Illustration : Audrey Malo (Anna Goodson)
Les fausses croyances sont légion dans le monde de l’investissement, et certains mythes ont la couenne dure. Non, la Bourse n’est pas un « jeu », et non, l’investissement n’est pas nécessairement un monde d’hommes. Avec l’aide d’experts, nous avons élaboré une liste de 20 mythes entourant l’investissement qui n’attendent qu’à être déboulonnés.
Investir est un jeu (de hasard).
« Non, moi je n’ai pas envie de « jouer » à la Bourse. » Ils sont nombreux, les investisseurs, à avoir entendu cette phrase en famille ou lors de soirées entre amis. C’est une perception erronée, selon Luc Girard, gestionnaire de portefeuille chez Noël Girard Lehoux, Valeurs mobilières Desjardins.
« C’est faux et cela révèle un manque d’éducation financière. Ce qui est vrai, cependant, est qu’investir est une affaire de temps, celui d’abord que l’on met à se renseigner et surtout la durée pendant laquelle on investit. »
Les personnes qui associent la Bourse à un jeu sont les mêmes qui ont tendance à se laisser influencer par leurs émotions. Ce sont ceux qui sont tentés par les soi-disant « tuyaux » entendus lors d’une fête ou en ligne. Son conseil : laisser les tuyaux aux plombiers et faites vos devoirs. Il suggère de revenir à la base de l’investissement. « Comme le répète le célèbre dirigeant de Berkshire Hathaway, Warren Buffett, investir, c’est acheter une petite partie d’une entreprise. Investissez donc dans un titre dans cet état d’esprit, car c’est ce que vous serez, un actionnaire de l’entreprise. »
Le succès en investissement est une question d’intelligence.
« Votre succès en Bourse a davantage à voir avec votre tempérament et la durée de votre temps de placement », souligne d’emblée Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale. Il évoque le cas d’un investisseur avec un profil équilibré qui, depuis 1990, aurait investi périodiquement chaque début de mois un certain montant d’argent. « Sans tenir compte des aléas du marché, l’investisseur périodique a obtenu un rendement moyen de 7,3%, contre 7,6% pour l’investisseur soi-disant super brillant qui a pu prédire les creux et investir au meilleur moment. »
Cimon Plante rappelle qu’il s’agit bien plus d’être investi longtemps dans le marché que de tenter de se synchroniser à celui-ci. « Time in the market beats timing the market » [le temps investi est plus important que de synchroniser le marché], disent les Anglo-saxons. Dans son livre « The Psychology of Money », l’auteur Morgan Housel rappelle aux investisseurs que le contrôle des émotions est probablement ce qui influence le plus la manière d’avoir du succès sur le plan financier. « And behavior is hard to teach, even to really smart people [Le contrôle des émotions est difficile à enseigner, même aux personnes brillantes]. » C’est lorsque les marchés sont en baisse que les gens sont plus craintifs et que les émotions sont négatives, selon Cimon Plante. Il rappelle qu’à la Bourse de Toronto, depuis 1956, on peut compter 18 années civiles négatives, mais seulement deux où les années civiles négatives se suivaient. «Des rendements négatifs trois années et plus d’affilée, ce n’est jamais arrivé. Mais quand ça va mal en Bourse pour les gens, ça confirme leur sentiment pessimiste, et dès lors, leur réflexe est de croire que ça va être pire. Dans les faits, statistiquement, ça n’arrive généralement pas. »
Ce qui va déterminer votre succès sera intimement lié à votre discipline, à la fréquence de vos investissements et à votre longévité. Ce dernier point est clé, comme le rappelle Morgan Housel dans son livre, qui observe que le succès de Warren Buffett n’est pas seulement attribuable à ses choix, mais à sa longévité comme investisseur.
Il faut beaucoup d’argent pour investir en Bourse.
« C’est faux. On peut commencer à investir de façon systématique avec de modiques sommes de 25$ ou 50$, selon les minimums exigés pour les différents fonds communs de placement ou les fonds négociés en Bourse (FNB) », rappelle Youcef Ghellache, professeur de finance au collège Montmorency, fondateur du site Éducfinance et créateur du groupe Facebook L’argent ne dort jamais. Cette idée que cela coûte cher est erronée et provient souvent d’un manque d’éducation financière. « Cela n’a peut-être pas été vu à l’école ou ce sont peut-être des idées préconçues transmises par la famille ou le cercle d’amis. Il faut dire que c’était plus complexe d’investir il y a une vingtaine d’années. »
Le professeur souligne qu’avec le temps, les intérêts perçus grâce au rendement viendront bonifier les cotisations. « C’est là où l’investisseur commencera à ressentir l’effet des intérêts composés. »
Pour avoir du succès en Bourse, il faut investir dans les titres ou les secteurs à la mode.
