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Bâtir un portefeuille en accord avec son profil d’investisseur

Jean Décary|Édition de la mi‑Décembre 2022

Bâtir un portefeuille en accord avec son profil d’investisseur

À quel profil d'investisseur correspondez-vous? Êtes-vous plutôt «conservateur» (à gauche) ou encore équilibré (à droite)? Ou alors vous classez-vous parmi les profils «croissance» ou «audacieux»?(Illustrations : Antonio Uve, Colagene, Clinique Créative)

Guerre en Ukraine, craintes de récession, poussée inflationniste, montée des taux d’intérêt, rupture des chaînes d’approvisionnement… ces facteurs ont pesé lourdement sur l’économie mondiale et tiré vers le bas les principaux marchés boursiers de la planète depuis le début de 2022. Pour plusieurs investisseurs, cela a forcé une réflexion quant à leur stratégie de placements: le portefeuille boursier est-il toujours conforme à leur profil d’investisseur et à leurs objectifs financiers?

«Si un client m’arrivait ces jours-ci avec l’idée de bouger pour avoir de meilleurs taux d’intérêt, vendre ce qui est en Bourse pour migrer vers du revenu fixe, par exemple, je lui répondrais d’être patient», explique d’emblée Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine à la Banque Nationale. Il signale que le pessimisme ambiant sur les marchés a atteint un niveau inégalé depuis la débâcle financière de 2008-2009. «C’est même plus élevé qu’au début de la pandémie et que pendant la crise financière mondiale.»

Le gestionnaire mentionne cependant qu’outre les marchés boursiers, où cela semble canalisé, ce pessimisme ne s’est pas reflété de manière significative dans d’autres catégories d’actifs, comme l’immobilier, ou dans des transactions de sociétés privées. «Ce que je dis aux gens, s’ils se sentent capables de traverser cette période de volatilité si on fait une vigie de la portion boursière du portefeuille et que l’on s’assure de la qualité des titres détenus, c’est de patienter.»

Quand il y aura de nouveau une embellie des marchés, il sera plus opportun, selon lui, de procéder à des changements, comme d’essaimer une partie du portefeuille boursier pour tranquillement bâtir une portion à revenu fixe plus importante. «Parfois, quand les marchés montent, le client va aussi changer d’avis et devenir soudainement plus à l’aise avec une certaine volatilité.»

C’est un phénomène qu’observe aussi Simon Houle, secrétaire-trésorier au conseil d’administration d’ÉducÉpargne, un organisme sans but lucratif (OSBL) dont la mission est de sensibiliser les Québécois à l’importance de maintenir et de développer de bonnes habitudes d’épargne. «Quand les marchés vont bien, on remarque qu’il y a une proportion plus grande de gens qui vont investir par eux-mêmes par l’entremise des comptes de courtage à escompte. Ils croient qu’ils peuvent faire aussi bien que les conseillers. Et quand les marchés baissent, les gens font le cheminement inverse et se tournent davantage vers les conseillers.»

 

Amorcer la construction de son portefeuille

Simon Houle est aussi planificateur financier. Il observe qu’en général, les Québécois sont moins préparés qu’on le croit pour leur retraite.

«De plus en plus, les gens envisagent de prendre leur retraite après 65 ans, explique-t-il. Depuis la réforme de la Régie des rentes du Québec (devenue le Régime de rentes du Québec), si tu es capable de repousser ta retraite après 65 ans, tu vas bonifier ta rente d’environ 8,4 % par année. Et c’est de 7,2 % pour la pension de la Sécurité de vieillesse (PSV).»

Pour commencer à investir, le planificateur financier croit que trois routes s’offrent généralement aux gens. Il y a la voie solo, c’est-à-dire qu’une personne peut ouvrir seule son compte de courtage à escompte (une option offerte par l’ensemble des institutions financières et plusieurs firmes de placement) et y acheter directement ses produits de placement (actions, fonds communs, fonds négociés en Bourse, etc.). «L’avantage, c’est que c’est généralement à peu de frais, voire gratuit. Par contre, mis à part l’information accessible en ligne, il n’y a pas de serviceconseil», fait remarquer Simon Houle.

