Historiquement, les titres à dividendes ont été de bons placements depuis 20 à 50 ans au pays, puisque les grandes entreprises matures sont souvent des investissements moins risqués. (Photo: 123RF)
Avec les taux d’intérêt en hausse depuis deux ans, les titres à revenu fixe sont venus concurrencer les actions à dividende. Si une baisse de taux se concrétise en 2024, toutefois, comme l’anticipent certains analystes, ces titres reprendront du poil de la bête. Le rendement du dividende sera alors un bon indicateur à garder en tête.
Le rendement du dividende, mieux connu sous son nom anglophone de dividend yield ratio, est un indicateur simple à calculer. On l’obtient en divisant le montant annuel du dividende versé aux investisseurs par le prix de l’action. Un titre se négociant à 100 $, par exemple, et produisant un dividende annuel de 5 $ par action, aurait un rendement du dividende de 5 %.
Ce ratio permet de comparer les entreprises entre elles afin de déterminer lesquelles paient le plus de dividende pour un montant donné d’argent investi. Il est généralement utilisé par les investisseurs qui adoptent une stratégie d’investissement qui mise sur les revenus en dividende, plutôt que sur un éventuel gain en capital (revendre un titre plus cher qu’on l’a payé).
De façon générale, le rendement du dividende, pour les titres qui en versent, se situe entre 0 % et 5 %. Un ratio au-delà de 10 % est souvent considéré comme un drapeau rouge : quand le ratio est si élevé, c’est souvent parce que le titre de l’entreprise a plongé à la suite de mauvaises nouvelles. Souvent, le dividende ne saurait tarder à chuter lui aussi.
« C’est important de comprendre que le dividende peut être coupé à zéro à tout moment », dit Francis Vinet, conseiller principal en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale. « Le dividende n’est pas garanti. Ce n’est qu’un montant arbitraire que la société veut bien redistribuer aux investisseurs. »
Pas un indicateur de qualité
Le rendement n’est pas un indicateur de la qualité d’une société, insiste Francis Vinet. Le ratio ne dit rien sur la profitabilité de l’entreprise, sur la (bonne) gestion de ses flux de trésorerie ou encore sur la soutenabilité de son taux d’endettement.
« Un ratio plus élevé veut surtout dire que c’est une vieille entreprise », dit le gestionnaire de portefeuille. En effet, ce sont souvent les entreprises matures qui versent le plus de dividendes, puisqu’elles ont moins d’occasions d’investissement, qu’il s’agisse d’acquisitions potentielles, de R-D ou de construction de nouvelles usines. Cela peut être positif, mais aussi négatif.
« Prenons Fiera Capital, par exemple, illustre Francis Vinet. Leur rendement du dividende est de 15 %. Le monde dit “Wow, incroyable !” Mais le titre a perdu 30 % l’an dernier. Donc, même si vous avez fait 15 % de rendement de dividende, vous avez perdu 15 % de votre argent. »
Cela dit, historiquement, les titres à dividendes ont été de bons placements depuis 20 à 50 ans au pays, puisque les grandes entreprises matures sont souvent des investissements moins risqués.
En somme, quand on calcule le rendement du dividende, il faut surtout se rappeler d’analyser l’entreprise dans son ensemble, souligne le gestionnaire de portefeuille. « Est-ce une société de qualité ? Comment a évolué le dividende depuis cinq ans ? Est-ce que ce rendement est soutenable ? »
Sur ce dernier point, Francis Vinet recommande de calculer le ratio de distribution, un indicateur complémentaire qui montre quelle part du bénéfice net est versée aux actionnaires. Plus généralement, il conseille de comparer les rendements avec les moyennes de l’industrie.
« Avant la hausse des taux, les banques payaient 3 % ou 4 %. C’était un bon dividende. Mais aujourd’hui, un dividende moyen, correct et soutenable peut aller jusqu’à 6 % ou 7 %. »
Piège de valeur
Les investisseurs attirés par les grandes entreprises payant de bons dividendes peuvent tomber dans un « piège de valeur », note Hugo Ste-Marie, directeur de la stratégie de portefeuille et de l’analyse quantitative à la Banque Scotia.
Oui, une entreprise offrant un rendement de dividende de 10 % peut être attrayante aux yeux d’un investisseur, reconnaît-il. Mais qu’en est-il des données fondamentales ?
« Il faut prendre une pause et analyser l’ensemble du bilan financier. Un ratio élevé peut être trompeur et masquer des problèmes structurels dans l’entreprise. »
Souvent, les entreprises payant des dividendes au-delà des 10 % sont celles qui ont perdu de la valeur à la suite d’un lancement de produit ayant échoué, par exemple, ou d’un changement de direction. Mais l’évaluation de l’entreprise peut rester déprimée longtemps, si même elle se remet partiellement du choc qu’elle a subi, alors que les dividendes alléchants, eux, ne pourront être maintenus.
« Il faut faire des recherches, insiste Hugo Ste-Marie. Un multiple élevé n’est pas le signe qu’une entreprise pourra répéter sa performance. Il n’y a pas de règle d’or. L’investisseur doit faire le travail d’analyse », dit-il, précisant que si l’investissement boursier était facile, tout le monde serait riche et personne ne serait déçu.