« Non, c’est un mythe », réagit tout de suite Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret. « Oui, il y en a qui vont pouvoir profiter à court terme d’une stratégie de « momentum », c’est-à-dire l’investissement dans des entreprises qui ont le vent dans les voiles, mais la majorité va acquérir des actifs payés trop cher, parfois à des valorisations stratosphériques. On l’a vu il y a quelques années, lors de la frénésie pour les titres de producteurs de cannabis ou lors de la bulle technologique en 2000. »
Selon lui, la plate vérité, c’est qu’il y a des périodes où chacune des stratégies fonctionne mieux que d’autres (valeur, croissance, « momentum »). D’où l’importance de bien diversifier son portefeuille. « Ce n’est pas vrai qu’une stratégie seulement basée sur les titres à la mode va t’enrichir à long terme. Au contraire, tu te rends vulnérable et plus exposé à une future débandade. »
Tout ce qui monte finit par redescendre; et tout ce qui a chuté finira par remonter.
« C’est faux de penser qu’un titre va nécessairement remonter », dit Cimon Plante qui fait remarquer que, juste au Canada, depuis 2000, chaque fois qu’un titre coqueluche a dépassé en valeur la Banque Royale (RY, 131,08 $), l’entreprise avec la plus grande capitalisation du pays, que ce soit Nortel, Valeant (devenue Bausch Health, BHC, 6,01 $), Potash Corporation, Research in Motion (devenue BlackBerry, BB, 6,54 $) ou Shopify (SHOP, 86,79 $), ils n’ont jamais retrouvé leur sommet par la suite.
« Des cycles de maturité d’entreprises, cela a toujours existé. Si tu compares les sociétés du Dow Jones en 2000 à celles qui composent l’indice aujourd’hui, il y a des changements qui se sont opérés. Des entreprises n’y sont plus et d’autres n’ont plus la même importance. » Il rappelle qu’il y a des modèles d’affaires qui deviennent désuets et que c’est la réalité du marché. « Je croise souvent des gens qui s’obstinent à ne pas vendre à perte, mais qui ne croient plus aux perspectives du titre qu’ils détiennent. Ils attendent que le titre remonte. Autrement dit, s’ils avaient des sommes à investir, ils les déploieraient ailleurs. » Il y a aussi ceux qui vont vendre leurs gagnants et conserver leurs perdants. « À céder tes bons coups et à garder tes mauvais, tu vas finir par avoir une collection de titres moribonds. »
Les titres d’entreprises de grande qualité sont toujours des occasions d’achat.
« Faux. Il faut toujours faire la distinction entre une bonne entreprise et un bon titre boursier », rappelle Luc Girard, de chez Valeurs mobilières Desjardins. Selon lui, il arrive souvent que les titres de grande qualité se négocient au-dessus de leur valeur intrinsèque, gonflés par de bonnes nouvelles ou par de la spéculation.
« C’est difficile, mais c’est l’un des moments où il ne faut pas laisser les émotions interférer avec la raison. C’est pourquoi l’analyse fondamentale doit faire partie intégrante du processus d’investissement. » Il évoque l’exemple des « Nifty Fifty », un groupe de 50 titres boursiers de grande capitalisation de la Bourse de New York. « Ils étaient considérés dans les années 1960 et 1970 comme des titres à détenir pour toujours. Beaucoup ont connu des années fulgurantes et les évaluations sont devenues farfelues, mais le ballon s’est dégonflé lors du marché baissier de 1973-1974. »
Le gestionnaire rappelle l’importance de se garder une marge de sécurité. Cela dit, il souligne que parfois payer un prix juste pour une bonne entreprise est la chose à faire. « Comme le dit Warren Buffet, c’est bien mieux d’acheter à un prix correct une entreprise formidable, plutôt qu’une entreprise correcte à un prix formidable. »
Investir est une affaire de testostérone.