L’autre avenue pour l’investisseur relativement autonome qui désire minimiser les frais est de faire affaire avec une firme de robot-conseiller. Il en existe plusieurs, comme Wealthsimple, InvestCube (Banque Nationale), etc. Elles vont utiliser des FNB et rééquilibrer le portefeuille selon le profil de l’investisseur et la politique de placement. «C’est à moindre coût. Par contre, si la personne veut avoir des conseils sur le plan de la fiscalité, de la retraite ou des assurances, cela risque d’être plus difficile.»

La troisième route qui s’offre aux investisseurs est celle de trouver quelqu’un qui peut les accompagner dans leur démarche, soit un conseiller financier, un planificateur financier ou un représentant en épargne collective dûment enregistré. Les gens peuvent effectuer leur recherche sur le site de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou sur celui de l’Institut québécois de planification financière (IQPF). «Je prêche pour ma paroisse, mais je crois que le meilleur type de conseiller est le planificateur financier, car il a une expertise dans les sept grands domaines d’intervention.»Ces domaines sont la finance, la retraite, les assurances, la succession, la fiscalité, les aspects légaux et le placement.

 

Mieux se connaître en tant qu’investisseur

Qu’un individu choisisse d’investir seul ou avec l’aide d’un conseiller, établir son profil d’investisseur n’en demeure pas moins essentiel pour s’assurer, à terme, au moyen des bons outils financiers et de la bonne stratégie d’investissement, de bien naviguer à travers les hauts et les bas des marchés boursiers. L’idée: atteindre ses objectifs financiers sans y perdre son latin… ni ses cheveux. «Le questionnaire va permettre à l’investisseur autonome de mieux se connaître, et aux conseillers, de mieux connaître leurs clients», explique le secrétaire-trésorier au C.A. d’ÉducÉpargne.

Il s’agit même d’une obligation pour les conseillers, comme il le rappelle. «Des modifications apportées au règlement 31-103 par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), mieux connues comme “les réformes axées sur le client”, ont eu lieu en 2021 dans la foulée de la pandémie.»Ces modifications requièrent que le conseiller procède à la révision du dossier des clients tous les 36 mois, ou tous les 12 mois pour les comptes gérés. «Dans mon cas, ce sont des comptes gérés, donc mon obligation est aux 12 mois», précise-t-il.

Pour tous les investisseurs (autonomes ou autres), le site web de l’Autorité des marchés financiers (AMF) propose un outil qui évalue la tolérance au risque de l’investisseur et le guide vers le type de placement qui lui conviendrait.

L’outil pose 12 questions afin d’analyser les résultats dans trois grandes catégories. La première:l’investissement envisagé. Quels sont les montants à investir ? À quelle fréquence investira-t-il de nouvelles sommes ? Quel est l’horizon de placement ? Est-ce que l’investisseur prévoit effectuer des retraits à effectuer dans le temps ? Quels sont les buts financiers recherchés (revenu régulier, croissance, coup d’argent, etc.) ? La deuxième catégorie:la capacité financière de l’individu. Quel est le degré de connaissance de l’investisseur en matière de placement ? Quelle est sa situation financière actuelle (budget déficitaire ou équilibré, surplus) ? Quels événements pourraient venir affecter l’équilibre budgétaire et forcer le décaissement de placements ?

La dernière catégorie: la capacité à tolérer des risques. Avec des mises en situation, on cherche à déterminer la tolérance de l’investisseur face au risque et à la volatilité. Comment réagirait-il si une crise financière survenait ?

Ces questions mènent à l’analyse des résultats et à l’établissement d’un profil:très prudent, revenu prudent, équilibré, croissance et croissance dynamique (ou audacieux).

L’AMF précise que cet outil «ne remplace pas les conseils d’un représentant autorisé qui s’assurera de prendre en considération votre situation financière et personnelle». Frédéric Désilets, conseiller en sécurité financière et courtier en épargne collective à la Sun Life, est d’accord sur ce dernier point:la discussion avec le client est essentielle. Il rappelle l’importance du questionnaire, qui s’est normalisé avec les années, un outil didactique utile qui permet de mieux connaître l’investisseur, mais reconnaît du même souffle que la discussion avec le client est tout aussi cruciale, sinon davantage.

«C’est une obligation de remplir ce questionnaire, mais ce n’est qu’une partie du casse-tête. Les gens répondent aux questions du mieux qu’ils peuvent, mais parfois, on doit revenir sur certaines réponses avec eux, car clairement, au fil de nos discussions, il apparaissait évident que cela ne reflétait pas leur tempérament ou les objectifs poursuivis. C’est pourquoi j’aime que chaque client remplisse le questionnaire en ma présence. Je veux évaluer leurs réactions en direct.»

