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Réflexions sur la bonification du RRQ

Institut de planification financière|Publié le 01 octobre 2021

Réflexions sur la bonification du RRQ

La bonification du RRQ renverse une tendance lourde observée au cours des dernières années en matière de programmes de retraite publics. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Depuis le 1er janvier 2019, le Régime de rentes du Québec (RRQ) fait l’objet d’une bonification. Même si l’application de cette bonification est très graduelle et que les effets matériels prendront du temps à se faire sentir, il n’en demeure pas moins que cette bonification constitue fort probablement la plus importante amélioration du régime depuis sa création.

De plus, cette bonification renverse une tendance lourde observée au cours des dernières années en matière de programmes de retraite publics, c’est-à-dire différentes formes de resserrement des règles (hausses de coûts sans prestations supplémentaires, augmentation des pénalités en cas de retraite anticipée, annonce du report de l’âge d’admissibilité aux prestations de la Sécurité de la vieillesse de 65 à 67 ans; cette annonce a été renversée par la suite, mais quand même). Voici donc quelques réflexions sur cette bonification.

 

Description succincte de la bonification

En fait, on a créé un régime supplémentaire au régime de base du RRQ qui existait déjà. En deux étapes, on va augmenter les prestations de retraite payables :

• Depuis le 1er janvier 2019, on augmente graduellement le taux de remplacement de revenu que procure le régime de 25% à 33% du salaire admissible, c’est-à-dire le salaire jusqu’au Maximum des gains admissibles (le MGA, 61 600 $ en 2021). Il s’agit du 1er volet de la bonification.

• Ensuite, dès 2024, on augmentera, sur deux années, le salaire que reconnaît le RRQ. Ce plafond passera du MGA mentionné au premier point, au Maximum supplémentaire des gains admissibles (le MSGA, estimé à 70 200 $ en dollars de 2021). Il s’agit du 2e volet de la bonification.

On passera donc d’un régime qui remplace actuellement un maximum de 25% d’un salaire admissible sujet à un plafond de 61 600$ à un régime qui remplacera un maximum de 33% d’un salaire admissible sujet à un plafond de 70 200$ (en dollars de 2021). Même si l’application des modifications se fera graduellement, soit sur 40 ans, il faut reconnaître qu’il s’agira, à terme, d’une augmentation très matérielle.

 

Aspect graduel de la bonification

Comme mentionné, ces améliorations se feront très graduellement, c’est-à-dire à raison de 1/40 de l’amélioration par année. Seuls les participants qui auront cumulé 40 ans de cotisations au régime supplémentaire profiteront de la pleine augmentation des prestations. On parle donc de 2065 avant d’avoir atteint la pleine amélioration au régime. Par exemple, celui qui n’aurait cotisé que 10 ans au régime supplémentaire ne touchera essentiellement que 10/40 de l’amélioration. On remarquera également que tant au niveau des cotisations supplémentaires requises qu’au niveau des prestations supplémentaires acquises, on a opté pour une implantation graduelle qui se concrétise ainsi pour chaque volet :

• Pour le 1er volet, la cotisation supplémentaire annuelle requise de 1,00% a été modulée de façon à ne pas créer de choc tarifaire. On a donc cotisé 0,15% de plus en 2019, 0,30% de plus en 2020 et on cotisera 0,50% de plus en 2021 et 0,75% de plus en 2022. Ce n’est qu’en 2023 qu’on atteindra le 1,00% de cotisations supplémentaires.

• Pour le deuxième volet, on augmentera aussi graduellement les cotisations exigibles sur deux années, soit 2024 et 2025.

Les prestations bonifiées découlant de ces années seront modulées essentiellement de la même manière.

 

Coûts par rapport aux bénéfices

Certains disent que les participants qui toucheront leurs prestations de retraite du RRQ dans les prochaines années ne verront somme toute que peu d’améliorations à celles-ci. Ce dernier constat est tout à fait exact. Prenons l’exemple d’un participant de 65 ans qui aurait droit à la prestation maximale au début de l’année 2021. N’eût été la bonification du régime, il aurait pu toucher une prestation annuelle de 14 445 $. Avec la bonification, il pourra recevoir une prestation de 14 499$, soit 54$ de plus par année.

Même si cela représente une amélioration modeste, il n’aura quand même payé que 246,45$ (80,85$ en 2019 et 165,60$ en 2020) pour cette rente supplémentaire qui, ne l’oublions pas, lui sera versée pour le reste de sa vie. Dollar pour dollar, ce participant aura fait une bonne affaire. Poussons l’exemple à l’extrême : le participant qui atteindra 65 ans en 2065 aura cotisé environ 30% de plus au régime, mais recevra une prestation maximale supplémentaire d’environ 52% plus élevée. Lui aussi fait une bonne affaire.

 

Équité intergénérationnelle

Ces nouveaux volets au RRQ devront être pleinement financés à mesure que les années passeront. Ce financement se fera de manière distincte du régime de base. Le régime supplémentaire sera financé un peu comme le serait un régime de retraite privé. Cet ajout au RRQ n’aura donc pas comme effet de détériorer la situation financière du régime actuel et ne constituera pas non plus un transfert intergénérationnel. Il s’agit de deux excellentes nouvelles!

 

Efficacité fiscale

Contrairement aux cotisations des salariés au régime de base du RRQ, les cotisations versées par les employés aux volets supplémentaires sont déductibles des revenus imposables. C’est la raison pour laquelle beaucoup de Québécois ont remarqué de nouvelles déductions dans leurs déclarations fiscales (au maximum 80,85$ en 2019 et 165,60$ en 2020). Grâce à cette mécanique, qui s’apparente à celle des REER ou des régimes de pension agréés, ces cotisations présentent une très grande efficacité fiscale.

Aussi, puisque les cotisations n’auront pas d’impact sur les droits de cotisations au REER (notamment, elles ne vont pas provoquer de Facteur d’équivalence ou FE), on peut conclure qu’elles vont permettre un plus grand potentiel de revenus à la retraite (une rente du RRQ augmentée sans diminuer les droits de cotisations REER disponibles).

 

Salaire contre dividendes

La cotisation au RRQ est obligatoire pour la plupart des travailleurs québécois. Toutefois, certains particuliers ont, indirectement, le choix de cotiser on non à ce régime. En effet, les particuliers qui sont incorporés (entrepreneurs, médecins, etc.) ont le loisir de se verser des salaires, des dividendes ou une combinaison des deux. En se versant exclusivement des dividendes, ces particuliers évitent de cotiser au RRQ. Cependant, en évitant de cotiser au RRQ, ils n’accumulent pas de droits à ce régime.

Il faut considérer un très grand nombre de variables lorsqu’on décide de se verser un salaire ou des dividendes. Une de ces variables est la valeur du RRQ. Pour ceux qui se versaient déjà un salaire, la bonification au RRQ ne devrait que renforcer leur décision. Pour ceux qui se versaient exclusivement des dividendes, la bonification du RRQ est telle qu’elle nous apparaît suffisante pour renverser la conclusion. Ces particuliers gagneraient fort probablement à revisiter les analyses passées.

 

Conclusion

On a beaucoup parlé de la bonification du RRQ; à plusieurs niveaux, celle-ci constitue une très bonne nouvelle.


Martin Dupras, A.S.A., Pl. Fin., M. Fisc., ASC

Fellow de l’IQPF