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Bien choisir ses FNB en gestion active

Sophie Stival|Édition de la mi‑mars 2024

Bien choisir ses FNB en gestion active

À la fin de 2023, l’actif total détenu en FNB s’élevait à 382 milliards de dollars (G$), comparativement à un maigre 77G$ en 2014, selon des données de l’Institut des fonds d’investissement du Canada. (Photo: 123RF)

La gestion active n’est plus l’apanage des fonds communs de placement. Ce constat s’impose quand on observe la multitude de produits et de stratégies désormais offerts dans le marché des FNB au Canada.

À la fin de 2023, l’actif total détenu en FNB s’élevait à 382 milliards de dollars (G $), comparativement à un maigre 77 G $ en 2014, selon des données de l’Institut des fonds d’investissement du Canada. Quelle part de cette tarte occupent les FNB en gestion active ? Environ 30 %, estimait en janvier dernier l’équipe de recherche d’Andres Rincon, directeur et chef des ventes et de la stratégie de FNB de Valeurs mobilières TD. « Ces produits ont connu une croissance exponentielle ces dernières années. Plusieurs l’ignorent, mais le Canada est le leader mondial pour les FNB en gestion active en pourcentage du marché domestique total », précise-t-il.

Il est plus facile pour les entreprises de fonds communs au Canada de lancer une série FNB d’un même fonds qu’aux États-Unis, où les règles sont plus strictes. Du côté de la transparence des FNB, les Américains doivent généralement divulguer quotidiennement l’ensemble des positions détenues en portefeuille. Chez nous, cette exigence s’exprime dans les rapports annuels du fonds. Pour plusieurs gestionnaires actifs au sud de la frontière, cette obligation journalière est un obstacle. On préfère conserver l’expertise et le bien-fondé de la stratégie à l’abri des regards. « Au Canada, un gestionnaire actif peut choisir de montrer seulement les dix plus grosses positions du fonds », rappelle Alain Desbiens, directeur des FNB, est du Canada, à BMO gestion mondiale d’actifs.

Dans le monde des FNB, la gestion active n’est pas seulement liée au talent d’un gestionnaire qui choisit des titres individuels sans égard à un indice de référence. « Tout indice qui n’est pas basé sur la capitalisation boursière des titres qui le composent ne peut être considéré comme de la gestion passive indicielle pure. Il y a, d’une manière ou d’une autre, une stratégie sous-jacente qui diffère du marché », affirme Daniel Straus, chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale. Il s’agit d’un large spectre où l’on retrouve également de l’investissement factoriel ou encore des FNB répliquant des indices sur mesure.

 

Le revenu fixe se démarque

Plusieurs arguments militent en faveur d’une gestion plus active du côté du marché obligataire. D’abord, il s’agit d’un marché non coté en Bourse relativement opaque. « Certains gestionnaires actifs se démarquent grâce à leur capacité à neutraliser le risque de durée (la sensibilité de la valeur des titres aux variations des taux d’intérêt, NDLR) tout en augmentant le risque de crédit », remarque Daniel Straus. Ce fut notamment le cas, ces dernières années, alors que les taux d’intérêt étaient historiquement bas.

Par ailleurs, il y a beaucoup plus d’actifs gérés activement du côté des FNB de revenu fixe que dans le marché des actions. « On est donc prêt à payer un peu plus cher un gestionnaire actif afin de contourner les difficultés associées à ce marché plus complexe », constate Andres Rincon. « Beaucoup de participants dans ce marché achètent des titres parce qu’ils y sont obligés. Ils sont agnostiques au rendement et cela rend parfois ces titres très chers », souligne Daniel Straus. Pensons aux exigences de capital réglementaire pour les institutions financières ou encore, pour des raisons d’appariement des passifs, par un régime de retraite ou une compagnie d’assurance.

Un gestionnaire actif évitera d’acheter ces obligations gouvernementales coûteuses et se tournera vers des titres de crédit, comme les obligations de sociétés. Il faudra alors une certaine expertise pour évaluer les écarts de crédit et la courbe de rendement pour ajouter de la valeur au portefeuille.

Anticiper les mouvements de la courbe de taux d’intérêt et se positionner pour des baisses (ou des hausses) de taux n’a rien de simple. La gestion active semble aussi se démarquer quand on souhaite ajouter un volet international au portefeuille obligataire, car elle devra alors gérer le risque de devises et pourrait saisir les occasions qui se présentent dans certains marchés à revenu fixe moins efficients.

