Les petites capitalisations sont encore en défaveur
Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑octobre 2022Au cours des neuf derniers mois, Mawer New Canada Fund a acheté des actions additionnelles d’Element Fleet Management, principal gestonnaire de flottes de véhicules d’Amérique du Nord, dont Amazon est le client. (Photo:123RF)
À PORTEFEUILLE OUVERT. Les Affaires — Vous dénichez avant tout des créateurs de richesse à long terme qui se négocient sous leur valeur juste, mais la tempête historique dans les marchés au premier semestre de 2022 a-t-elle influencé votre démarche ?
Jeff Mo — Justement, la chute des marchés et la remontée rapide des taux directeurs des neuf derniers mois nous ont fourni l’occasion d’ajouter de nouveaux titres et de bonifier certains placements existants à bon marché et d’élaguer d’autres titres moins attrayants. Bien que la conjoncture influence peu nos choix de titres, nous essayons toujours de dépister des entreprises possédant des avantages compétitifs qui leur procurent une certaine résilience tout au long des cycles économiques. J’ajouterais aussi que les titres de petite et de moyenne capitalisation sont encore boudés, ce qui fait en sorte qu’ils sont globalement bien moins chèrement évalués qu’au cours des cinq dernières années.
L.A. — Donnez-nous un exemple d’un placement de longue date auquel vous avez ajouté des actions.
J.M. — Au cours des douze derniers mois, nous avons acheté des actions additionnelles d’Element Fleet Management (EFN, 17,12 $), le principal gestionnaire de flottes de véhicules d’Amérique du Nord. Amazon est un client. Maintenant que la pénurie de véhicules neufs s’atténue, l’effet du plan de relance amorcé par le nouveau PDG en 2018 et ses avantages concurrentiels remontent à la surface. Ses profits ont d’ailleurs dépassé de 25 % les prévisions au deuxième trimestre. Son titre s’est aussi apprécié de 32 % depuis le début de l’année, mais il a encore du potentiel si on le compare au cours de 13 $qu’il avait en 2015.
Peu savent que la moitié des profits proviennent de services, comme la négociation de réductions pour les changements d’huile, par exemple. La société s’approprie environ 20 % des flottes de véhicules confiées à l’externe et peut gagner d’autres parts de marché à long terme. En période d’inflation, plus d’entreprises pourraient impartir la gestion de leurs flottes de véhicules afin d’économiser. Element Fleet est le principal placement du fonds, ce qui reflète notre degré élevé de conviction.
L.A. — Quel autre titre avez-vous bonifié en portefeuille ?
J.M. — Nous détenons le transporteur et groupe de logistique spécialisé dans les produits pharmaceutiques Andlauer Healthcare Group (AND, 49,49 $) depuis son retour en Bourse il y a trois ans. Nous avons récemment ajouté au placement, si bien que nos fonds cumulent plus de 10 % des actions de la société. Dans son cas, nous aimons le potentiel pour l’entreprise d’offrir aux États-Unis ses meilleures pratiques et d’y gagner des parts de marché.
Au Canada, ses camions réfrigérés transportent environ la moitié des médicaments confiés aux transporteurs externes. La réglementation stricte qui encadre le transport de médicaments inclut le contrôle en continu de la température. Les entrepôts à température contrôlée, les services de logistique et l’application de suivi de la température tout au long du cycle de transport d’Andlauer sont des avantages concurrentiels. La Food and Drug Administration américaine n’impose pas encore de telles vérifications thermiques. Andlauer a acquis les sociétés américaines Skelton USA et T.F. Boyle Transportation en octobre et en novembre 2021.
L.A. — Vous avez aussi diminué certains placements moins prometteurs qu’avant. Lesquels ?
J.M. — La hausse des taux a pour effet de déprécier financièrement la valeur des sociétés de technologie à forte croissance dont les flux de trésorerie sont plus éloignés dans le temps. C’est l’une des raisons qui nous ont incités à diminuer la taille de nos placements dans le spécialiste de logiciels de gestion de la chaîne d’approvisionnement Descartes Systems (DSG, 95,52 $) et le consolidateur de fournisseurs européens de logiciels spécialisés Topicus.com (TOI, 76,19 $), lors du deuxième trimestre.
Nous avons aussi vendu toutes nos actions du spécialiste des logiciels d’enquête pour les forces policières Magnet Forensics (MAGT, 23,74 $) après un départ un peu trop fulgurant à la suite de son entrée en Bourse, en avril 2021, qui avait propulsé le titre de 17 $ à 60 $. Thinkific Labs (THNC, 1,65 $) a aussi été vendue parce que la thèse initiale d’investissement ne tenait plus la route. Sa plateforme de mise en ligne de vidéos pour les formateurs, des chefs aux professeurs de yoga, a perdu de sa popularité après la pandémie et ses dépenses croissent. Nous avons recyclé ces capitaux ailleurs.
L.A. — Vous avez notamment effectué un premier placement dans Parex Resources. Pourquoi miser sur ce producteur de pétrole ?
J.M. — Nous avons initialement rencontré les dirigeants en 2015 et avons suivi le parcours du producteur de Calgary dont les puits se situent en Colombie. Nous étions impressionnés par la répartition du capital de Parex (PXT, 22,35 $), même quand le pétrole est tombé dans le marasme, centrée sur le rendement pour les actionnaires. La production de pétrole conventionnel comporte aussi des coûts avantageux. L’occasion s’est présentée au deuxième trimestre de l’acheter à bon prix pendant l’élection en juin d’un nouveau gouvernement socialiste en Colombie, moins favorable à l’industrie d’extraction du pétrole. Les dirigeants de Parex se sont familiarisés avec les nouveaux décideurs et avec les défis locaux, ce qui est rassurant. Le placement est mineur en portefeuille pour minimiser le risque, tout en apportant un élément de diversification.
Jeff Mo s’est joint à Mawer Investment Management de Calgary en 2008 en tant qu’analyste. En juillet 2012, il a été promu gestionnaire principal de tous les mandats de gestion de titres de petite capitalisation. En plus de gérer le Mawer New Canada Fund, il pilote aussi le fonds de titres américains de moyenne capitalisation depuis septembre 2021. En 2014, Morningstar lui a décerné le titre de gestionnaire de fonds d’actions canadiennes de l’année.