Le courtier de la Sun Life avoue qu’un bon conseiller est bien souvent en mesure de cerner rapidement le type d’investisseur qu’il a devant lui. «Souvent, leurs réponses témoignent d’un simple manque de connaissances, autrement ils iraient dans une autre direction. Plus le niveau d’éducation financière est élevé, plus les gens ont tendance à être audacieux.» Avec les données connues sur l’évolution des marchés, un robot qui investirait à long terme le ferait 100 % en actions. «C’est la lecture rationnelle. Mais les gens ont des émotions et il faut les accompagner là-dedans pour qu’ils investissent sans se prendre la tête.»

 

Volatilité boursière, on adapte?

Est-ce que le téléphone sonne davantage quand les voyants des marchés boursiers sont au rouge ? «Affirmatif», répond du tac au tac Frédéric Désilets. «Ce sont généralement les personnes au profil prudent qui ont entendu parler de la Bourse dans les médias et se demandent s’il faudrait changer quelque chose à leur stratégie. Dans une très moindre proportion, disons 10 %, tu as à l’autre extrême les audacieux qui veulent profiter des aubaines sur les marchés.» Le conseiller rappelle que depuis la crise financière de 2008-2009, les marchés ont été généralement haussiers et que, par conséquent, les gens étaient moins prompts à sauter sur le téléphone. «Mais il faut quand même garder le contact. Quitte à se dire que tout va bien et qu’on maintient le cap.»

Est-ce qu’une chute des marchés boursiers est la bonne occasion de revoir son profil ? Frédéric Désilets croit qu’il vaut mieux attendre le retour d’une embellie sur les marchés. «Mon rôle est de faire prendre au client de bonnes décisions en phase avec les choix qu’il a faits. Si on a bien fait nos devoirs en amont, que la personne a rempli le questionnaire pour déterminer son profil d’investisseur et que nous avons eu par la suite une discussion franche, il est préférable de laisser le tout tel quel.»Il va néanmoins prendre le temps de revoir le profil avec le client et d’expliquer les raisons pour lesquelles il vaut mieux attendre:pour ne pas concrétiser de perte, parce que leur horizon de placement est à long terme, etc. «Souvent, juste un rappel du profil et des objectifs suffit à les rassurer dans leur stratégie.»

 

Quand revoir son profil?

Le conseiller de la Sun Life suggère de réviser son profil quand surviennent des événements importants dans notre vie qui ont un effet sur notre équilibre budgétaire ou qui changent la donne quant à nos objectifs financiers, qu’il s’agisse d’une rupture, de l’achat d’une maison, de l’arrivée d’un enfant ou d’une maladie. Ce peut être aussi en raison d’une entrée imprévue d’argent, comme un héritage. Il cite l’exemple d’une femme devenue veuve à la suite du décès de son mari médecin. «Elle était déjà rentière avec un train de vie qui lui convenait et des placements plus prudents et sécuritaires. Elle souhaitait léguer l’argent dont elle a hérité à ses enfants. Au lieu de l’investir à l’image de son profil d’investisseuse, elle l’a fait davantage selon celui de ses enfants et de leur horizon de placement. Elle a donc investi de façon plus agressive avec un profil croissance. Ce qui se défendait très bien comme choix, car son objectif financier pour la gestion d’une partie de son patrimoine avait changé.»

Frédéric Désilets est d’avis que la fréquence de modification d’un profil dépend du client et de la manière dont il évolue dans le temps avec ses placements et sa tolérance au risque. «La vie n’est pas une ligne droite. L’important, selon moi, c’est que le client garde la communication ouverte. Si des aspects de la vie changent, on convient de ce qu’il faut modifier pour tenir compte de ces changements.»

Cimon Plante croit aussi à l’importance de garder bien ouverts les canaux de communication avec le client. «Sans refaire le plan financier de A à Z, je reverrais au minimum une fois par an le client pour faire le point sur où nous en sommes avec les objectifs financiers établis. Sommes-nous en avance ? En recul ? En retard et pourquoi ?»Il arrive également qu’à la suite d’années fastes en Bourse, le client soit tenté par plus de risque, selon le gestionnaire à la Banque Nationale. Inversement, quand il y a des années de vaches maigres, il pourrait se laisser séduire par davantage de sécurité. «À cela peuvent s’ajouter des événements pour lesquels ils ont des besoins de liquidités. Tout cela fait par- tie de la conversation sans pour autant que nous ayons nécessairement à remplir le questionnaire de nouveau.»

