«AbbVie est une véritable aubaine dans le secteur pharmaceutique»
Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑mars 2021Gestionnaire de portefeuille depuis 15 ans, Paul MacDonald s’est à joint Harvest Portfolios Group en janvier 2013. Il est responsable de l’équipe qui choisit les placements dans les secteurs de la santé et de l’immobilier. Il gère le fonds négocié en Bourse Harvest Healthcare Leaders (HHL). (Photo: courtoisie)
À PORTEFEUILLE OUVERT. Les Affaires – Comment votre fonds fonctionne et à qui il s’adresse?
Paul MacDonald – Nos fonds participent à la croissance séculaire de certaines industries, dont celle de la santé, tout en procurant un revenu courant. Le fonds Harvest Healthcare Leaders, par exemple, verse un dividende mensuel de 0,058 $par part. Ce revenu courant peut intéresser les retraités qui désirent détenir les plus grandes sociétés de l’industrie. Les titres en portefeuille versent un dividende moyen de 2 % auquel s’ajoutent des revenus tirés de la vente d’options d’achat sur environ le tiers des placements détenus en portefeuille. Ces options plafonnent le deux tiers du potentiel d’appréciation, mais elles procurent les revenus nécessaires au versement des dividendes. Le rendement courant a varié de 7 % à 12 % depuis 2014. Ce rendement croît lorsque la volatilité augmente parce que la valeur marchande des options d’achat fluctue en fonction de la volatilité, en partie.
L.A. – Comment choisissez-vous vos titres?
P.M. – Une grille de critères fondamentaux nous procure une liste de 75 candidates de placements parmi un univers de 3 000 sociétés dans le monde. Nous investissons dans les 20 meilleures à parts égales en nous assurant que tous les segments de l’industrie sont représentés:les pharmaceutiques, la biotechnologie, les fournisseurs de services, les assureurs et les équipementiers médicaux. Formellement, une fois par trimestre, nous rééquilibrons les placements en fonction de ces critères. Il y a six mois, nous avons vendu GlaxoSmithKline (GSK, 34,24 $US), par exemple, parce que certaines lacunes opérationnelles minaient la trajectoire future des flux de trésorerie et donc la viabilité du dividende, selon notre analyse.
L.A. – Malgré la course aux vaccins, le secteur reste impopulaire en Bourse. Pourquoi?
P.M. – À nos yeux, l’industrie offre globalement de la croissance séculaire à bon prix. Nos titres s’échangent à un multiple moyen de 17,5 fois, par rapport à celui de 22,3 fois pour le S&P 500. C’est le plus grand écart en 20 ans. Depuis neuf ans, les géants de la techno ont été une source de progression importante pour les indices. Puis, l’automne dernier, ce sont les titres plus cycliques qui sont revenus en faveur. Avec la remontée des taux d’intérêt réels, on voit d’autres secteurs sous-évalués reprendre rapidement du galon, tels que celui des banques. On a bon espoir que l’effet du retour des investisseurs à l’approche valeur touchera bientôt le secteur de la santé aussi. Les fabricants d’équipements médicaux tels que Stryker (SYK, 242,88$US) devraient en plus bénéficier du retour à la normale des procédures médicales reportées pendant la pandémie.
L.A. – Les pharmaceutiques affirment toutes que leur pipeline de médicaments est bien rempli. Comment les distinguer ?
P.M. – Nous suivons de près l’échéance des brevets et l’avancement des données cliniques de phase 2 et 3 des médicaments en développement. Notre préférence va aux sociétés qui réinvestissent de 18% à 20 % de leurs ventes en recherche et développement (R-D). Pour que ces dépenses soient productives, les flux de trésorerie doivent progresser. C’est un indicateur que la société gère bien l’expiration des brevets de ses médicaments vedettes. Nous avons vendu Gilead (GILD, 62,75 $US) il y a six mois parce que la société payait cher pour ses acquisitions sans en tirer de flux additionnels qui vaillent la peine. AstraZeneca et Eli Lilly sont deux exemples de sociétés qui dépensent le quart de leurs revenus en R-D. Quant à Johnson & Johnson (JNJ, 155,47 $US), elle peut acquérir d’autres pharmaceutiques et mettre son réseau mondial à profit pour commercialiser les nouveaux médicaments.
L.A. – La technologie ARN messager de BioNtech et de Moderna va-t-elle perturber l’industrie des vaccins?
P.M. – C’est sûr que l’efficacité de cette technologie pourrait bouleverser les plateformes existantes de vaccins, mais cette transition s’étalera sur plusieurs années. Je crois que les sociétés pharmaceutiques ont démontré leur grande capacité d’adaptation pendant la pandémie. Cette faculté n’est pas passée inaperçue parmi les gouvernements qui, espérons-le, exerceront moins de pression pour qu’elles abaissent les prix des médicaments.
L.A. – Votre fonds accorde une place égale à tous vos titres. Est-ce que certaines sociétés sortent du lot ?
P.M. – AbbVie (ABBV, 106,75 $US) est attrayante à plusieurs égards. Son action s’échange à un multiple des neuf fois les bénéfices prévus. Nous croyons que la société a fait un excellent travail pour utiliser efficacement les énormes flux de trésorerie que lui procure son médicament vedette Humira afin de se préparer à l’expiration du brevet en 2023. La société a investi en R-D dans de nouveaux médicaments immunologiques qui sont à un stade avancé de développement. L’achat de Pharmacyclics, en 2015, a paru cher, mais lui a donné le médicament oncologique Imbruvica. L’acquisition du fabricant de botox Allergan, en mai 2020, diversifie ses sources de revenus et ouvre la porte à une filière de traitements pour les migraines, entre autres. Étant donné les impondérables de la science et de la concurrence dans cette industrie, la diversification reste toutefois la meilleure stratégie.