Le top 50 des capitalisations boursières du Québec inc.
Charles Poulin|Édition de la mi‑Décembre 2022(Photo: 123RF)
Les Affaires lance un nouveau Top 50 du Québec inc.pour 2022, pour observer comment les entreprises d’ici se sont débrouillées au cours d’une année hors de l’ordinaire marquée par les pressions inflationnistes, les hausses de taux d’intérêt, les problèmes de chaîne d’approvisionnement, la pénurie de main-d’oeuvre et les risques de récession.
Voici quelques analyses d’entreprises qui ont connu de bons et de moins bons rendements durant la dernière année.
Méthodologie
Pour mettre sur pied notre palmarès, nous avons sélectionné les 50 plus grandes entreprises en matière de capitalisation boursière ayant leur siège social au Québec. Pour déterminer lesquelles ont connu la meilleure — ou la pire — année, nous avons regardé leur rendement sur un an (entre le 1er décembre 2021 et le 30 novembre 2022). Comme vous pouvez le constater dans le classement, 23 d’entre elles ont obtenu un rendement positif, ce qui leur a valu de mieux performer que l’indice canadien de référence, le S&P/TSX, qui a subi un léger recul de 0,05 % durant la période.
Reunion Gold — 1er
Le titre qui prend le premier rang du classement est également celui qui a le cours le plus bas des 50 entreprises de notre liste. Il est aussi celui qui a le plus grandement profité de la fin d’année 2021 avant de fortement ralentir, suivant le mouvement des principaux indices boursiers.
Il faut évidemment garder en tête qu’un titre à cours bas s’apprécie plus rapidement qu’un autre à cours plus haut en matière de pourcentage. De plus, comme l’entreprise basée à Longueuil (notre troisième plus petite capitalisation boursière, à 465 M$) n’a pas encore de revenus importants, le titre est spéculatif, comme le considère notamment iA Marchés des capitaux, ce qui ne l’a pas empêché de procurer de forts gains aux investisseurs depuis 12 mois.
L’entreprise minière n’a presque pas de dette, mais ses liquidités atteignaient près de 52 millions de dollars (M$) à la fin du troisième trimestre de 2022. Selon Cormark Securities, cela lui permettra d’être entièrement financée jusqu’à la fin de la phase de forage exploratoire du projet Oko West, situé en Guyane, qui devrait aboutir à l’extraction des premières onces d’or au premier trimestre de 2023.
Le projet est au cœur des activités de Reunion Gold et est également l’attrait central des investisseurs.
« Compte tenu des catalyseurs à venir, nous aimons le ratio risque/récompense offert par Reunion, note Cormark. Nous croyons que l’entreprise continuera de se réajuster au fur et à mesure que le potentiel de classe mondiale de la propriété se réalisera pleinement grâce aux forages supplémentaires. »
La firme Sadif Investments Analytics, elle, estime que Reunion a des perspectives incertaines et que le sentiment du marché à l’égard de la société aurifère est devenu plus tiède au fur et à mesure que l’année avançait, ce qui reflète assez bien son rendement progressif (273,9% sur les 12 derniers mois, 207,1% en 2022, 68,6% sur six mois et 0% dans le dernier mois).
Uni-Sélect — 4e
Uni-Sélect s’est quelque peu révélée être la « chouchou » des entreprises québécoises auprès des investisseurs depuis l’arrivée d’un nouveau PDG, Brian McManus, au printemps 2021.
L’entreprise de Boucherville, que l’on retrouve au quatrième rang de notre classement (+78%), a terminé l’année 2021 sur les chapeaux de roues : le cours du titre s’est multiplié par trois en 2021.
Le distributeur de produits de réparation automobile a poursuivi sur sa lancée en 2022, avec des résultats de l’exercice 2021 supérieurs aux prévisions, montrant des revenus en hausse de 9% et une rentabilité supérieure à celle de 2020 ainsi qu’une dette réduite. Un signe indéniable que le plan de revirement mis en place par Brian McManus au deuxième trimestre de 2021 a porté ses fruits.
