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Estomper le mirage des rendements élevés

Karine Turcotte|Édition de la mi‑octobre 2021

Estomper le mirage des rendements élevés

(Photo: 123RF)

L’ART D’INVESTIR. Après plusieurs années de dur labeur, vous êtes maintenant mûr pour la retraite, ce moment crucial où vous devrez commencer à tirer une rente à même votre portefeuille de placements. C’est alors qu’un bon matin, sirotant votre café, vous remarquez cette publicité d’un produit de placement à revenu fixe vous promettant une distribution de 5 % par an. À peu de chose près, ce taux de 5 % représente le seuil nécessaire pour vivre une retraite à la hauteur de vos attentes.

Vérification faite : les taux d’intérêt sont extrêmement bas. Une obligation du gouvernement canadien venant à échéance dans 10 ans s’accompagne d’un taux de rendement à maturité de 1,23 %. L’indice des obligations canadiennes (obligations universelles FTSE Canada) rapporte environ 1,70 %.

Dans un tel contexte de taux d’intérêt anémiques, comment certaines institutions arrivent-elles à faire miroiter d’aussi généreuses distributions de 5 % ?

 

Faire la différence entre distribution et rendement

Démêlons d’abord les termes utilisés. Il ne faut pas confondre un revenu annuel de 5 % et un rendement annuel de 5 %. Un revenu représente la distribution qui sera déposée dans votre compte bancaire en pourcentage du montant investi.

Par exemple, pour un investissement de 150 000 $, vous recevrez 625 $ par mois (revenu annuel de 5 %). Une partie de ce montant vient du rendement obtenu d’un produit financier alors qu’une autre partie vient de votre propre capital qu’on vous remet.

Pour connaître le rendement qu’on peut réellement espérer d’un tel produit financier de titres à revenu fixe, il faut s’intéresser au rendement moyen à échéance du placement. Tel qu’il a été stipulé précédemment avec l’indice des obligations universelles FTSE Canada, il est difficile d’entrevoir des rendements beaucoup plus élevés que 2 % par an d’un produit financier à revenu fixe. Il ne faut pas non plus oublier de retrancher les frais liés au produit (frais de gestion, frais versés au conseiller) pouvant aisément excéder 1 % par an.

Si le produit financier offre un rendement de 1 % par an après les frais, le 4 % restant est financé par votre propre argent, ni plus ni moins.

Comme de tels produits financiers vous remettent en quelque sorte votre propre argent, la valeur marchande de votre placement risque de diminuer et, à plus long terme, le montant de la rente, initialement établi à 625 $, pourrait également être revu à la baisse. Voilà une situation périlleuse qui pourrait mettre à mal votre plan de retraite.

 

Détenir la bonne quantité de revenus fixes

Dans l’environnement actuel, obtenir bon an, mal an une rente stable de 5 % pour un portefeuille de titres obligataires est une tâche quasi impossible sans miner le capital initialement investi. Bien sûr, les retraités le souhaitent, mais l’obtenir sans risquer des dommages collatéraux est en quelque sorte rêver en couleur.

Puisque les obligations rapportent peu, nombreux sont ceux qui se tournent vers les actions pour améliorer le potentiel de rendement. Plus que jamais, il est critique de détenir la juste pondération en titres à revenu fixe en fonction de l’ensemble de sa situation financière et de sa tolérance au risque.

Il faut aussi se préparer encore plus pour ajuster le tir si requis et non pas essayer de trouver une solution miracle à la veille de la retraite. Par-dessus tout, c’est le rendement total du portefeuille après déduction des frais qu’il faut considérer. Ce dernier dépend ultimement de la capacité du gestionnaire à créer de la valeur ajoutée. La distribution n’est qu’un mirage et prendre une décision d’investissement sur sa seule base se révèle fort risqué.

La prochaine fois qu’on vous vantera les mérites d’une distribution élevée, demandez-vous quel taux de rendement le produit financier peut générer à long terme, peu importe ce qu’on vous verse. À défaut d’avoir la réponse, passez votre chemin et continuez plutôt de siroter calmement votre café.

 

EXPERTE INVITÉE
Karine Turcotte
est gestionnaire de portefeuille et associée à Medici.