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Approche concentrée ou diversifiée?

Sophie Stival|Édition de la mi‑octobre 2019

Investir son épargne sous-entend l'achat de titres boursiers ou de fonds. Se pose alors la question : mise-t-on sur ...

Investir son épargne sous-entend l’achat de titres boursiers ou de fonds. Se pose alors la question : mise-t-on sur une poignée d’actions et d’obligations ou devrait-on plutôt construire un portefeuille ultradiversifié ?

Le particulier qui souhaite battre les marchés devra à un moment ou à un autre s’écarter de la gestion indicielle. Cela sous-entend la sélection de titres individuels ou de fonds avec des mandats en gestion active.

Dans un monde idéal, on miserait tout sur le meilleur cheval ou, si vous préférez, le titre boursier qui a le rendement espéré le plus élevé. Malheureusement, on peut se tromper. Les gestionnaires vont donc tenter d’augmenter leurs chances d’avoir raison en choisissant quelques titres qui ont des perspectives intéressantes, d’après leur analyse.

Existe-t-il alors un degré optimal de concentration dans un portefeuille en action, par exemple ? Certains vont investir selon la probabilité de pertes sur un titre. Ainsi, en sélectionnant 20 sociétés, on pourrait perdre 5 % de notre investissement si on se goure royalement et qu’une entreprise fait défaut ou déclare faillite.

«La théorie démontre qu’en sélectionnant adéquatement une trentaine de titres, on peut aller chercher jusqu’à 90 % de l’effet de diversification qu’on retrouve en détenant 1 000 titres dans notre portefeuille», observe Richard Guay, professeur de finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

On entend, par sélection adéquate, une approche qui permet une diversification par région géographique, par secteur d’activité et selon la taille des sociétés. Cela nécessite donc une expertise et du temps que n’a souvent pas l’investisseur de détail. Choisir uniquement des titres du secteur financier ou encore des entreprises québécoises serait ainsi une mauvaise idée.

«Un investisseur qui vise à battre les marchés n’aura d’autres choix que d’avoir un portefeuille plus concentré. En détenant 150 actions, ce n’est plus de la gestion active. Mieux vaut alors miser sur une gestion passive ou acheter un fonds indiciel à faible coût», souligne Philippe Le Blanc, gestionnaire de portefeuille chez Cote 100. Ce dernier pense qu’une gestion active où l’on sélectionne de 25 à 30 titres peut offrir des rendements intéressants, mais cela nécessite un horizon de placement à long terme, soit minimalement entre 5 ans à 10 ans.

Plusieurs démarches de diversification

Investir 100 % de son pécule en actions ne convient généralement pas à la moyenne des ours. Afin de réduire le niveau de risque d’un portefeuille, on doit également l’exposer à différentes catégories d’actifs, comme les actions, les obligations, les matières premières et l’immobilier, notamment. Le style de gestion ou la philosophie du gestionnaire peut aussi ajouter un effet de diversification à un portefeuille.

Certains vont privilégier une approche de type valeur où l’on opte pour des titres dont le prix est déprécié, alors qu’une stratégie de croissance cherche plutôt à dénicher des actions susceptibles de croître rapidement. Quant au type «momentum», on souhaite profiter d’une lancée de certains titres pour y investir. On achète des sociétés qui vont très bien ou dont les profits sont en forte croissance et qui devraient continuer à surperformer à court ou à moyen terme.

Chez Allard, Allard & Associés, on croit qu’une approche de type valeur appuyée par un processus de gestion rigoureux, discipliné et rationnel peut contribuer à générer des rendements constants et supérieurs à l’indice de référence pour les actions canadiennes. «Notre comité de placement recherche des entreprises peu chères, profitables, avec des bilans blindés et qui versent autant que possible des dividendes», explique Caroline Allard, gestionnaire de portefeuille et vice-présidente de la firme. Parmi les titres sélectionnés, on retrouve des actions canadiennes, américaines et internationales. Une position n’occupera pas plus de 3 % des avoirs d’un particulier. On va également équipondérer le portefeuille où chaque titre occupe le même poids. On retrouve généralement entre 25 et 45 sociétés dans leur portefeuille modèle.