Le questionnaire que l’ensemble des institutions fait remplir aux investisseurs est un outil utile qui donne une idée de la tolérance au risque d’un client et d’une possible répartition de son actif, mais qui demeure somme toute incomplet, selon Cimon Plante. «Ça ne dit pas tout. Ça peut ne pas tenir compte du tempérament de l’investisseur et de ses besoins en liquidité.»

Il faut faire attention, selon lui, car, soit par manque d’éducation financière ou en raison d’un mauvais accompagnement du conseiller, les choix que l’on faits peuvent grandement venir affecter la performance d’un portefeuille. «J’ai rencontré des clients dans la trentaine avec des profils conservateurs équilibrés. Pourtant, ils n’avaient pas besoin de cet argent-là à court terme. Ce qui explique pourquoi, au lieu de faire des rendements de 8 % ou de 10 % annuellement, ces derniers étaient de 4 % ou de 5 %. De petits pourcentages qui ont des effets importants sur la performance du portefeuille à long terme.»

 

Les besoins en liquidité, l’âge et l’horizon de placement

«Je commence avec une approche empirique et je m’adapte ensuite au tempérament de l’investisseur», explique Cimon Plante. La première chose dont il s’enquiert est le besoin en liquidité:combien de temps les montants seront-ils investis?

Statistiquement, sur une période de douze mois, la Bourse a un rendement négatif 33 % du temps. «Prenons l’exemple d’un investissement de 200 000$ en actions. Disons que tu as besoin d’une partie de ce montant avant la fin de l’année. Tu as une chance sur trois que ton investissement ait baissé et de devoir cristalliser des pertes pour faire un retrait.»

Sur une période consécutive de cinq ans ou 60 mois, cette probabilité que les marchés soient négatifs est de 20%. «Encore là, ce n’est pas une bonne idée d’être investi totalement en actions, car il y a une chance sur cinq que ton investissement initial soit négatif et que tu aies à réaliser une perte en capital.»Et sur un horizon de dix ans? «La probabilité de faire un gain est de 96 %.»Au-delà de cet horizon, il y a 100 % de chance que ton portefeuille soit rentable selon lui. «À partir de ces informations et selon la situation du client, on va donc prévoir quels sont les retraits pour les dix prochaines années. Cette portion va donc migrer vers des placements sécuritaires, car tu veux être certain d’avoir l’argent au moment venu.»Un jeune investisseur de 30 ans qui économise pour la retraite et utilise ses véhicules de placement (CELI et REER, notamment) dans une perspective à long terme pourrait très bien être investi 100 % en Bourse. «On sait qu’il ne touchera pas à cet argent-là d’ici au moins dix ans.»

Il y a toutefois l’approche empirique basée sur des statistiques et il y a la réalité. «Les statistiques, c’est la partie rationnelle, mais il faut conjuguer le tout avec le tempérament du client. Quelle est sa zone de confort ?»Il peut très bien se qualifier pour un profil croissance, avec une répartition de 30 % en titres à revenu fixe et de 70 % en actions. «Il peut comprendre la logique, mais dans les faits, si les marchés baissent et que ça affecte son sommeil, ce n’est pas une bonne option pour lui.»

Et l’âge, dans tout ça, pour aider l’investisseur avec sa répartition d’actifs ? «C’est un bon guide, mais pas si on en fait des catégorisations rigides, car cela ne tient pas en compte les besoins de liquidités ni les tempéraments des investisseurs.»

Cimon Plante évoque l’exemple de l’investisseur de 85 ans qui a toujours investi en Bourse et qui vit bien avec la volatilité. Il a un portefeuille immobi- lier, des rentes et le montant qu’il a en Bourse, au fond, c’est pour la succession. «Il pourrait être plus exposé aux marchés boursiers que, par exemple, un jeune médecin de 40 ans qui doit décaisser pour l’achat d’une maison et qui est anxieux face aux soubresauts de la Bourse.»