« De mon côté, je constate plutôt un fort intérêt de la part des femmes qui forment la majorité de ma clientèle », dit Youcef Ghellache. Il croit que ces dernières sont souvent plus disciplinées que les hommes, moins à la recherche de coups de circuit, plus patientes et plus rationnelles dans leurs choix d’investissement. « À long terme, c’est ce qui va être payant. » Il observe que les femmes sont aussi plus promptes à poser des questions alors que les hommes ont tendance à donner des réponses. Il cite une enquête de 2021 réalisée par la firme américaine d’investissement Fidelity auprès de cinq millions de leurs investisseurs. (Illustration voir étude de Fidelity en pièce jointe). On y apprend, entre autres, que le rendement des comptes d’investissement détenus par des femmes a surpassé de 0,4% celui des hommes sur un horizon de 10 ans.
« C’est d’autant plus étonnant d’apprendre dans la foulée que seulement 9% des femmes estiment être de meilleures investisseuses que les hommes », constate Mary Hagerman, gestionnaire de portefeuille et planificatrice financière au groupe Mary Hagerman de la société de placements Raymond James. Elle n’est toutefois pas surprise d’apprendre que les femmes performent mieux que les hommes. « Elles effectuent moins de transactions et on sait que les émotions et l’investissement ne font pas bon ménage. » Dans sa pratique, elle constate une nette différence entre les femmes plus âgées, qui ont traditionnellement confié les rênes de l’investissement à leur conjoint, et celles des nouvelles générations. Elle mentionne une étude de 2019 du Pew Research Center qui révélait que les femmes de la génération des millénariaux étaient aujourd’hui plus scolarisées que les hommes. « Cela augure donc très bien pour l’avenir. Surtout que les femmes auront un plus gros patrimoine à gérer à l’avenir. » Elle signale toutefois qu’il faut faire une distinction entre le contingent de femmes qui investit et celui qui travaille dans l’industrie. « Ça évolue plutôt lentement dans mon milieu. Ça reste encore la chasse gardée des hommes. »
Les comptes de courtage sans frais de transaction permettent aux investisseurs de s’enrichir et d’avoir de meilleurs rendements.
« Les frais de gestion ou de transaction sont une partie de l’équation, mais force est de constater que d’autres facteurs comptent, comme le tempérament des investisseurs et ce dans quoi ils placent leur épargne », explique Cimon Plante, de la Banque Nationale. Il mentionne notamment les résultats d’une étude de Dalbar qui a révélé que sur un horizon de 30 ans, l’investisseur moyen au profil équilibré a obtenu un rendement annuel de 2,95%, contrairement au rendement moyen du S&P 500 de 10,65%. (Illustration Données Dalbar/tableau de C.P.)
« Si, par exemple, en avril 2010, un investisseur a choisi d’investir dans un FNB comme le XIC (XIC, 32,76 $), qui calque le rendement de la Bourse de Toronto, il aurait enregistré à ce jour un rendement annuel composé de 5,83%. En revanche, un FNB canadien qui réplique le S&P 500, aurait procuré un rendement annuel composé de 10,03% durant la même période, soit presque le double.» Cimon Plante est d’avis qu’il y a de la place pour une variété d’options pour les investisseurs. Celle des comptes de courtage sans frais de transaction en est une, mais elle recèle aussi son lot de défis. « Ce n’est pas juste une question de frais. On l’a vu pendant la crise sanitaire, où plusieurs ont paniqué et vendu à la baisse, d’autant plus que ces solutions sans frais de transaction peuvent amener l’investisseur à multiplier les ventes et les achats inutilement. »
Je suis trop jeune ou trop vieux pour commencer à investir.
« Plus vous êtes jeune, plus votre argent va travailler longtemps pour vous », mentionne Youcef Ghellache. Il précise du même souffle qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.
« L’important, c’est de se lancer. Mais plus une personne commence tard, plus l’effort financier pour parvenir à son objectif sera grand. » Il donne l’exemple du jeune de 25 ans qui voudrait être millionnaire à 65 ans. Si l’on suppose un rendement annuel de 7% pour atteindre son objectif, ce dernier devra investir 315$ chaque mois pendant 40 ans. Pour réaliser la même chose, un homme de 50 ans devra investir chaque mois la rondelette somme de 2 841$. (tableau Votre Conseiller.net.)