Toutes les démarches de diversification offrent des avantages. «Si on devait en choisir une seule, j’opterais cependant pour la diversification par secteur d’activité, qui est la plus efficace», remarque Richard Guay. C’est une question de corrélation. Généralement, celle-ci est plus faible entre les secteurs qu’entre les pays. La corrélation est le degré de relation entre deux titres financiers. Afin de ressentir moins fortement les turbulences boursières, on souhaite détenir des actifs peu corrélés.

«Si vous achetez, par exemple, les actions d’une société aurifère au Canada, elle sera moins corrélée avec une entreprise du cannabis canadienne (même pays, différent secteur) qu’avec une société aurifère de l’Australie ou même de l’Afrique du Sud (même secteur, différent pays). Donc, si vous détenez une société aurifère dans votre portefeuille, vous obtiendrez un meilleur effet de diversification en optant pour un autre secteur, comme le cannabis ou une banque, qu’en changeant de pays sans changer de secteur», illustre-t-il.

De nos jours, le petit investisseur peut également détenir des milliers de titres pour une bouchée de pain. «Il n’y a pas beaucoup d’avantages à être concentré. On peut désormais acheter à frais presque nuls des fonds négociés en Bourse (FNB) très diversifiés chez le courtier à escompte», remarque Raymond Kerzérho, directeur de la recherche chez PWL Capital. Avec un ratio de frais de gestion aussi bas que trois points de base, on se colle au marché américain en détenant le FNB Vanguard Total Stock Market (VTI), qui regroupe plus de 3 500 titres. Selon lui, opter pour un portefeuille diversifié internationalement en gestion passive est la meilleure façon de gérer le risque pour un particulier et lui permettre d’atteindre ses objectifs à long terme.

Lorsqu’un conseiller propose une planification financière à son client, il doit incorporer des projections de rendements sur les différentes catégories d’actifs. Ces prévisions s’appuient sur des hypothèses de rendements historiques des indices de marché. «Au lieu de maximiser le rendement du portefeuille en choisissant une poignée de titres individuels, je voudrai gérer le risque en réduisant l’incertitude. Un portefeuille semblable au marché augmente la cohérence de la démarche de placement et, par le fait même, les chances de succès du plan financier», croit Raymond Kerzérho.

Diversification excessive

Peut-on alors être trop diversifié ? Certainement. Le célèbre gestionnaire américain, Peter Lynch, a même inventé un terme pour exprimer les effets pervers de la diversification à outrance : diworsification. Un gestionnaire actif qui détient trop de titres aura tendance à acheter et à vendre plus souvent, ce qui est coûteux pour l’investisseur. Suivre tous ces titres sera également une tâche plus lourde. En détenant trop d’actifs avec des corrélations semblables, cela peut aussi ajouter du risque au portefeuille plutôt que le réduire.

«L’investisseur détient parfois une ribambelle de produits financiers équivalents, comme des fonds qui investissent dans les mêmes segments de marché. L’argument de vente des produits financiers compliqués se fonde souvent sur la faiblesse des corrélations. Or, une faible corrélation ne devrait pas constituer un argument valable si le produit ne peut pas proposer un rendement espéré approprié», rappelle Raymond Kerzérho.

Il faut également se méfier du closet indexing. Il s’agit d’un fonds indiciel ou passif déguisé en fonds actif où l’investisseur se retrouve à payer des frais de gestion excessifs pour répliquer de près un indice de marché. Aussi bien, alors, acheter le FNB qui piste l’indice en question.

Miser sur un gestionnaire actif

On souhaite tous qu’un Warren Buffett ou un autre gourou de la finance gère notre argent. Dénicher un gestionnaire de portefeuille talentueux n’est cependant pas de tout repos, ni gratuit.

