Les géants américains sont depuis un bon moment à l'avant-scène. Même si le secteur technologique pèse beaucoup ...
Les géants américains sont depuis un bon moment à l’avant-scène. Même si le secteur technologique pèse beaucoup moins dans les indices boursiers canadiens, plusieurs sociétés font leur marque. Les Affaires vous en présente cinq.
Shopify
la grande vedette
Depuis son premier appel public à l’épargne en 2015, Shopify (SHOP, 1 427, 60 $) a connu une ascension boursière digne des géants américains du Web, en multipliant la valeur de son action par 38. La pandémie vient maintenant renforcer le vent qui était déjà favorable au spécialiste du commerce électronique. «Elle a développé un nouveau marché en facilitant la vie des PME; aujourd’hui, tout le monde peut lancer une boutique en ligne avec l’aide de Shopify, commente Ryan Modesto, PDG de 5i Research, une firme indépendante d’analyse boursière. À long terme, l’augmentation de leur bassin de consommateurs va leur permettre de développer d’autres services pour certains de leurs clients.»
D’ailleurs, les forfaits additionnels à l’abonnement de base comme le paiement, le financement ou l’aide à la livraison représentent déjà une plus grande part des revenus et croissent à un rythme plus rapide, ajoute Dan Romanoff, de Morningstar.
L’évaluation du titre à 33,6 fois le ratio valeur comptable/ventes prévues dans les 12 prochains mois fait toutefois sourciller bien des experts. C’est le cas de David Hynes, de Canaccord Genuity. Il n’a que de bons mots pour Shopify, mais ne voit pas «comment il pourrait convaincre un client d’acheter à ce prix». L’analyste admet qu’il est passé à côté de bons rendements, mais il croit qu’il vaut mieux attendre un meilleur prix d’entrée, qui pourrait survenir si l’humeur du marché se tarissait.
Mark Mahaney, de RBC Marchés des capitaux, pense au contraire qu’il reste encore des catalyseurs pour l’entreprise d’Ottawa. Le marché de la petite entreprise (à l’exclusion de la Chine) auquel s’adresse Shopify est de 16000 milliards de dollars américains (G$ US), estime l’analyste. «Avec seulement 1 % des parts de marché et des redevances raisonnables de 5 %, la société peut obtenir des revenus de 800 G$ US», calcule-t-il.
En 2019, les redevances de Shopify étaient de 2,6 %. En comparaison, celles d’Amazon se situaient entre 5 % et 15 %. Mark Mahaney pense donc que Shopify peut aller chercher davantage. «L’évaluation est élevée, mais c’est également le cas pour sa croissance.»
Kinaxis l’optimisateur de la chaîne logistique La pandémie a remis à l’avant-plan l’importance de la chaîne d’approvisionnement. Ce rappel a donné un élan à l’action de Kinaxis (KXS, 201,04$), qui est en hausse de 78% depuis le début de l’année.
« La chaîne d’approvisionnement devient de plus en plus compliquée à gérer, comme l’ont démontré l’imposition de tarifs et la pandémie, commente Ryan Modesto, PDG de 5i Research. Kinaxis aide leurs clients à optimiser leurs activités et à s’adapter aux différents défis que rencontrent les entreprises sur leur chemin. C’est une vraiment une belle histoire d’un succès canadien qui est méconnue du grand public.»
Paul Steep, de Banque Scotia, croit, lui aussi, que le fournisseur de logiciels de gestion de la chaîne d’approvisionnement et de planification des ventes est une entreprise «unique». Il estime que ses activités de logiciels-service peuvent croître de 20% par année à moyen terme avec des marges avant intérêts, impôts et amortissement supérieur à 20 %. Il ajoute que son marché de 2 000 clients potentiels est «large».
Avec l’acquisition de Rubikloud l’été dernier, la société d’Ottawa peut maintenant servir un sixième secteur d’activité, le commerce de détail, ajoute Daniel Chan, de Valeurs mobilières TD. «Grâce à l’intelligence artificielle, elle est en mesure d’aider ses clients à mieux anticiper comment certaines campagnes promotionnelles influenceront la demande des clients.»