« L’idée, c’est de laisser les placements travailler sans interrompre l’effet des intérêts composés. » Selon Mary Hagerman, plus on commence jeune, mieux c’est. « Pour moi, le mythe tient davantage à cette perception autour de la place des actions dans le portefeuille d’une personne plus âgée », nuance-t-elle. « La fameuse règle du 100 moins l’âge de l’investisseur qui devrait constituer sa pondération en actions (« vs. » titres en revenu fixe) ne doit pas être prise au pied de la lettre. » Il faut tenir compte de plusieurs facteurs : les besoins en liquidités, la fiscalité, la succession, l’espérance de vie, la tolérance au risque, le décaissement, etc. « Mais il est vrai qu’à long terme, les actions ont historiquement mieux performé. »
La Bourse permet de s’enrichir rapidement.
« Au contraire, plus tu es investi à court terme dans le marché, moins bonnes sont tes probabilités d’avoir un rendement positif », signale Cimon Plante. En fait, selon des données historiques tirées de l’indice américain du S&P 500 (Illustration Données de Refinitiv entre 1969 et 2022/tableau de C.P.), un investisseur a 38% de probabilité d’avoir un rendement négatif s’il est investi pour moins d’un mois. « La réalité, c’est qu’à court terme, tu as un vent contraire. Après trois mois, déjà, cela baisse à 32%. Après un an, c’est de l’ordre de 23%, soit 77% de chance que le rendement soit positif. Après dix ans, l’investisseur a 95% de probabilité que son rendement soit positif. »
Le gestionnaire de la Banque Nationale réitère que c’est le temps dans le marché qui fait toute la différence. Il rappelle que la moyenne annuelle des trente dernières années du rendement du S&P 500 est d’environ 7,82%. « Par contre, si tu as manqué les 10 meilleures journées durant la période, ton rendement n’est que de 5,06%. Et si tu as manqué les 30 meilleures journées, ton rendement n’est que de 1,68%. C’est une poignée de journées qui font la différence sur le rendement à long terme. Il faudrait être très chanceux pour réussir à cibler ces journées sur un tel horizon. » Ce n’est donc pas étonnant, selon lui, que l’on ne retrouve pas de spéculateurs sur séance (« Day Traders ») dans le classement « Forbes » des gens les plus riches de la planète.
Il faut rembourser ses dettes avant d’investir en Bourse.
« Cela dépend du type de dette », précise le professeur Youcef Ghellache. « Si ce sont des dettes de consommation, oui, car on parle généralement de taux d’intérêt élevé autour de 10%, 15% et 20%. Un rendement garanti qu’il est difficile d’obtenir à la Bourse. Il faut donc prioriser le remboursement de ce type de dette. »
En revanche, si ce sont des dettes d’études, où il existe des crédits d’impôt, ou une dette comme l’hypothèque, pour laquelle les taux d’intérêt sont plus faibles puisqu’ils sont garantis par un actif immobilier, il peut être plus avantageux d’investir à ce moment. Au fond, comme l’explique le fondateur du site Éducfinance, il faut calculer le rendement à battre. D’autant plus qu’un investissement comporte sa part de risque. « Si une personne a choisi de rembourser sa dette à raison d’un montant donné par semaine ou par mois, elle peut ensuite garder la même discipline pour amorcer son plan d’investissement. »
Il rappelle que lorsqu’on investit, la fiscalité peut aussi aider l’investisseur dans son processus d’enrichissement. « Investir dans un REER va générer des économies d’impôt et les montants investis dans le CELI croîtront à l’abri de l’impôt. Il ne faut pas négliger le potentiel de ces outils. » Il recommande aux gens de se faire un budget et un plan financier. « Il faut aussi respecter son profil d’investisseur et son horizon de placement. Si on est allergique au risque, il faut être conséquent dans ses choix de placement. »
Investir responsable, c’est accepter un rendement inférieur.
« Faux », souligne Thomas Estinès, codirecteur général du Groupe investissement responsable. Ce dernier s’appuie sur plusieurs sources, dont des études indépendantes et universitaires qui montrent que l’investissement responsable n’est pas un frein au rendement. « Au contraire, au pis, cela n’a pas d’effet négatif, au mieux, cela a un effet positif sur le rendement. »
Il mentionne, entre autres, une méta-analyse (Gunnar Friede, Timo Busch & Alexander Bassen, 2015), parue dans le « Journal of Sustainable Finance & Investment », qui s’est penchée sur un ensemble de 2000 études publiées depuis 1970. Plus de 90% des études analysées montrent plutôt « une corrélation neutre ou positive entre le rendement des sociétés selon les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et celle selon des résultats financiers », comme le souligne Desjardins gestion internationale d’actifs dans sa publication de mars 2021 intitulée « L’Investissement responsable (IR) : au-delà du mythe » (Illustration voir étude en pièce jointe). L’équipe de Desjardins met aussi en exergue que plus de 92% des études montrent que l’IR a une corrélation neutre ou positive sur le rendement, contre seulement 8% qui auraient une corrélation négative. « À la lumière des études connues, on peut dire qu’investir ne nuit pas à la performance, au contraire.