Dans les faits, les rapports SPIVA (pour S&P Indices Versus Active) montrent année après année que moins de trois gestionnaires sur dix génèrent des rendements à long terme supérieurs à ceux des indices des marchés après la déduction des frais. Bien souvent, la surperformance correspond à peu près aux frais de gestion.

Ces études montrent également une absence de persistance dans la performance des gestionnaires. Même si un gestionnaire a très bien performé dans le passé ou pendant une longue période, les chances ne sont pas plus élevées qu’il performe mieux dans les années à venir. Conclusion : il est très difficile de trouver les futurs bons gestionnaires.

Un gestionnaire qui choisit d’être concentré cherche également à se distinguer du marché afin de générer des rendements supérieurs à celui-ci. On pourrait donc délaisser des pans complets de l’économie par choix. «Si mon gestionnaire me propose des rendements de quelques points de pourcentage supérieur au marché en étant concentré, je dois comprendre que je serai moins diversifié. L’exclusion de certains secteurs pourrait, par exemple, générer des rendements plus élevés, mais également des performances beaucoup moins bonnes certaines années», avertit Richard Guay.

Certains secteurs comme les technologies sont très peu représentés dans l’indice composé S&P/TSX de Toronto et les aubaines peuvent se faire plus rares. Parfois, une société individuelle occupe un grand poids dans l’indice comme ce fut le cas avec Nortel en 2000. «On ne tient pas à être présent dans tous les secteurs ni à détenir une entreprise qui est populaire, mais qui ne cadre pas avec nos critères de sélection. C’est le cas présentement avec le secteur des technologies au Canada. On pourrait alors trouver un titre plus attrayant aux États-Unis, par exemple. On fera tout de même un effort pour être présent dans sept des onze secteurs au Canada», souligne Caroline Allard.

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6 conseils pour tenter de battre les marchés

Adopter ces comportements ne vous garantira pas des rendements supérieurs à la moyenne – encore faut- il prendre les bonnes décisions d’investissement –, mais cela pourrait augmenter sensiblement vos chances de réussite.

1- Construire un portefeuille concentré

Un portefeuille de 25 à 30 titres triés sur le volet et investis dans divers secteurs vous donnera une meilleure chance de battre les indices (que si vous en détenez une centaine) tout en vous procurant une diversification adéquate.

2- Investir à contre-courant

Par définition, si vous investissez comme la majorité des investisseurs, il est plus que probable que vous obteniez un rendement qui s’approche de la majorité, de la moyenne. Les Warren Buffett de ce monde ont cette capacité de prendre des décisions d’investissement qui vont à l’encontre des courants populaires.

3- Prendre des risques… calculés

Aussi, il ne faut pas avoir peur de prendre certains risques. Ceux qui sont allergiques aux risques investissent dans le marché monétaire ou dans les certificats de dépôt. Acheter des titres à petite capitalisation peut, par exemple, doper le rendement d’un portefeuille. De plus, lorsqu’on achète des titres sous- évalués, cette sous- évaluation est en général attribuable au fait que les entreprises concernées connaissent temporairement des problèmes.

4- Avoir le courage de plonger

Les entreprises de très grande qualité sont rares et il est encore plus rare de pouvoir acheter leurs titres à prix d’aubaine. Lorsque de telles occasions se présentent, il ne faut donc pas avoir peur d’y investir une partie importante de son portefeuille.

5- Garder ses gagnants longtemps

Une fois qu’on a réussi à acheter le titre d’une société de grande qualité à un bon prix, on doit le garder à très long terme, tant et aussi longtemps que la société continue de progresser et que ses perspectives de croissance demeurent attrayantes. C’est aussi une bonne façon d’économiser beaucoup d’impôt.

6- Être prêt à sous-performer pendant certaines périodes

Si vous faites différemment des autres, préparez- vous mentalement à connaître des périodes où vous aurez des rendements moins élevés que les marchés.

Source : « Comment un investisseur peut- il se démarquer en Bourse ? », Philippe Le Blanc, CFA, MBA, gestionnaire de portefeuille, Cote 100, extrait d’un billet publié sur les affaires.com, 11 avril 2014.