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Inflation: nos conseils pour retaper votre portefeuille

Denis Lalonde|Édition de la mi‑septembre 2022

Inflation: nos conseils pour retaper votre portefeuille

(Photo: 123RF)

Avec l’inflation qui reste au-dessus de la normale tant au Canada qu’aux États-Unis, les banques centrales n’ont d’autre choix que de relever les taux d’intérêt pour empêcher une spirale qui risque de devenir incontrôlable. Voici comment les investisseurs doivent réagir s’ils ne veulent pas voir leur portefeuille se désagréger.

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«Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on sort de plusieurs années qui ont été très favorables aux investisseurs. Lorsque les taux d’intérêt reculent et restent très bas, les prix des obligations grimpent, tout comme les évaluations des actions. C’est ce qui explique que les deux catégories d’actifs ont bien performé jusqu’à tout récemment», raconte Michael White, responsable des stratégies multi-actifs à Gestion d’actifsPicton Mahoney.

Ce dernier précise que cette tendance qui remonte à la crise financière de 2008-2009 (la Fed a ramené son taux directeur entre 0% et 0,25 % en décembre 2008) a fait en sorte que les investisseurs ont pu se bâtir des portefeuilles en ignorant le risque des taux d’intérêt.

«Beaucoup se sont mis à chasser les entreprises technologiques bien en vue sur les places boursières sans se préoccuper de l’augmentation de la sensibilité de leur portefeuille aux taux d’intérêt. Ce que nous savions déjà, c’est que lorsque les taux d’intérêt montent, la valeur des obligations recule. Mais cette année, de nombreux investisseurs ont appris à la dure que la valeur des titres boursiers peut aussi en être affectée», explique-t-il.

Pour combattre la hausse des taux d’intérêt qui comprime la valorisation des titres boursiers, les investisseurs doivent selon lui ajouter d’autres outils à leur portefeuille, en misant par exemple sur l’achat et la vente de contrats à terme liés aux ressources naturelles, industrie qui a la réputation d’être sensible à l’inflation.

«Il n’est pas question d’acheter un baril de pétrole et de l’entreposer dans son garage ni d’acheter des titres de pétrolières, mais bien de détenir un contrat à terme sur un baril et de le vendre avant l’échéance», illustre-t-il.

Du côté des titres à revenu fixe, les obligations à rendement réel (ORR) versent un taux d’intérêt nominal qui est ensuite ajusté selon l’inflation à la fin d’une période donnée, selon ce que mesure l’indice des prix à la consommation (IPC). «Ces produits sont toutefois loin d’être parfaits, car l’IPC est un indicateur retardataire», concède Michael White.

 

Des occasions dans toutes les industries

Kathrin Forrest, spécialiste des placements en actions à Capital Group Canada, continue de voir beaucoup d’occasions d’achat dans de nombreuses industries et géographies.

Elle rappelle que les marchés boursiers évoluent dans un contexte géopolitique difficile depuis le début de la guerre en Ukraine, venue s’ajouter à des problèmes bien connus de chaînes d’approvisionnement, sans oublier la pénurie de main-d’oeuvre qui pousse les salaires à la hausse.

«Les coûts de fabrication et de transport ont progressé, ce qui met de la pression sur les marges bénéficiaires des entreprises. Celles qui ne peuvent pas relever leurs prix sans affecter radicalement la demande pour leurs produits ou services risquent de se retrouver en mauvaise posture», analyse-t-elle.

Dans ce contexte, si on conseille toujours aux investisseurs d’être très sélectifs, c’est encore plus vrai en période de forte inflation. Kathrin Forrest recommande aux investisseurs de miser sur les entreprises dont les marges bénéficiaires restent élevées et stables et dont les produits bénéficient d’un avantage concurrentiel ou technologique, ce qui rend la demande pour ceux-ci peu sensible aux cycles économiques.

«On peut trouver des exemples du côté des entreprises de soins de santé et des pharmaceutiques, de même que pour les fabricants de puces informatiques, grâce aux brevets qu’ils possèdent», explique-t-elle, ajoutant qu’une autre industrie à examiner est celle des produits de luxe. «Les sociétés qui possèdent une marque de commerce forte et des produits exclusifs peuvent s’appuyer sur une clientèle très fortunée peu affectée par les hausses de prix.»

