Deux pays voisins, deux réalités différentes. Tandis que les banques canadiennes doivent composer avec plusieurs ...
Deux pays voisins, deux réalités différentes. Tandis que les banques canadiennes doivent composer avec plusieurs vents de face, les banques américaines semblent bénéficier d’une situation plus avantageuse, même si elles doivent vivre avec des taux d’intérêt plus bas qui exercent une pression sur leurs marges.
Le contraste est marquant lorsqu’on compare la situation enviable des ménages aux États-Unis avec ceux du Canada, aux prises avec un seuil d’endettement record. Le consommateur américain jouit en général d’un bon crédit et a confiance en l’économie, constate Jennifer Piepszak, directrice financière chez J.P. Morgan (JPM, 119,85 $ US), à la suite de la publication des résultats de la banque en janvier dernier. Après les craintes en début d’année à cause des tensions commerciales, le sentiment des sociétés clientes, pour leur part, est nettement meilleur depuis six mois, constate-t-elle. « En conséquence, nos perspectives quant à 2020 sont très constructives », dit-elle.
La situation des grandes banques américaines semblait encore très favorable lorsqu’on regarde les plus récents résultats du quatrième trimestre 2019 publié en janvier, constate Gerard Cassidy, analyste à RBC Marchés des capitaux. « La croissance des bénéfices, comparativement à l’année précédente, a été excellente, dit-il. Le capital est demeuré robuste, la qualité du crédit est forte et la gestion des dépenses se poursuit de manière efficace. »
En effet, la croissance des bénéfices par action a été de 6,5 %, comparativement au même trimestre l’année précédente. Les revenus d’arbitrage et de banques d’affaires sont en hausse de 22,5 %, toujours par rapport à l’année précédente.
Évaluation attrayante
Ces bonnes nouvelles ont permis une forte appréciation des titres du secteur en 2019. J.P. Morgan, par exemple, a gagné près de 50 %. Malgré cette hausse, l’analyste de RBC Marchés des capitaux juge que les évaluations demeurent attrayantes selon l’angle des bénéfices et de la valeur comptable. Gerard Cassidy a fait ces commentaires avant la correction boursière à la fin février/début mars, qui a fait baisser les prix des titres bancaires et, par le fait même, les évaluations. Au moment d’écrire ces lignes, l’analyste n’a pas changé son opinion. Gerard Cassidy trouve que les titres bancaires sont sous-pondérés dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels. Il voit deux raisons qui expliquent ce désintérêt. D’abord, l’économie américaine approche d’une fin de cycle, ce qui augmenterait le risque que les mauvaises créances progressent bientôt de façon importante. De plus, si la Réserve fédérale américaine (Fed) baissait davantage les taux d’intérêt pour soutenir l’économie, cela risquerait d’affecter négativement la rentabilité des banques.
L’analyste de RBC Marché des capitaux ne partage pas ces inquiétudes. Il ne croit pas que nous soyons en fin de cycle économique. Il souligne plutôt qu’une baisse des taux à court terme causée par les actions de la Fed, lorsqu’elle s’accompagne d’une courbe de rendement plus accentuée, est bénéfique pour les banques.
Des rachats d’actions soutenus
François Rochon, président et gestionnaire de portefeuille à Giverny Capital, trouve, lui aussi, que les perspectives du secteur bancaire américain sont intéressantes. « Toutefois, on pourrait assister à court terme à une pression sur les marges nettes d’intérêt étant donné que les taux à long terme sont très bas », nuance-t-il.
Détenant des participations dans J.P. Morgan et Bank of America (BAC, 28,21 $ US), le gestionnaire indique que les rachats d’actions importants qu’effectuent plusieurs grandes banques assurent, à eux seuls, une croissance des bénéfices par action intéressante, pouvant même atteindre jusqu’à 8 %, voire 9 %. Il croit qu’une banque comme J.P. Morgan n’aura aucune difficulté à réaliser un rendement de 10 % par année au cours des cinq prochaines années.
De plus, un certain relâchement du côté de la réglementation pourrait être un élément favorable. Le volume de travail imposé aux banques pour se conformer à l’ensemble de la réglementation fait en sorte que la situation n’est certainement pas optimale, selon M. Rochon. « Mais même avec toute cette réglementation et des taux d’intérêt à long terme très bas, la rentabilité demeure bonne », souligne-t-il.
J.P. Morgan
La première de classe
Parce qu’il y a tellement d’éléments difficiles à estimer dans les opérations des grandes banques américaines, la qualité du PDG a toute son importance quand vient le temps de décider d’y investir ou non, juge François Rochon, président et gestionnaire de portefeuille à Giverny Capital. Pour lui, Jamie Dimon, le charismatique président de J.P. Morgan, est l’un des meilleurs.
Sous sa direction, J.P. Morgan est devenue la banque dominante aux États-Unis, ajoute Eric Compton, analyste à Morningstar. « Grâce à ses positions fortes dans la plupart des services bancaires et commerciaux, la banque devrait maintenir cette domination durant plusieurs années à venir », dit-il.
