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À titre d’investisseur, ­souffrez-vous de l’illusion de contrôle?

Philippe Leblanc|Édition de la mi‑novembre 2020

ENTRE LES LIGNES. Un investisseur autonome a souvent l’impression d’être en plein contrôle de son portefeuille et ...

ENTRE LES LIGNES. Un investisseur autonome a souvent l’impression d’être en plein contrôle de son portefeuille et des rendements qu’il pourra obtenir. C’est la plupart du temps une illusion, surtout sur une courte période. On a vu, au cours des derniers mois, particulièrement depuis la période de confinement liée à la pandémie, une recrudescence des adeptes de la spéculation sur séance (day trading , en anglais) en Amérique du ­Nord.

Selon un livre que j’ai lu récemment (The ­Psychology of Investing, par ­John R. Nofsinger, ­chez Prentice ­Hall), quatre situations contribuent à alimenter cette illusion de contrôle chez l’investisseur, particulièrement l’investisseur autonome qui gère son propre portefeuille :

Le choix
Pour l’investisseur, faire ses propres choix de placement accroît l’illusion de contrôle. « ­Par exemple, les gens qui choisissent leurs propres numéros de loterie ont le sentiment qu’ils ont une meilleure chance de gagner que ceux dont les numéros sont octroyés au hasard. » ­De toute évidence, les nouvelles applications permettant d’acheter et de vendre instantanément n’importe quel titre en cliquant sur un bouton confèrent une illusion de contrôle aux spéculateurs sur séance.

La séquence des résultats 
Des résultats favorables au début d’un processus d’investissement procurent une plus grande illusion de contrôle à un investisseur que si ses premiers résultats étaient défavorables. Au début de la bulle techno de la fin des années 1990, de nombreux spéculateurs ont probablement eu cette sensation de contrôle, laquelle a certainement contribué à créer une bulle sans précédent dans les titres technologiques de l’époque. Plus récemment, la forte popularité de la pratique de la spéculation sur séance durant la pire phase de la pandémie, alors que les marchés boursiers avaient fortement corrigé avant de rebondir violemment, a probablement servi à encourager ces derniers à redoubler leurs activités au cours des derniers mois. La séquence des résultats a probablement gonflé leur illusion de contrôle. À mon avis, la pire chose qui puisse arriver au joueur qui se présente pour la première fois dans un casino est de remporter ses premières mises.

­La familiarité des tâches 
Toujours selon ­John ­Nofsinger, « plus une personne est familière avec un processus, plus elle se sentira en contrôle ». De toute évidence, les plateformes transactionnelles en ligne offertes aux investisseurs contribuent à ce sentiment de contrôle. Tout a été fait pour faciliter la spéculation sur séance, que l’on fasse référence aux applications améliorées permettant de négocier sur un téléphone intelligent ou au fait que la plupart des plateformes ne chargent plus de commissions transactionnelles.

L’information
Plus on a d’information à portée de la main, plus on a l’illusion d’être en contrôle. L’Internet est une source intarissable d’information pour l’investisseur. N’en ­a-t-on jamais eu autant littéralement au bout des doigts ? L’Internet nous offre désormais une pléthore de renseignements gratuits ou payants pour absolument tous les goûts. Le problème est que toute l’information véhiculée sur le ­Web est loin d’être crédible. Peut-on vraiment dire que toute cette information permet d’améliorer les décisions des investisseurs ? J’en doute beaucoup.

Une implication active
« ­Plus grand est le degré de participation dans un processus décisionnel, plus grande est l’illusion de contrôle. » C’est le cas de la plupart des investisseurs autonomes qui font leurs propres recherches et prennent leurs propres décisions. Ils doivent se rappeler que cette grande implication leur procurera un sentiment de contrôle souvent injustifié.

La période boursière que nous traversons me rappelle étrangement la fin des années 1990, qui a mené à l’éclatement de la bulle techno en 2000 et à des pertes énormes pour un grand nombre de spéculateurs sur séance. À l’époque, comme aujourd’hui, nombre de boursicoteurs avaient fait de la spéculation sur séance leur principale activité économique. J’ai la certitude que plusieurs d’entre eux, victimes d’une puissante illusion de contrôle, pourraient perdre leurs illusions dans les mois à venir.

EXPERT INVITÉ
Philippe Le Blanc
est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.