions), des conseillers en épargne collective (fonds communs) et des conseillers en sécurité financière (produits d’assurance vie). Rappelons qu’une même personne peut cumuler toutes ces fonctions.
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Quand on débute en épargne comme Pascale, rarement se fera-t-on proposer les services d’un planificateur financier en succursale. Il faut insister et être ouvert à se procurer les produits de la banque, une hypothèque, une assurance ou des fonds de placement dans un REER. Il faut donc un peu de moyens. Je ne vois pas de gros problèmes là, on a presque tous un jour ou l’autre besoin de ces produits financiers, même si parfois on trouverait des solutions un peu mieux adaptées ailleurs. Au prix de certains compromis, on peut très bien tomber.
Pour cela, il faut que le bon conseiller se trouve dans la bonne succursale dirigée par de bons gestionnaires qui mettent l’intérêt des clients devant les objectifs de ventes de leur unité d’affaires. Encore, on peut ne pas aimer le conseiller qui nous est attribué, aussi bon soit-il. Simple question de compatibilité. Des valeurs entrent en jeu, et on pourrait avoir bien peu en commun avec celui qui nous prodigue des conseils.
Demander un autre conseiller? Mais sera-t-il bon? Changer d’institution alors? Tout le problème se pose de nouveau. Trouver son conseiller financier idéal, ce n’est pas une mince affaire et je suis toujours ennuyé lorsqu’on me pose la question: où se trouve-t-il?
À moins de vouloir payer des honoraires, je dirais «de l’autre côté du labyrinthe».
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De petits conseils, quand même
Questionnez votre conseiller, qu’il s’agisse d’un planificateur financier, d’un courtier, d’un conseiller en épargne collective ou tout ça à la fois. Demandez-lui ce qui correspond pour lui à une vie financière idéale, quelles sont ses valeurs? Accorde-t-il de l’importance à la richesse, à la sécurité, à l’expérience personnelle, à la famille, aux causes sociales ? S’il s’agit d’un courtier ou d’un gestionnaire de portefeuille, quel type d’investisseur est-il lui-même?
Demandez-lui comment il est rémunéré, s’il a des bonis de performances et des objectifs de ventes et sur quels produits.
Quand il vous propose un produit, demandez-lui auquel de vos besoins cela répondra-t-il? Demandez-vous ensuite «En ai-je vraiment besoin»? (Merci PY). À l’assurance vie pour les enfants, à l’assurance vie permanente pour vous-même, à la troisième carte de crédit, à l’assurance solde, au prêt-levier et toutes les affaires qui vous apparaissent compliquées, la réponse est «non» 97 % du temps.
S’il est rémunéré sur la vente de produit, assurez-vous qu’il a plus d’un permis. Je ne confierais pas mes avoirs à une personne qui ne peut vendre que des produits d’assurance. On risque d’être trop assuré, de voir son REER investi dans des fonds distincts trop chers et de se ramasser avec un REEE pour les enfants dont les frais sont trop, trop, mais tellement trop élevés.
Évitez de faire affaire avec les membres de la famille et les amis, à plus forte raison s’ils comptent sur vous pour se bâtir une réputation en gestion de portefeuille. Si elle est établie, d’accord. Mais ne mettez pas en péril les liens qui vous unissent avec vos proches pour de l’argent.
Demandez des références à des gens qui vous ressemblent et qui sont satisfaits des services qu’ils reçoivent.
Informez-vous et soyez intéressé, cela vous permettra de mieux reconnaître la qualité des conseils.
Cherchez. Googlez. Appelez. Rencontrez. Interrogez. Recommencez.
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