La majorité des institutions financières utilisent des profils types de portefeuille qui se déclinent par rapport à leur niveau de risque. «La grosse différence, en général, c’est la proportion en obligations. Plus le portefeuille est agressif et moins la proportion en obligations sera élevée. Plus le portefeuille est conservateur, plus elle sera élevée», généralise Simon Houle, d’ÉducÉpargne, qui souligne par ailleurs qu’il y a aussi d’autres façons de créer du revenu (actions à dividende, produits alternatifs, etc.)

Cimon Plante suggère quant à lui de simplifier les profils en quatre grandes catégories:conservateur, équilibré, croissance et audacieux.

 

Le profil conservateur

On retrouve dans ce créneau deux personnalités types, selon le gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine à la Banque Nationale. Il y a d’abord le retraité qui entrevoit des besoins de décaissement et dont la priorité est la préservation du capital. Il a travaillé fort pour accumuler son argent et recherche une stratégie de placement qui procure un revenu régulier et stable. «C’est celui qui investit selon l’adage « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Il veut soutenir son style de vie.»

Frédéric Désilets, de la Sun Life, abonde dans le même et ajoute aussi la personne aux besoins de liquidités, tous âges confondus. «Ce sont, à toutes fins utiles, des sommes d’argent pour des imprévus ou des projets à court terme.»

La deuxième personnalité qui correspond à ce profil d’investisseur est la personne carrément allergique à la volatilité. «C’est la personne pour qui le sommeil est affecté par les fluctuations du marché boursier», mentionne Cimon Plante. La composition d’un tel portefeuille accorderait selon lui une plus grande exposition aux titres à revenu fixe (entre 55 % et plus) et une plus petite place aux actions (35 %). Le reste du portefeuille pourrait être réparti entre l’encaisse (5 % en bons du Trésor) et des produits alternatifs (5 % en fonds spéculatifs, d’infrastructures, billets à capital protégé ou or). À long terme, un portefeuille conservateur procurerait une croissance très modérée du capital investi. De façon générale, les personnes de 65 ans et plus forment le groupe dominant de ce profil.

 

Le profil équilibré

Deux personnalités se distinguent dans ce profil: d’abord, l’investisseur qui amorce la dernière ligne droite et se prépare tranquillement pour la retraite (généralement de 50 ans et plus). «C’est quelqu’un qui est à la porte de la retraite et qui va se mettre à bâtir en amont son portefeuille en revenu fixe», souligne Cimon Plante. Ce client cherche à stabiliser ses rendements, car son patrimoine a crû de façon significative. Il ne veut pas entamer sa retraite en subissant une sévère correction boursière.»Cet investisseur va commencer à bonifier la partie à revenu fixe de son portefeuille.

«L’autre personnalité type est l’investisseur en phase d’accumulation, peu importe l’âge, mais qui éprouve un inconfort avec la volatilité et recherche un certain compromis. Il veut toucher un peu à tout et ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.» Il va miser sur un portefeuille diversifié entre les différentes catégories d’actifs. Cette stratégie, avec une composante de risque modérée, offre un potentiel de croissance à long terme. «C’est souvent le portefeuille le plus populaire», aux dires du gestionnaire de la Banque Nationale. Simon Houle, d’ÉducÉpargne, est d’accord. «Je le vois dans ma pratique, la majorité de mes clients se retrouvent dans cette catégorie avec une répartition 60-40. Ils ont une bonne situation, sont en phase d’accumulation, s’approchent de la retraite et ne veulent pas trop vivre de fluctuations.»

Frédéric Désilets, de la Sun Life, constate quant à lui que ce type de portefeuille intéresse souvent ses nouveaux clients. «Ils sont ambivalents, n’ont souvent pas beaucoup d’intérêt pour l’investissement et recherchent une solution mitoyenne entre prudence et croissance. Ils ne veulent pas manquer le bateau, mais être dessus tout en sachant qu’ils n’iront pas plus vite.»

Règle générale, la composition d’un portefeuille équilibré est équipondérée. On accorde plus ou moins la même importance entre les portions à revenu fixe (40 %) et en actions (45 %) et une portion de 10 % dans les produits alternatifs.

Selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada, les fonds communs de placement aux profils équilibrés, c’est-àdire qui investissent dans une combinaison d’actions et d’obligations, sont les plus populaires au pays. «À la fin de 2021, 49 % des actifs des fonds communs de placement canadiens se trouvaient dans la catégorie des fonds équilibrés», selon le rapport 2021 sur les fonds d’investissement du Canada. Les fonds d’actions formaient la deuxième plus grande catégorie en importance, avec 36 % des actifs.