J.P. Morgan est la plus grande banque du pays avec ses 1,5 mille milliards de dollars américains en dépôts. Elle est la plus importante émettrice de cartes de crédit. Ses activités de banques d’affaires en font le leader mondial du secteur sur le plan des honoraires, et elle demeure un des plus gros acteurs sur le marché de l’arbitrage de titres à revenu fixe. Cette taille est un atout compte tenu des coûts toujours croissants des dépenses de réglementation et de technologie.
Cela signifie-t-il que la plus grande banque américaine constitue un pari certain pour les investisseurs ? On pourrait le croire. Toutefois, étant donné son importance systémique, elle demeurera constamment sous les projecteurs des régulateurs, note Eric Compton. « On ne lui laissera certainement aucun répit à ce chapitre », dit-il. Elle est actuellement la leader incontestable, mais elle opère dans une industrie extrêmement compétitive. « Il n’y a pas de raison pour laquelle elle serait immunisée de façon permanente contre les problèmes qui ont affecté plusieurs de ses concurrentes au cours des années », conclut l’analyste.
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J.P. Morgan est la plus grande banque des États-Unis, avec ses 1,5 mille milliards de dollars américains en dépôts.
Goldman Sachs
Promesse de transparence
Reconnue pour ses habilités et ses ressources de négociation sur les marchés des capitaux, mais aussi pour l’opacité de ses opérations, la banque de Wall Street semble maintenant vouloir être plus transparente. C’est du moins ce qui ressort de sa première journée des investisseurs tenue en janvier dernier, une rencontre visant à établir une communication plus étroite avec les participants aux marchés.
Goldman Sachs (GS, 208,74 $ US) a expliqué comment elle a en partie remodelé sa structure et son fonctionnement. Depuis plusieurs années, la banque tend à moins s’appuyer sur les revenus d’arbitrage sur les marchés des capitaux, secteur qui a été affecté par la crise financière, et à favoriser le développement des secteurs orientés vers le consommateur.
Pas étonnant qu’elle veuille faire ainsi. L’équipe d’analystes de Credit Suisse estime que le rendement tangible de Goldman Sachs, en 2019, a été de 12 %, soit environ 20 % de moins que la moyenne des cinq plus grosses banques américaines ayant des opérations internationales. Qui plus est, le titre de Goldman Sachs se négocie à un multiple cours/valeur comptable 30 % plus bas que ses concurrentes.
Elle n’en demeure pas moins une marque de commerce reconnue qui lui assure un avantage concurrentiel chez les banquiers d’affaires et qui lui permet d’attirer les professionnels les plus talentueux.
Le risque pour le banquier de Wall Street, cependant, est qu’il a peut-être été trop lent à entamer sa transformation après qu’ont été amorcés les changements à la réglementation et au fonctionnement des marchés des capitaux, selon Eric Compton, analyste de Morningstar.
30 %
Le titre de Goldman Sachs se négocie à un multiple cours/valeur comptable 30 % plus bas que ses concurrentes.
Wells Fargo
Le retour à la respectabilité sera long et pénible
Il y a à peine quatre ans, la Banque de San Francisco jouissait d’une réputation telle que Warren Buffet en avait fait sa banque de prédilection, et bien des investisseurs, petits et grands, ont suivi son exemple. Personne ne se doutait que cette réputation serait entachée.
Tout a basculé en septembre 2016 lorsque la banque a été condamnée à payer une amende pour pratiques déloyales qui incluaient entre autres l’ouverture de comptes de dépôts et de cartes de crédit à des clients sans leur approbation.
Ce ne fut pas la première amende. Elle vient tout juste d’inscrire à ses états financiers une dépréciation de 1,5 milliard de dollars américains, la moitié de ses bénéfices du quatrième trimestre, pour des coûts liés aux nombreux litiges auxquels elle fait encore face. Depuis que le scandale chez Wells Fargo (WFC, 41,40 $ US) a été mis au jour, les actions de J.P. Morgan et de Bank of America ont presque doublé. En comparaison, le titre de Wells Fargo se trouve sous le prix où il était en septembre 2016.
Wells Fargo demeure toutefois une des institutions financières qui reçoivent le plus de dépôts, constate Eric Compton, analyste à Morningstar. « Elle a de toute évidence un des meilleurs réseaux de succursales des États-Unis », dit-il.
L’analyste croit que le processus de réhabilitation de Wells Fargo est en cours, mais il croit que cela prendra encore des mois, sinon des années, avant qu’il ne soit terminé. Après plusieurs rectifications à ses prévisions, principalement en ce qui concerne des dépenses plus élevées, Eric Compton établit la juste valeur de la banque à 56 $ US.
François Rochon, président et gestionnaire de portefeuille à Giverny Capital, détenait des actions de Wells Fargo, mais il s’est empressé de les vendre lorsque les problèmes ont commencé à apparaître. Aujourd’hui, il constate que ce n’est pas une catastrophe et que la banque demeure profitable. « Mais avant d’y réinvestir, conclut-il, il faudra s’assurer que le dommage fait à la réputation de la banque est chose du passé et que l’intérêt des investisseurs revient. »
56 $ US
Eric Compton, analyste à Morningstar, établit la juste valeur de Wells Fargo à 56 $ US.