L’analyste Nauman Satti, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, indiquait en mai que la réduction de la dette d’Uni-Sélect ouvrait la porte à de nouvelles fusions et acquisitions. Deux mois plus tard, l’entreprise procédait à l’achat du distributeur de pièces ontarien Maslack Supply pour une somme de plus de 30 M$.
Puis, en septembre, le titre a réintégré l’indice S&P/TSX. Uni-Sélect avait auparavant fait partie de l’indice entre 2015 et 2019.
Cormark Securities rappelle qu’Uni-Sélect a terminé son parcours des 12 derniers mois en force. Pour le troisième terminé en septembre, la société a dévoilé des ventes de 542,7 M$ (+6% annuellement) et un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de 49,3 M$, en progression de 17% sur un an et au-delà du consensus des analystes de 46,4 M$.
L’analyste David Ocampo, de Cormark, a d’ailleurs fait grimper son cours cible sur un an du titre de 5 $ pour le faire passer à 50$, après le dévoilement des résultats du troisième trimestre.
Canadien National — 17e
Le Canadien National (CN) s’est démarqué en 2022. En plus de se classer 17e au top 50, l’entreprise a affiché un rendement annuel de 8,6% dans un marché définitivement à la baisse. Elle mérite amplement son titre de titre défensif en tant qu’entreprise ferroviaire.
« Comparativement à l’indice S&P/TSX 60 depuis le début de l’année, l’augmentation relative est de 15,3% pour les détenteurs du titre, mentionne la publication BuySellSignals. L’entreprise a mieux performé que 85% des autres titres cotés au Canada. »
Un des attraits du titre en cette période d’incertitude économique est le dividende récurrent qu’il offre. Le dividende total en 2022 aura été de 2,81$ par action, ce qui représente, selon BuySellSignals, un retour de 1,7% à 161,40$ l’action.
La publication place l’entreprise au premier rang parmi les 12 entreprises du secteur logistique canadien au chapitre de la capitalisation boursière
Du côté des points négatifs, l’entreprise a été écartée de la vente des actifs de Kansas City Southern (KCS), aux États-Unis. De plus, après la démission de Jean Charest du conseil d’administration de l’entreprise le 31 mars, l’entreprise s’est retrouvée sans administrateur francophone, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. Cette dernière crise a été dénouée avec la nomination, cinq mois plus tard, de Michel Letellier.
Lightspeed — 47e et Nuvei — 48e
Lightspeed Commerce et Nuvei ressentent encore, un an plus tard, les effets de rapports pessimistes du vendeur à découvert Spruce Point Capital. Les deux entreprises se retrouvent en queue de peloton du classement de « Les Affaires » à la suite de l’affaissement du cours de leur titre.
Le titre de Lighspeed a perdu 72% entre son sommet de 165$ atteint en septembre 2021, dans les jours précédant la publication du rapport de Spruce Point, et la mi-janvier 2022 (46$). Si le classement de « Les Affaires » avait démarré en septembre 2021 plutôt qu’en décembre de la même année, le rendement négatif aurait été encore plus grand.
Du côté de Nuvei, l’attaque de Spruce Point Capital est survenue en décembre 2021. Le titre a chuté de 40% en une seule journée à la suite de la publication du rapport.
Si aucune des deux entreprises québécoises, respectivement spécialisées en commerce infonuagique et en solutions de paiements, n’a pas encore récupéré la pleine valorisation d’avant ces rapports, les choses ont toutefois évolué en 2022.
Le fondateur de Lightspeed, Dax Silva, a quitté le navire en février (son départ a fait baisser le titre de 6%) et a été remplacé par Jean Paul Chauvet au poste de PDG, lui qui était auparavant président. Les résultats pour l’exercice 2022 ont ramené des ondes positives, avec des revenus de 147 M$ US, en hausse de 78% sur un an.