Contrairement à certaines sociétés technologiques en démarrage qui brûlent des liquidités pour s’établir, Kinaxis génère des flux de trésorerie depuis 2008 et n’a aucune dette.
Par contre, l’évaluation de 108 fois les bénéfices des 12 prochains mois a de quoi donner le vertige. La grande majorité des analystes continuent tout de même de croire qu’il s’agit d’une occasion d’achat (10 sur 12). «Nous savons que l’action a connu un grand bond cette année, mais nous pensons que Kinaxis n’a qu’effleuré son marché potentiel quand on tient compte des changements structurels qui ont bouleversé la chaîne d’approvisionnement, défend Richard Tse, de Financière Banque Nationale. En gros, il n’est pas trop tard. Nous serions toujours acheteurs.»
La croissance et les marges supérieures du fournisseur de logiciels justifient cette évaluation, poursuit Ryan Modesto. «Les investisseurs intéressés par la société doivent garder en tête que son action peut être accompagnée d’une plus grande volatilité.»
Open Text
le choix «valeur»
Dans le secteur technologique, où les évaluations atteignent des niveaux stratosphériques, le titre du spécialiste de la gestion de document numérique détone avec un multiple de seulement 13,8 fois le ratio cours/ bénéfice prévu des 12 prochains mois.
Il ne faudrait pas lire dans ce chiffre la démonstration de l’impopularité d’Open Text (OTEX, 55, 44$). Au contraire, la majorité des analystes émettent une recommandation d’achat (10 sur 13).
Le modèle de croissance par acquisitions de la société de Waterloo, en Ontario, a fait ses preuves, estime Paul Treiber, de RBC Marchés des capitaux. Depuis dix ans, la société a déployé près de 7 G$ en acquisitions. Ces transactions lui ont permis d’augmenter ses flux de trésorerie à un rythme annuel composé de 16,7% par année.
Dans le passé, la société a judicieusement choisi les entreprises qu’elle a incluses dans son giron, explique Robert McWhirter, président de Selective Asset Management à Toronto. « Elle a sa propre équipe capable d’évaluer les cibles d’acquisitions, dit le gestionnaire de portefeuille en entrevue. Ses choix sont complémentaires à son offre, que ce soit en acquérant un produit ou un service qu’ils n’ont pas ou une entreprise dont l’empreinte géographique se trouve à l’extérieur de son marché. Dans la plupart des cas, la croissance des revenus de l’entreprise achetée s’est accélérée après l’acquisition.»
La société n’est pas complètement isolée des effets négatifs de la pandémie, qui a amené certains clients à repousser leurs investissements technologiques. La direction prévoit d’ailleurs que la croissance interne baissera de 8% au cours de l’exercice 2021 (terminé à la fin juin 2021). «?Oui, la croissance interne diminue, mais Open Text a été en mesure de réduire certains coûts, notamment liés à l’immobilier, ce qui devait lui permettre de continuer à faire augmenter ses bénéfices», juge Robert McWhirter.
La direction fait tout de même des efforts pour revigorer la croissance interne en misant davantage sur l’infonuagique et la maintenance pendant que la vente de logiciels décline. Ces efforts ont permis d’atteindre un seuil de 80% des revenus qui sont maintenant récurrents. Les produits d’Open Text demeurent essentiels à ses clients puisque 93% d’entre eux ont renouvelé leur contrat dans le secteur de l’infonuagique et de la maintenance, note Richard Tse, de Financière Banque Nationale.
Dans l’attente, avec ses généreux flux de trésorerie et son encaisse de 1,8 G$, la société a la marge de manoeuvre pour passer au travers de la crise et réaliser des acquisitions, juge Paul Steep, de Banque Scotia.
Lightspeed
des questions sur la survie de ses clients
Le choc initial de la pandémie a été moins sévère pour le spécialiste des logiciels de paiement que ce qu’appréhendait le marché. Reste à voir si la société montréalaise réussira à générer une croissance suffisante pour enrichir ses actionnaires.