Investir de manière responsable, c’est être plus vigilant et vouloir mitiger les risques extérieurs dans le choix de ses placements », soutient Thomas Estinès. La popularité de l’IR ne semble pas sur le point de s’essouffler. Les ventes nettes des fonds communs de placement et des FNB axés sur les facteurs ESG ont « considérablement augmenté ces trois dernières années », selon le dernier rapport 2022 sur les fonds d’investissement de l’Institut des fonds d’investissement du Canada. (Illustration voir rapport en pièce jointe)
Il faut savoir synchroniser le marché pour investir. Acheter bas et vendre haut est la route vers le succès.
« C’est peut-être l’un des principaux mythes en investissement, tout droit sorti du pays des licornes. Cela relève du fantasme et de la croyance pour certains, que de penser qu’ils ont les compétences et les connaissances pour prédire les fluctuations des marchés », affirme Vincent Fournier, de Claret. Il rappelle que les plus grandes fortunes en Bourse se sont bâties sur le long terme. « Ça fait 25 ans que je suis dans le milieu et, règle générale, ce sont ceux qui croient pouvoir prédire les marchés qui ont le moins de succès. » Selon lui, un investisseur peut être chanceux occasionnellement et sortir ses billes à temps ou investir au bon moment, mais c’est l’exception à la règle. Il croit que certaines personnes regardent les graphiques d’une action et tirent la conclusion qu’ils peuvent maintenant prédire les divers patrons de fluctuations. « C’est une erreur assez répandue. On peut bien se baser sur des données passées, mais ce n’est pas garant de l’avenir pour autant. »
Pour investir et avoir du succès, il faut connaître les rouages de la Bourse.
« Non, au contraire, ça peut être relativement simple d’investir avec toutes les ressources offertes de nos jours. » Selon Youcef Ghellache, il n’y a jamais eu meilleur moment pour faire ses premiers pas en Bourse que ces dernières années. « Auparavant, l’information était peut-être moins accessible, mais ça s’est démocratisé énormément. »
Non seulement depuis l’arrivée d’Internet, mais encore ces dernières années, grâce à la multiplication des plateformes de courtage en ligne sans frais de transaction, fait-il remarquer. « Il y a une compétition dans l’offre de services. Il y en a pour tous les goûts. »
Il signale que l’investisseur néophyte a accès à une tonne d’information en ligne, à des baladodiffusions, à des tutoriels et à des formations. Des plateformes de courtage offrent même des services de robots-conseillers. L’investisseur peut aussi opter pour de la gestion passive, c’est-à-dire de l’investissement indiciel à l’aide de FNB à bas frais de gestion. « Si quelqu’un n’est tout simplement pas intéressé à connaître les rouages de la Bourse et tout le jargon financier, cette solution simplifiée peut être à privilégier, car elle demande très peu d’efforts. »
Mieux vaut investir dans l’immobilier que dans la Bourse.
« J’ai assisté, il y a quelques années, à une conférence donnée par le CFA Institute. Il y était question d’une étude menée au Danemark — plus précisément dans un quartier de Copenhague — sur les prix de l’immobilier. Cela couvrait des décennies, voire des siècles. Il y avait bien sûr des années fastes et d’autres moins favorables, mais grosso modo, l’étude concluait que le rendement immobilier sur le très long terme était légèrement plus élevé que l’inflation », souligne Vincent Fournier. Des données tirées d’un article du site Investopedia « Has Real Estate or the Stock Market performed better historically? » abondent aussi dans ce sens.