 

Le profil croissance

Selon Cimon Plante, on retrouve dans cette catégorie une grosse grappe d’investisseurs, généralement les 30-55 ans. Ce sont les jeunes professionnels en phase d’accumulation qui ont encore plusieurs années à travailler avant la retraite. «Ils veulent une stratégie intelligente qui va bonifier leur rendement à long terme sans être trop agressif.»

Cette clientèle recherche un potentiel de croissance élevé tout en étant consciente que la valeur de leur portefeuille va fluctuer. «J’y vois beaucoup de professionnels avec des familles, ils ont une maison, un budget stable, et sont bien engagés dans la vie», souligne pour sa part Frédéric Désilets. En général, la proportion d’actions du portefeuille excède 55 % et peut même se rendre jusqu’à 75 %. En revanche, la partie en revenu fixe gravite plus autour des 25 %.

 

Le profil audacieux

«Ce ne sont pas eux qui me téléphonent en panique lorsque les marchés sont en baisse. Lorsqu’ils appellent, c’est parce qu’ils voient des occasions d’investissement et cherchent des liquidités pour le faire», explique Cimon Plante. On y retrouve les opportunistes et les gens très éduqués financièrement. «Ces investisseurs suivent de près les marchés boursiers, ils ont lu sur la planification financière et ils ont des tempéraments qui leur permettent de passer au travers de phases de volatilité élevée.»

«C’est un profil plus rare. J’ai des clients avec une pondération 80-20 et quelquesuns avec une répartition en actions encore plus élevée. Ce sont des gens qui ont à la fois une très bonne compréhension des marchés et une très bonne capacité à gérer le risque», mentionne Simon Houle, d’ÉducÉpargne.

Ces investisseurs ont généralement entre 30 et 50 ans et sont en phase d’accumulation. La pondération de leur portefeuille peut même aller jusqu’à 100 % en actions. «Je n’ai pas beaucoup de clients avec ce genre de portefeuille, mais ça existe», précise Frédéric Désilets. «C’est souvent le jeune professionnel allumé, bien informé, avec un bon emploi et un bon salaire, économe, sans enfants et avec de bonnes connaissances financières.»

 

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Une règle d’or : l’âge et le pourcentage d’obligations

En investissement, il existe (ou subsiste) toujours cette règle selon laquelle l’âge de l’investisseur devrait équivaloir à son exposition en titres à revenu fixe, des produits financiers par définition plus prudents. Une personne de 60 ans devrait détenir généralement un portefeuille avec, par exemple, une composante obligataire (ou autres produits alternatifs relativement sécuritaires) de 60 %. La balance, soit 40 %, pourra être investie dans des actions. La raison est simple : plus une personne vieillit, plus elle doit minimiser son exposition au risque et sécuriser son capital pour s’assurer un certain train de vie pendant la retraite. « -Il y a évidemment plein de facteurs à prendre en compte, mais si tu n’as pas trop de connaissance, cela peut être un bon point de départ », souligne -Cimon -Plante de la -Banque -Nationale.

L’important, selon lui, c’est de passer à l’action. «Selon son niveau d’éducation financière et comment il se sent par rapport à l’évolution des marchés, l’investisseur pourra modifier sa pondération en cours de route. Ce n’est pas fixé à jamais. Cela dépend de son plan financier global. »

« Cette règle n’est pas très sophistiquée, mais c’est un point de départ. Je préfère prendre en considération un ensemble de facteurs », souligne pour sa part -Simon -Houle, d’ÉducÉpargne. En temps normal, quand les actions chutent, les obligations agissent comme police d’assurance. Le planificateur financier observe que ce n’est toutefois pas ce qu’on voit depuis le début de 2022 en raison de la hausse assez agressive des taux d’intérêt qui a fait baisser la valeur marchande des obligations. «Les deux catégories d’actifs ont tiré de la patte. Par contre, une fois à échéance, les obligations sont renouvelées avec un meilleur taux. Cela va prendre quelque temps avant que la tendance change. » Simon -Houle croit que l’investisseur doit en tirer des leçons et comprendre également que les marchés boursiers agissent comme indicateur précurseur sur l’économie. « Les marchés ont généralement une avance de six à huit mois sur l’économie. »

 