 

Investir dans des marchés pointus

« La gestion active peut être attrayante quand on veut déployer une stratégie plus difficile à répliquer sous un format indiciel. Cela permet d’investir avec précision dans certains marchés pointus. On peut aussi rechercher l’expertise d’un gestionnaire reconnu afin de complémenter une offre indicielle », note Alain Desbiens. En d’autres mots, on peut ainsi cibler des sous-catégories d’actifs, par exemple des obligations à court terme de sociétés, des créances fédérales à long terme ou encore, différents thèmes (innovation, ESG, etc.) ou secteurs (technologies, ressources naturelles, etc.).

Que penser des catégories d’actifs dites « alternatives » ou « non traditionnelles » ? « La gestion active nous propose des solutions de placements différentes des actions et des obligations classiques, en ajoutant par exemple de l’immobilier, des infrastructures ou des prêts directs aux investissements plus traditionnels. Une plus grande diversification des sources de rendement pourrait ajouter deux ou trois points de pourcentage de rendement à un portefeuille plus traditionnel, tout en diminuant la volatilité des résultats », remarque François Bourdon, associé directeur à Nordis Capital. Auparavant réservés aux investisseurs institutionnels, les placements non traditionnels sont maintenant offerts aux particuliers sous la forme de FNB. Bien que plus coûteux, les frais de ces stratégies ont diminué au fil des ans.

Du côté des actions, il existe également une multitude de stratégies en gestion active. Toutefois, surpasser le rendement des grands indices après frais comme le S&P 500 ou le Nasdaq n’est pas une mince affaire, comme le montrent les rapports SPIVA (« S&P Indices Versus Active ») année après année. « On a bien essayé de prouver le contraire, mais généralement, la surperformance des gestionnaires actifs l’est pour une période assez courte, même si certains génèrent des rendements stratosphériques. Il a par ailleurs été démontré, notamment par Morningstar, que cette surperformance est souvent réalisée en ajoutant du risque plutôt que grâce à la compétence du gestionnaire à choisir les bons titres ou stratégies », souligne Daniel Straus.

Avant de choisir un FNB en gestion active, il faut également se renseigner sur les frais de cette gestion, en plus de s’assurer de bien comprendre la méthodologie d’investissement.

 

Les FNB factoriels de plus en plus populaires

Beaucoup de gestionnaires vont tenter de battre ou de répliquer des indices complexes à comprendre pour les investisseurs. Une catégorie qui a gagné beaucoup d’adeptes ces dernières années est celle des FNB factoriels. On souhaite profiter d’anomalies ou de facteurs qui vont générer un rendement ajusté au risque intéressant. Ces principaux facteurs sont : la valeur, le momentum, la qualité, les petites capitalisations, les dividendes élevés et la faible volatilité. Des recherches universitaires ont montré que certains facteurs peuvent surperformer sur de longues périodes les indices de marché. Ces FNB factoriels sont aussi populaires, car ils coûtent moins cher qu’un fonds ayant une démarche purement active.

D’après François Bourdon, les grands indices boursiers devraient moins dominer au cours des prochaines années. Il constate que ces derniers sont de plus en plus concentrés. Pensons aux « sept magnifiques » (Apple, Microsoft, Nvidia, Amazon, Meta Platforms, Alphabet et Tesla), qui représentent environ 30 % de l’indice S&P 500. « Lorsqu’une entreprise est très grosse, il lui sera plus difficile de continuer à croître rapidement, car il ne reste plus de place dans l’économie. Des efforts sont consentis aux États-Unis pour réduire la concentration : le gouvernement a laissé savoir aux grandes entreprises qu’il ne permettrait pas de nouvelles acquisitions importantes. Si les grandes entreprises ne poursuivent pas leur croissance, les plus petites feront mieux et les indices auront de moins bons résultats », croit-il.

Avant de plonger, mieux vaut se rappeler que le plus important lorsqu’on construit son portefeuille, c’est d’en contrôler les frais. « La meilleure façon d’y parvenir sera de miser sur des FNB passifs dans toutes les grandes catégories d’actifs, croit Daniel Straus. En ayant un portefeuille bien diversifié, on augmente considérablement nos chances de succès. On peut ensuite l’enrichir d’un volet stratégique avec des placements satellites ayant un mandat plus actif. »