Si l’on compare le rendement du marché de l’immobilier américain entre mars 1992 et mars 2022, celui-ci s’établit autour de 5,3% par année. Le rendement de l’indice boursier du S&P 500 est de 9,5% annuellement durant la même période. Sur une plus longue période, c’est-à-dire de 1975 à 2022, un investissement de 100$ dans une maison moyenne aux États-Unis aurait crû jusqu’à 928$, alors que la même somme investie dans le S&P 500 se serait transformée en 19 351 $ (en tenant compte des dividendes réinvestis).
« L’immobilier, ça reste quelque chose de tangible pour le commun des mortels. C’est de la brique et du mortier que tu peux toucher. C’est aussi moins volatil. Les prix ne fluctuent pas chaque jour comme à la Bourse (« Mark to Market »). Le gain en capital est aussi non imposable sur ta résidence principale et tu peux te servir de cet actif comme effet de levier. C’est aussi de l’épargne forcée. »
En revanche, note le gestionnaire, un investisseur peut commencer à la Bourse avec une petite somme d’argent. Il a cette liberté. Il peut aussi se bâtir facilement un portefeuille diversifié et plus sécuritaire avec plusieurs catégories d’actifs, comme des actions et des obligations. « Avec ta maison, ton actif peut être concentré, alors que si tu détiens plusieurs titres, s’il y en a un qui tombe au combat, tu en as d’autres pour te sauver. Je miserais assurément sur la Bourse pour surperformer l’immobilier. »
Mieux vaut ne pas investir que de tout perdre.
« Ne pas investir, c’est, dans les faits, perdre de l’argent », lance Youcef Ghellache. Il précise que l’argent d’aujourd’hui, s’il n’est pas investi, perdra de son pouvoir d’achat avec le temps. La coupable : l’inflation qui est d’environ 5,2% actuellement.
Évidemment, qui dit rendement, dit prendre un minimum de risque. « Si tu laisses ton argent poireauter dans ton compte bancaire, ça ne rapportera pas grand-chose. L’investisseur doit arriver à battre l’inflation en générant un rendement supérieur. » Il existe toutes sortes de produits financiers pour ce faire. Comme il le rappelle, certains sont plus sécuritaires, comme les obligations, les bons du Trésor ou les certificats de placement garanti. D’autres sont plus risqués, mais offrent de meilleures perspectives de croissance à la Bourse : les actions, les fonds communs de placement ou les FNB, par exemple. « Il faut investir si on cherche à atteindre une certaine liberté financière. Il faut toutefois trouver le moyen qui nous convient et respecter notre profil de risque. »
Le dividende est tout ce qui compte en investissement.
Le versement d’un dividende est l’une des options que possède une entreprise pour récompenser ses actionnaires. Elle peut aussi racheter de ses propres actions, ce qui en diminue le nombre en circulation et fait grimper leur valeur, ou elle peut réinvestir le capital accumulé dans son modèle d’affaires ou l’utiliser pour faire des acquisitions, explique Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret. « C’est également un outil parmi d’autres pour évaluer la qualité d’une entreprise. Mais ce n’est qu’une partie de l’équation, alors oui, il s’agit bien d’un mythe : le dividende n’est pas tout en investissement. »
Il rappelle qu’antérieurement, aux États-Unis, il était plus avantageux fiscalement de redistribuer des profits aux actionnaires sous la forme de dividende. « De 1940 à 1960, le taux marginal supérieur était très élevé. Par contre, les dividendes donnaient droit à un crédit d’impôt pour favoriser l’investissement. Il y a eu par la suite plusieurs réformes fiscales. Le gestionnaire est d’avis que le dividende peut être très intéressant pour un investisseur, car il procure un revenu. « C’est de l’argent sonnant, mais ce n’est pas non plus la panacée. » Il fait remarquer qu’un titre peut avoir crû énormément en Bourse parce que l’entreprise a bien réinvesti son capital plutôt que de le redistribuer à ses actionnaires. Pareillement, un titre d’entreprise peut choisir de verser un petit dividende, mais de réinvestir ses bénéfices dans ses opérations. « Je pense à Microsoft, notamment. »
Plus on est diversifié, mieux c’est.
« Faux », affirme tout de go Luc Girard, qui précise toutefois que la diversification est essentielle en investissement, tant sur le plan du nombre de positions détenues que des secteurs d’activité couverts (finance, consommation, technologie, etc.) que de la géographie (Canada, États-Unis, international, etc.).
