«NFI Group et Curaleaf sont bien positionnés dans leur industrie»
Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑mai 2021Brian Madden est vice-président principal et gestionnaire de portefeuille chez Goodreid Investment Counsel, où il est responsable des mandats en actions canadiennes depuis 2016. Avant de se joindre au gestionnaire de fortunes privées il y a presque cinq ans, l’analyste financier certifié a géré des fonds équilibrés pendant cinq ans à Placements AGF. En 2003, il a aussi cofondé la boutique de gestion de patrimoine Stylus Asset Management, où il a piloté trois fonds en gestion commune pendant sept ans.
À PORTEFEUILLE OUVERT. Les Affaires – Puisque vous gérez des portefeuilles concentrés de 20 titres, quel rôle joue l’analyse macroéconomique ?
Brian Madden – Notre analyse des cycles économiques sert surtout à établir la répartition des obligations et des actions dans les portefeuilles équilibrés. Elle façonne aussi nos thèmes de placement. Au Canada, nous divisons le marché Bourse en trois silos:les titres sensibles aux taux, les entreprises dont la croissance est plus structurelle et enfin les titres sous-évalués et cycliques. Nous détenons des titres dans les trois silos en tout temps, mais nous mettons plus ou moins l’accent sur l’un ou l’autre de ces silos selon la conjoncture. Ces derniers mois, nous avons par exemple réduit nos placements dans les titres plus «défensifs»et avons ajouté aux placements plus cycliques.
L.A. – Pouvez-vous nous donner des exemples ?
B.M. – Dans le portefeuille d’actions américaines, que je ne gère pas, nous avons acheté le producteur américain de cuivre Freeport-McMoRan (FCX, 40,44 $US) pour participer à la reprise économique à court terme et à la demande accrue pour le métal rouge dans une économie qui s’électrifie. Dans mes portefeuilles, j’ai acheté des actions de l’imprimeur et du fabricant d’emballages souples Transcontinental (TCL.A, 22,34 $). À court terme, la relance économique devrait améliorer la demande de l’impression et des circulaires. À moyen terme, les marges devraient bénéficier des économies d’échelle dans l’emballage. L’accélération du bénéfice d’exploitation devrait rehausser la valorisation du titre puisque l’emballage représentera la moitié des activités d’ici deux ans.
L.A. – Quel type de placements plus prudents avez-vous vendu au premier trimestre ?
B.M. – Nous avons vendu nos actions de Dollarama (DOL, 53,87 $) parce que le marchand avait déjà profité des ventes réalisées pendant le confinement pendant que les autres détaillants non essentiels étaient fermés. Les ventes par magasins comparables deviendront donc plus difficiles à surpasser, au moment où sa valorisation nous semblait élevée. Enbridge (ENB, 46,16 $) est un autre placement que nous avons vendu pour plusieurs raisons. L’exploitant de pipeline est exposé au pétrole, mais ne profite pas directement de la remontée du cours du pétrole. Étant donné la politisation croissante des pipelines et les pressions climatiques, la société n’est plus en mesure de procurer la croissance annuelle de 8 % à 10 % d’antan. Le fait que les investisseurs quittent le secteur énergétique devient aussi un vent de front structurel qui augmente le coût en capital de toute l’industrie.
L.A. – Quels autres placements se sont ajoutés récemment ?
B.M. – Dans le silo de la croissance structurelle, nous avons acheté le producteur américain de cannabis Curaleaf (CURA, 17,35 $) au moment où cette industrie commençait à se redresser l’été dernier. La société performe beaucoup mieux que son industrie tant au chapitre des ventes que du bénéfice d’exploitation. Elle n’est pas encore rentable, mais pourrait y arriver en 2022, avant même que Washington ne légalise la marijuana. Curaleaf pourrait alors s’inscrire à la Bourse américaine et gagner en notoriété. Surtout, la réforme assouplirait toutes les contraintes qui rendent l’industrie actuellement si inefficace. Nous avons ajouté le fabricant mondial d’autobus NFI Group (NFI, 25,57 $) au premier trimestre. Il est bien positionné pour profiter de la reprise économique, des énormes plans d’infrastructures des deux côtés de la frontière et du point d’inflexion pour l’adoption des autobus électriques. La vaste flotte de ses autobus déjà en service constitue un avantage lors des appels d’offres de municipalités qui cherchent un fournisseur fiable. Son offre variée de systèmes de propulsion à combustion interne, hybrides, électriques ou à l’hydrogène l’est aussi. Le titre est peu cher, car l’entreprise se remet encore du choc de la pandémie.
L.A. – Vous détenez Brookfield Asset Management. Que pensez-vous de la vente de ses actions de West Fraser Timber ?
B.M. – Cette vente au pic du cours du bois illustre parfaitement sa stratégie à contre-courant à long terme qui consiste à acheter des actifs au rabais et à revendre ceux qui sont justement évalués. Le cours actuel du bois est quatre fois le prix moyen depuis 35 ans. Pourtant, c’est une ressource renouvelable, il me semble. Brookfield ferme aussi le capital de sa filiale Brookfield Property Partners (BPY, 22,27 $) au moment où son titre s’échange à 65 % de sa valeur comptable. En tant que fonds immobilier, Brookfield Property distribuait ses flux de trésorerie aux porteurs de parts pour bénéficier de l’avantage fiscal de cette distribution. Ces capitaux iront dorénavant au repositionnement des centres d’achats et des tours de bureaux à plus long terme rendu nécessaire par la pandémie.
L.A. – En technologie, vous détenez Open Text. Pourquoi?
B.M. – Open Text (OTEX, 55,81 $) bénéficie tout autant des tendances séculaires de son industrie, mais son titre s’échange à seulement 13 fois ses profits parce que sa croissance annuelle composée de 13 % paraît bien pâle par rapport aux vedettes de la vente en ligne telles que Shopify (SHOP, 14466,13 $), qui se négocie à 312 fois les profits prévus. Open Text peut pourtant compter sur 10 000 clients à qui elle offre des logiciels de gestion de documents essentiels à leur fonctionnement. C’est un titre dont la croissance interne et par acquisitions se compose à long terme. Un jour, les capitaux pourraient y revenir si les investisseurs venaient à moins priser les Shopify, Descartes Systems (DSG, 70,88 $) et les bénéficiaires du travail à distance.