 

La Fed montre son sérieux

Le 26 août, au symposium des banquiers centraux de Jackson Hole, dans l’État du Wyoming, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, a d’ailleurs servi une douche froide aux marchés financiers en déclarant qu’il était déterminé à combattre l’inflation, affirmant que la lutte allait faire «souffrir les entreprises et les ménages du pays».

Le dirigeant de la Fed passait ainsi un message clair, à savoir qu’il entendait utiliser tous les outils à sa disposition pour faire redescendre l’inflation à la cible de 2 % à 3 % en continuant de relever les taux d’intérêt.

«Pour les intervenants de marché qui n’étaient pas convaincus du sérieux de la Fed de mater l’inflation, Jerome Powell leur a servi un sérieux avertissement. La Fed devra remonter son taux directeur au-dessus du niveau de l’inflation, ce qui implique des rendements médiocres à court terme tant pour le marché obligataire que pour la Bourse», dit Yanick Desnoyers, viceprésident et économiste principal à Addenda Capital.

«C’est mathématique. Ramener l’inflation à 2 % quand la hausse des coûts unitaires en main-d’oeuvre se situe entre 8 % et 9 % sur une base annuelle, ce n’est pas réaliste. Les marchés boursiers ne prennent pas en compte ce changement structurel démographique», rappelle-t-il.

Malgré tout, Michael White est d’avis que les investisseurs disciplinés le font en tout temps et devraient continuer de bâtir leur pécule même en ces temps difficiles. «Ceux qui tentent de synchroniser leurs transactions avec les sommets et les creux cycliques des marchés boursiers échouent la plupart du temps et se retrouvent à faire le contraire de l’adage qui dit qu’il faut vendre au sommet et acheter au creux. Par contre, si vous n’aimez pas ce qui se passe dans votre portefeuille, le moment est bien choisi pour revoir comment il est bâti», croit-il.

À son avis, les portefeuilles classiques composés uniquement d’actions et d’obligations sont dépassés. Ceux-ci auraient tout intérêt à intégrer des contrats à terme, des options et des stratégies différentes pour en réduire la volatilité.

 

 

2% à 3%

Le président de la Fed, Jerome Powell, a passé un message clair à l’effet qu’il entendait utiliser tous les outils à sa disposition pour faire redescendre l’inflation à la cible de 2% à 3% en continuant de relever les taux d’intérêt.

 

 

CONSEILS DE L’EXPERT
Bientôt une «occasion cyclique»

Yanick Desnoyers, VP et économiste principal, Addenda Capital. (Photo: courtoisie)

Les investisseurs doivent davantage tourner leur regard sur le moyen terme que sur le court terme, selon Yanick Desnoyers. D’après lui, les investisseurs se retrouveront bientôt devant une «occasion cyclique».

À son avis, le meilleur moment pour acheter des actions est lorsqu’une économie entre en récession, que les bénéfices des entreprises ont reculé de 20 % ou plus et que les évaluations en Bourse reflètent cette situation. «La tendance de l’être humain, c’est de penser que ce qu’on vit aujourd’hui va se perpétuer. L’économie est cyclique et une récession dure habituellement de six à 18 mois. Une récession, ça n’a jamais été permanent et ça ne le sera jamais.»

Il recommande pour le moment d’éviter les secteurs cycliques et de miser sur ceux qui sont plus défensifs, comme la consommation de base. «Le secteur de l’énergie, qui a bien performé depuis le début de l’année, est très cyclique. Est-ce encore le moment d’acheter quand, selon nos scénarios, l’économie américaine entrera en récession en 2024 ? Il fallait miser sur l’industrie pétrolière quand le baril de brut était à 30$ US ou 40$ US en 2020.

Il croit que le gros des gain est déjà fait.

«C’est une erreur typique de courir après les rendements après qu’ils aient été générés. À un an ou deux d’une récession, le risque est beaucoup plus élevé d’investir dans l’énergie qu’il y a un an et demi», croit-il.