Il fait cependant écho à ce que l’investisseur de renom Peter Lynch appelait la « Diworsification », c’est-à-dire la surdiversification, qui nuit au rendement du portefeuille. Il mentionne que l’économiste américain Harry Markowitz a fortement influencé le milieu de la finance dans les années 1950 avec sa théorie moderne du portefeuille, dont le concept de diversification et d’optimisation est la pierre angulaire. (Illustration : image de l’économiste ?) « En gros, c’est une courbe sur un graphique qui fait état de tous les portefeuilles potentiels et qui nous permet de trouver le meilleur portefeuille en rapport avec l’espérance de rendement et le risque couru. » Selon le gestionnaire de portefeuille de Valeurs mobilières Desjardins, un des dangers avec la surdiversification est d’avoir trop de titres qui sont fortement corrélés. « Posséder toutes les banques canadiennes dans un portefeuille, par exemple, peut toutes sensiblement bouger dans la même direction! » Le deuxième danger est d’avoir trop de titres dont la pondération est peu importante. « Si vous avez 300 titres et que le plus petit représente 0,005 % du portefeuille, même s’il double ou triple, il n’aura aucune influence sur le rendement total de votre portefeuille. »
Il faut acheter et conserver (« buy and hold ») pour avoir du succès.
« Ce n’est pas un mythe, car c’est avec le temps que va s’opérer la magie des intérêts composés », dit Vincent Fournier. Le gestionnaire de Claret fait remarquer la courbe ascendante d’un indice comme celui du S&P 500 américain. « À court terme, on voit plutôt les fluctuations, mais sur 30 ans, on discerne clairement la direction ascendante. Encore davantage sur un plus grand horizon. »
C’est sur la durée que les intérêts composés produisent leurs effets. Le grand scientifique Einstein aurait supposément (il s’agit peut-être d’un mythe) dit ceci des intérêts composés : « Celui qui peut bien comprendre l’intérêt composé en bénéficie, celui qui ne le comprend pas… le paie. » Le gestionnaire précise toutefois que pour que le temps fasse son œuvre, le portefeuille de l’investisseur doit respecter certaines normes de qualité. « Il doit y avoir une bonne diversification, être investi dans des titres ou des produits financiers de qualité. Même l’indice du S&P 500 n’est pas figé dans le temps. »
La majorité des gestionnaires de portefeuille battent les principaux indices boursiers.
« Non, et c’est documenté », dit Mary Hagerman, de la société de placements Raymond James. Elle fait remarquer qu’en 2022, selon des données SPIVA (S&P Indices versus Active. Les données SPIVA ont pour objectif de comparer les performances des fonds gérés activement par rapport à leur indice de référence), plus de la moitié des fonds de gestion active ont sous-performé leurs indices de référence, que ce soit les fonds d’actions canadiennes, américaines ou mondiales.
« En fait, si on regarde sur un horizon de trois, cinq et dix ans, l’écart se creuse davantage. » Par exemple, au cours de cette période, les fonds de gestion active d’actions canadiennes ont sous-performé leur indice dans une proportion respective de 84%, 93% et 85%. Les données sont similaires pour les fonds d’actions mondiales et internationales. « C’est encore plus marqué pour le marché américain, où les fonds de gestion active ont sous-performé leur indice de 94%, 96% et 98% sur un horizon de 3, 5 et 10 ans. » (Illustration : données SPIVA fournies par l’experte)
Comment expliquer cela ? « Un ensemble de facteurs, dont les émotions et les frais de gestion. » La crise financière de 2008 a été pour Mary Hagerman une sorte d’éveil. « J’ai été déçue de constater comment avaient été gérés le capital et les liquidités dans l’après-crise; je me suis mise à intégrer graduellement les FNB dans les portefeuilles de mes clients. » Elle est d’avis que cela explique aussi la popularité de la gestion indicielle et la croissance de l’offre en FNB.
Le fondateur du site Éducfinance, Youcef Ghellache, rappelle à ce sujet le défi que le célèbre investisseur d’Omaha, Warren Buffet, a lancé en 2008 à des gestionnaires de fonds spéculatifs (« hedge funds »). Il a parié 1 million de dollars qu’en raison des frais inhérents à ces fonds, ceux-ci n’arriveraient pas à battre, sur une période de dix ans, le rendement d’un simple FNB indiciel comme celui du S&P 500 de Vanguard. Un seul fonds de couverture a accepté le pari, soit Protégé Partners LLC, et son cofondateur a dû concéder la défaite avant même la date de fin prévue du 31 décembre 2017!