La forte exposition de Lightspeed (LSPD, 47,27 $) au secteur de l’hôtellerie et de la restauration soulevait des préoccupations, reconnaît Ryan Modesto, PDG de 5i Research. «Le fait que l’entreprise fait affaire avec de plus grandes chaînes a aidé à contenir les désabonnements, explique-t-il. La transition de plusieurs restaurants vers la livraison et les commandes en ligne a aussi aidé à contrebalancer les effets négatifs de la pandémie.»
À plus long terme, la distanciation physique pourrait même être une occasion, ajoute Bruce Campbell, président de StoneCastle Investment Management. «Certaines entreprises voudront trouver de l’aide et Lightspeed peut leur offrir des outils pour adapter leur modèle d’entreprise», commente-t-il.
Pour sa part, Paul Treiber, de RBC Marchés des capitaux, juge qu’il est trop tôt pour dire si l’entreprise fondée par Dax Dasilva est sortie du bois. Les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie ne sont pas encore arrivés au bout de leur peine et une décélération de la croissance, «voire une diminution des revenus internes», est une possibilité, selon lui.
Même si elle offre des solutions de commerce en ligne qui pourraient profiter de la pandémie, elle est moins avantagée par cette tendance que d’autres sociétés technologiques, selon l’analyste, qui souligne que les logiciels de paiement au point de vente représentent une bonne part de ses activités. «La croissance pourrait rebondir, mais pour le moment, l’évaluation semble élevée quand on tient compte de la décélération du rythme de croissance provoquée par la pandémie.»
Todd Coupland, de Marchés mondiaux CIBC, croit, quant à lui, que le marché potentiel de Lightspeed demeure attrayant. Il estime que 47 millions de petites entreprises et 15 millions de restaurants pourraient être des clients potentiels. Pour le moment, l’entreprise en touche 77000. Il estime que la société est «l’un des meilleurs choix» pour les entreprises qui cherchent des solutions de logiciels de paiement, de commerce en ligne et de programmes de fidélité.
Well Health
le choix santé
Même si la majorité des interventions médicales nécessitent une présence physique, la télémédecine est vue comme un secteur d’avenir et Well Health (WELL, 7,89 $) est perçue comme un leader dans son domaine.
«Le développement de la télémédecine s’accélère. Cette tendance à long terme était déjà observable, mais la pandémie a accéléré le processus », commente Bruce Campbell, président de StoneCastle Investment Management, en entrevue.
La société de Vancouver est présente dans trois secteurs. Elle possède 19 cliniques ayant pignon sur rue. Elle vend aussi des logiciels-services à plus de 2 000 cliniques et est le troisième fournisseur de dossiers médicaux en importance au Canada. En septembre, l’entreprise a annoncé sa première incursion aux États-Unis avec l’achat d’une participation majoritaire dans la californienne Circle Medical.
Daniel Rosenberg, de Paradigm Capital, aime le modèle de croissance par acquisitions. Il note que la société a procédé à plus d’une douzaine de transactions, ce qui lui a permis de partir de zéro revenu en 2017 et de les augmenter à environ 44 millions de dollars.
Le fondateur et PDG Hamed Shahbazi a acquis une bonne réputation après avoir vendu TIO Networks à PayPal en 2017. «Il a obtenu du succès à bâtir une entreprise de paiement électronique, dit Bruce Campbell. Ce parcours l’aide à lever du capital auprès des investisseurs institutionnels.»
David Newman, de Desjardins Marché des capitaux, pense que la société a encore d’autres avenues d’acquisitions devant elle. Il note qu’elle a toujours une encaisse suffisante pour réaliser des transactions. Il souligne que la direction estime pouvoir atteindre la rentabilité cette année. «Le marché de la santé en ligne a connu une expansion explosive et nous croyons que cela peut continuer en raison de la capacité du secteur d’améliorer les soins de patients et de diminuer les coûts.»