Une autre annonce a suscité des réactions positives, soit celle de la nomination, annoncée en octobre, de Ryan Tabone, un ancien de Google, au poste de directeur des produits et de la technologie.
À Nuvei, le titre a poursuivi sa descente amorcée après le rapport, jusqu’à la mi-juillet, pour ensuite se stabiliser autour de 40 $. Des vents contraires ont contribué à présenter des résultats mitigés au deuxième trimestre, mais l’analyste Todd Coupland, de la CIBC, estimait tout de même en juillet que l’entreprise était bien positionnée pour réaliser ses objectifs stratégiques et financiers, malgré sa petite taille et sa reconnaissance de marque moindre.
Les chiffres du troisième trimestre n’ont pas réussi à redonner du tonus au titre, même s’ils ont été qualifiés de «solides» par l’analyste Richard Tse, de la Financière Banque Nationale.
Bausch Health — 49e
Des résultats financiers décevants ont plongé le titre de l’entreprise pharmaceutique Bausch Health vers le bas dès le début de l’année 2022, mais le cours s’est stabilisé grâce à un troisième trimestre plus solide, même si le titre de la société a été exclu de l’indice S&P/TSX en septembre dernier.
Capital Cube indique que les ventes se sont retrouvées en diminution sur une base annuelle au cours des trois premiers trimestres de l’exercice financier 2022, avec des régressions consécutives de 5,38%, 6,33% et 3,08%.
Par contre, le trimestre, qui s’est terminé le 30 septembre, a permis de dégager les premiers bénéfices depuis la fin de 2021, chiffrés à 403 M$. La marge du BAIIA a atteint 56,16%, elle qui était de 44,72% au trimestre correspondant un an plus tôt. Les marges brutes ont un peu baissé, passant de 72,43% à 71,46%. Le bénéfice par action a atteint 1,10$.
Le rendement du titre semble avoir été intimement lié aux résultats décevants de l’entreprise au cours des deux premiers trimestres de 2022, mais aussi par la révision à la baisse de ses prévisions de revenus.
Les investisseurs sont également en attente de l’arrivée d’un nouveau produit. RBC Marchés des capitaux indique, dans une note publiée en novembre, que le Xifaxan, un médicament servant à traiter le syndrome du côlon irritable considéré comme le plus susceptible de générer de la croissance pour l’entreprise, devrait arriver sur le marché en 2025. Le produit est actuellement impliqué dans des procédures judiciaires liées à un brevet aux États-Unis.
Lion Électrique — 50e
L’année 2022 n’aura pas été favorable à Lion Électrique. Le constructeur de véhicules lourds électriques se retrouve au 50e et dernier rang de notre classement en raison d’un recul de 72,2%.
Brent Levenstadt, de Veritas Investment Research, souligne les problèmes de chaîne d’approvisionnement, mais explique avoir aussi des réserves quant au titre de l’entreprise québécoise en pointant ses marges bénéficiaires et son carnet de commandes.
« Les résultats du troisième trimestre ont été solides, mais la perte avant intérêts, impôts et amortissement a doublé par rapport au même trimestre en 2021, même si les revenus sont passés de 12 M$ US à 41 M$ US pendant ce temps, souligne-t-il. Les marges d’exploitation sont de plus en plus sous pression. Le carnet de commandes, dont la valeur atteint 575 M$ US, est stable séquentiellement, ce qui valide nos inquiétudes que Lion aura de la difficulté à gagner des parts de marché malgré les commandes obtenues grâce aux incitatifs gouvernementaux américains. »
Rappelons que Lion Électrique a obtenu une commande d’au moins 207 autobus électriques dans le cadre du Clean School Bus Program (Programme Autobus scolaires Propres) de la U.S. Environmental Protection Agency, à la fin octobre.
Le titre semble toutefois avoir arrêté l’hémorragie : le rendement sur six mois a été de -26,6%, et celui au cours du dernier mois était de -1,4%.