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Prévoir le creux boursier, mission impossible

Buy the Dip est l’expression consacrée dans le jargon du milieu financier (où l’anglais domine) pour désigner l’achat d’actions qui se négocient au rabais sur les marchés en période de recul. C’est le moment où des investisseurs qui n’ont pas froid aux yeux et ont des liquidités en profitent pour accroître leurs positions ou pour en détenir de nouvelles. Est-ce toujours une démarche qui fonctionne ? « Oui, si on le fait de façon intelligente, soutient le gestionnaire de portefeuille Cimon Plante. Ça ne veut pas dire, selon lui, de trouver le creux exact dans le marché, car c’est une mission presque impossible. « Mais quelqu’un qui a des liquidités et voudrait investir pourrait le faire par tranches et sur une période donnée, par exemple aux huit semaines. » Si le marché baisse davantage au cours d’une période cible (10 % et plus), l’investisseur peut accélérer les achats. Le déploiement des liquidités pourrait se faire sur un horizon de six mois, par exemple. « Comme ça si le marché baisse, on moyenne vers le bas, et si ça monte au moins on aura mis un pied dans le marché. »

 

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Cas vécu : un héritage qui fait du surplace

Cimon Plante relate l’histoire de cette jeune cliente qui faisait affaire en succursale et avait changé trois fois de conseiller et trouvait que ses placements faisaient du surplace. Elle avait rempli un questionnaire et on lui avait attribué un profil conservateur. Il s’agissait à l’origine d’un héritage de ses parents qu’elle avait investi. Son portefeuille était surtout composé de fonds négociés en Bourse (FNB) obligataires, comme le FNB indiciel iShare Core Canadian Universe Bond (XBB, 27,56 $), qui avait généré un rendement annuel moyen de 1,84 % depuis dix ans à la mi-novembre. La Bourse avait donné un rendement moyen de 12,68 % par année pour la même période. «Si elle avait placé le montant de 250 000$ en partie dans un profil équilibré et audacieux, pour la même période, cela représenterait un écart de 267 000 $ de gain, soit plus que le dépôt initial.»

L’idée n’était pas de la faire passer d’un profil conservateur à un profil audacieux, mais d’illustrer pourquoi cette personne avait obtenu 
de si bas rendements. Cette cliente a depuis opté pour un profil croissance. «Malgré les fluctuations de 2018 et 2020, elle est nettement plus à gain aujourd’hui que si elle avait gardé le statu quo, et ce, malgré la volatilité actuelle. » Le gestionnaire a des discussions régulières avec l’investisseuse, qui est plus à l’aise avec son portefeuille qu’autrefois, car elle a amélioré son éducation financière. 
«Elle n’est plus à son premier rodéo et a augmenté sa tolérance à la volatilité et comprend qu’elle a aussi du temps devant elle.»

 

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Cas vécu : une millionnaire au profil conservateur

Cette personne proche de la retraite, avec un profil conservateur, avait 300 000 $ à investir quand elle est allée voir Cimon Plante. Un montant de 105 000$ était investi en actions et la balance en titres à revenu fixe. Le conseiller a procédé à une évaluation des actifs de la cliente. «Si j’actualisais la valeur de sa caisse de retraite en dollars d’aujourd’hui, cela équivalait à 1,3 million de dollars.»

À cela s’ajoutaient des actifs immobiliers, dont un duplex d’une valeur de 425 000$, une maison de 600 000$ et des liquidités. Son patrimoine s’élevait grosso modo à 2,7 M$. Bref, son portefeuille boursier ne représentait que 4% de l’ensemble de ses actifs. «Quand tu regardes tout son écosystème financier à 30 000 pieds d’altitude, au lieu de le regarder comme un vase clos, tu réalises finalement que tu as de la marge de manœuvre pour être plus audacieux.»

Finalement, sa cliente est passée 
à un profil équilibré. «Elle maintient aujourd’hui un train de vie qui n’a pas changé. Ses revenus de loyer et ses revenus de retraite lui conviennent très bien. Elle a aussi en masse de liquidités pour les imprévus.» Cimon Plante en profite pour soulever l’importante considération que représente la participation d’un investisseur à une caisse de retraite. «Il y a une grosse différence entre, par exemple, un consultant à son compte sans caisse de retraite, 
et un professionnel qui en possède une. C’est en quelque sorte un gros placement garanti.»